Réf. : Cons. const., décision n° 2019-810 QPC, du 25 octobre 2019 (N° Lexbase : A5363ZSG)
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par Marie Le Guerroué
le 06 Novembre 2019
► Les irrégularités manifestes qu'il appartient au transporteur de déceler sous peine d'amende, au moment de l'embarquement, lors du contrôle des documents requis, sont celles susceptibles d'apparaître à l'occasion d'un examen normalement attentif de ces documents par un agent de la compagnie ; en instaurant cette obligation, le législateur n'a pas entendu associer les transporteurs aériens au contrôle de la régularité de ces documents effectué par les agents de l'Etat en vue de leur délivrance et lors de l'entrée de l'étranger sur le territoire national.
Ainsi statue le Conseil constitutionnel dans une décision du 5 octobre 2019 (Cons. const., décision n° 2019-810 QPC, du 25 octobre 2019 N° Lexbase : A5363ZSG).
Litige. Le ministre de l'Intérieur avait infligé à la société Air France deux amendes de 5 000 euros chacune sur le fondement des articles L. 625-1 (N° Lexbase : L9308K4I) et L. 625-5 (N° Lexbase : L9306K4G) du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CAA Paris, 10 décembre 2018, n° 17PA03680 N° Lexbase : A6666YQX).
QPC. Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité, posée par la société Air France (CE 2° et 7° ch.-r., 31 juillet 2019, n° 427744 N° Lexbase : A7424ZK8), relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 625-1 et L. 625-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Textes. Le Conseil rappelle que le premier de ces textes punit d'une amende l'entreprise de transport aérien qui débarque sur le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par le droit applicable. Le second texte prévoit que cette amende n'est pas infligée en particulier lorsque l'entreprise établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste.
Grief. Il était reproché à ces dispositions, par la société, de permettre qu'un transporteur aérien soit sanctionné même lorsqu'il a procédé au contrôle des documents de voyage à l'embarquement et que l'irrégularité qui les affecte n'a pas été détectée par les services compétents de l'Etat lors de leur délivrance. Ces dispositions auraient ainsi eu pour effet de déléguer au transporteur, en violation de l'article 12 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 (N° Lexbase : L1370A9M), l'accomplissement d'opérations de contrôle incombant aux seules autorités publiques.
Plein contrôle. S'agissant d'un régime de sanction des transporteurs aériens trouvant son origine dans le droit européen, le Conseil constitutionnel devait, pour répondre à la question soulevée, déterminer la nature de son contrôle. Il relève à cet égard que les dispositions contestées, propres au droit national, ne se bornent pas à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises de la Directive du 28 juin 2001 (N° Lexbase : L7710AU4) et exerce en conséquence un plein contrôle de leur conformité à la Constitution.
Réponse. Le Conseil constitutionnel juge, en réponse à la critique tirée de la méconnaissance de l'article 12 précité, dont il résulte l'interdiction de déléguer à des personnes privées des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la «force publique» nécessaire à la garantie des droits, que les irrégularités manifestes qu'il appartient au transporteur de déceler sous peine d'amende, en application des dispositions contestées, au moment de l'embarquement, lors du contrôle des documents requis, sont celles susceptibles d'apparaître à l'occasion d'un examen normalement attentif de ces documents par un agent de la compagnie. En instaurant cette obligation, le législateur n'a pas entendu associer les transporteurs aériens au contrôle de la régularité de ces documents effectué par les agents de l'Etat en vue de leur délivrance et lors de l'entrée de l'étranger sur le territoire national.
Rejet. Rejetant également des griefs tirés de la méconnaissance des principes de proportionnalité et d'individualisation des peines, du principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait et du principe d'égalité devant la loi, le Conseil constitutionnel juge que les dispositions du 2° de l'article L. 625-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être déclarées conformes à la Constitution.
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