Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 7 novembre 2019, n° 424702, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2833ZUH)
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par Vincent Téchené
le 13 Novembre 2019
► Il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucune ligne directrice de l'Autorité de la concurrence que, pour une sanction prononcée en matière de contrôle des concentrations, celle-ci devrait procéder à une explicitation du montant de la sanction prononcée en précisant le montant de la sanction auquel les manquements qu'elle a constatés exposaient l'entreprise, puis en indiquant les corrections qu'elle apporte à ce montant pour tenir compte de circonstances atténuantes ou aggravantes qu'elle a constatées du fait du comportement de l'entreprise, des diligences qu'elle a effectuées et des difficultés qu'elle a rencontrées.
Tel est le principal enseignement d'un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 7 novembre 2019 (CE 3° et 8° ch.-r., 7 novembre 2019, n° 424702, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2833ZUH).
L’affaire. Le 20 novembre 2015, la FNAC, qui exerce son activité principalement dans les secteurs de la distribution des produits électroniques dits «bruns» (téléviseurs, équipements hi-fi et audio, appareils numériques, lecteurs DVD) et «gris» (micro-ordinateurs personnels, écrans, périphériques, téléphonie) et des produits dits «éditoriaux» (musique, vidéo, livres, jeux de société), a présenté une offre de prise de contrôle exclusif de la société Darty, qui exerce son activité essentiellement dans les secteurs de la distribution des produits électroniques dits «bruns» et «gris» ainsi que des produits électroménagers et des cuisines équipées. Par une décision n° 2016-DCC-111 du 27 juillet 2016, l'Autorité de la concurrence a autorisé l'opération de concentration, sous réserve de la réalisation effective des engagements proposés par la société FNAC, qui consistaient en la cession de cinq magasins Darty situés en région parisienne, les acquéreurs potentiels devant être agréés par l'Autorité de la concurrence. Par une première décision du 28 juillet 2017, la présidente de l’Autorité a rejeté la demande d’agrément du candidat à la reprise de deux magasins au motif que les conditions n'étaient pas réunies. Par ailleurs, le 28 juillet 2017, la présidente de l'Autorité de la concurrence a rejeté la demande de la FNAC de prolongation, pour une durée de six mois, du délai d'exécution de ses engagements, au motif qu'aucune circonstance exceptionnelle ne la justifiait. Enfin, par une décision du 27 juillet 2018, l'Autorité a constaté que la société Fnac-Darty n'avait pas respecté dans le délai prévu les engagements de cession et a prononcé une sanction de 20 millions d'euros à l'encontre de cette société. FNAC-Darty a donc demandé l'annulation, et, à titre subsidiaire, la réformation de l'article 2 de la décision par laquelle l'Autorité de la concurrence lui a infligé une sanction de 20 millions d'euros.
La décision.
Sur la motivation de la décision attaquée, le Conseil d’Etat, énonçant la solution précitée, retient donc que l’ADLC n’avait pas à expliciter le montant de la sanction et que sa décision était donc, sur ce point, suffisamment motivée.
Ensuite, sur le bien-fondé de la décision, le Conseil retient que, à la différence des sanctions que l'Autorité de la concurrence peut prononcer en application des dispositions des 1°, 2° et 3° du IV de l'article L. 430-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L2038KGL), la sanction financière qu'elle peut, en outre, infliger en cas d'absence de réalisation effective d'engagements pris par les parties à une opération de concentration a un objet purement répressif. Ainsi, il incombe à l'Autorité, ainsi qu'au juge saisi d'un recours de pleine juridiction, d'apprécier la proportionnalité d'une telle sanction au regard de la gravité des manquements constatés, c'est-à-dire de l'importance des engagements non-respectés dans l'ensemble des mesures correctrices adoptées afin de prévenir les effets anticoncurrentiels de l'opération de concentration, du comportement de l'entreprise dans la mise en oeuvre des engagements souscrits ainsi que de sa situation particulière, notamment de sa situation financière. Ainsi, reprenant les manquements reprochés en l’espèce, le Conseil en conclut que le montant de la sanction financière infligée, qui représente environ 0,3 % du chiffre d'affaires consolidé réalisé en France au titre de l'exercice 2017 et 7% du montant maximum encouru, eu égard à la gravité des manquements commis, au comportement de la société Fnac-Darty et à sa situation particulière et bien qu'il soit élevé au regard du résultat avant impôt d'environ 37,5 millions d'euros en 2017, n'apparait pas disproportionné. La circonstance que la sanction serait plus sévère que celles qui ont été infligées par l'Autorité de la concurrence dans d'autres affaires comparables au titre du non-respect d'engagements est à cet égard sans incidence.
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