Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 4 décembre 2019, n° 420655, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9650Z48)
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N1553BY8
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par Laïla Bedja
le 11 Décembre 2019
► Ni les articles R. 772-5 (N° Lexbase : L0819IYY) à R 772-10 du Code de justice administrative, ni le droit à un procès équitable, garanti notamment par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), ne font obligation au juge, lorsque le défendeur a communiqué au tribunal l'ensemble des éléments pertinents du dossier constitué pour l'instruction de la demande ou pour le calcul de l'indu et que ces éléments ont été soumis au débat contradictoire, de diligenter une mesure supplémentaire d'instruction ou d'inviter le demandeur à produire les pièces qui seraient nécessaires pour établir le bien-fondé d'allégations insuffisamment étayées ;
si la requérante faisait valoir dans ses écritures devant le tribunal administratif, outre les événements douloureux qu'elle avait traversés, la situation financière difficile dans laquelle elle se trouvait, elle ne produisait aucun justificatif permettant d'apprécier la situation de son foyer, qui avait évolué par rapport à celle dont le département avait pu avoir connaissance ; dans ces conditions, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit en rejetant ses conclusions sans l'inviter préalablement à produire les pièces nécessaires pour établir la précarité de sa situation.
Telles sont les solutions retenues par le Conseil d’Etat dans une décision du 4 décembre 2019 (CE 1° et 4° ch.-r., 4 décembre 2019, n° 420655, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9650Z48).
En l’espèce, Mme A a bénéficié du revenu de solidarité active du 1er mai au 31 juillet 2014. Lors d’une demande d’aide au logement formée le 25 novembre 2015, mentionnant une vie de couple depuis mars 2014, la caisse d’allocations familiales a décidé de récupérer à son encontre un indu, correspondant aux sommes qu’elle avait perçues au titre du RSA.
Son recours administratif préalable et sa demande de remise gracieuse ayant été rejetés par une décision du président du conseil départemental de la Drôme du 22 septembre 2016, Mme A a saisi le tribunal administratif de Grenoble. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 20 avril 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Enonçant la solution précitée, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi de Mme A. Les juges précisent que les articles susvisés du Code de justice administrative comportent des dispositions particulières applicables à la présentation, à l'instruction et au jugement des requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi. Il en résulte, tout d'abord, que le juge ne peut rejeter une requête entrant dans leur champ d'application au motif qu'elle ne comporte l'exposé d'aucun moyen ou qu'elle ne comporte que des moyens qui ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé -ce qui ne nécessite ni instruction contradictoire ni audience publique- sans avoir informé le requérant, sauf s'il est représenté par un avocat ou a utilisé le formulaire comportant ces informations, du rôle du juge administratif et de la nécessité de lui soumettre une argumentation propre à établir que la décision attaquée méconnaît ses droits et de lui transmettre, à cet effet, toutes les pièces justificatives utiles.
Ensuite, il appartient au défendeur, si nécessaire à l'invitation du tribunal, de communiquer à celui-ci l'ensemble du dossier constitué pour l'instruction de la demande ou pour le calcul de l'indu et le juge ne peut régulièrement rejeter les conclusions dont il est saisi, pour un motif sur lequel son contenu peut avoir une incidence, s'il ne dispose pas des éléments pertinents de ce dossier, sauf à avoir invité le requérant à produire les pièces précises, également en sa possession, qui sont nécessaires à l'examen de ses droits.
Enfin, la procédure contradictoire peut être poursuivie au cours de l'audience sur les éléments de fait qui conditionnent l'attribution de la prestation ou de l'allocation ou la reconnaissance du droit, objet de la requête, et le juge peut décider de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure à l'audience pour permettre aux parties de verser des pièces complémentaires.
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