Réf. : Cass. civ. 1, 10 octobre 2019, deux arrêts, n° 18-20.490, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0156ZR9) et n° 18-20.491, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0007ZRP).
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par Vincent Téchené
le 16 Octobre 2019
► La demande indemnitaire fondée sur l’article 14 du Règlement n° 261/2004 (N° Lexbase : L0330DYU) ne constitue pas une demande d’indemnisation complémentaire liée à un préjudice particulier soumis à la Convention de Montréal et il s’agit d’une demande autonome entreprise sur le fondement du Règlement européen qui se situe en dehors du champ d’application de cette Convention, de sorte que la demande était soumise au délai de prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) ;
Tel est le principal enseignement issu de deux arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 octobre 2019 (Cass. civ. 1, 10 octobre 2019, deux arrêts, n° 18-20.490, FS-P+B+I N° Lexbase : A0156ZR9 et n° 18-20.491, FS-P+B+I N° Lexbase : A0007ZRP).
Les affaires.
Dans la première affaire (n° 18-20.490), une passagère a acquis, de la société Air France, un billet d’avion pour un vol Mulhouse-Conakry via Paris. L’itinéraire de vol a été modifié avec l’ajout d’une escale à Dakar, de sorte que l’avion a atterri à Conakry avec 4h36 de retard. La passagère a formé une demande d’indemnisation au titre d’une annulation du vol, fondée sur l’article 7 du Règlement n° 261/2004 du 11 février 2004, sur l'indemnisation et d'assistance des passagers ainsi qu’une demande d’indemnisation pour défaut de remise d’une notice informative. Le tribunal ayant fait droit à l’ensemble de ces demandes, la compagnie aérienne a formé un pourvoi en cassation.
Dans la seconde affaire (n° 18-20.491), un passager a acquis, de la société Air France, deux billets d'avion, pour lui-même et sa fille mineure pour un vol au départ de Mulhouse et à destination de Pointe-à-Pitre via Paris. Le vol Mulhouse-Paris ayant été retardé, les passagers de ce vol qui se rendaient à Pointe-à-Pitre sont arrivés avec 24 heures de retard. Le passager a donc formé une demande d'indemnisation fondée sur l'article 7 du Règlement n° 261/2004, ainsi qu'une demande d'indemnisation pour défaut de remise d'une notice informative.
Les deux décisions : apport principal sur la prescription (n° 18-20.490 et n° 18-20.491). En premier lieu, sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de remise de la notice informative, la Haute juridiction rappelle, dans ces deux arrêts, qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 13 octobre 2011, aff. C-83/10 N° Lexbase : A7360HYA), que les prétentions des passagers aériens fondées sur les droits qui leur sont conférés par le Règlement, ne sauraient être considérées comme relevant d'une indemnisation «complémentaire» au sens de l’article 12 de ce texte. Par ailleurs, par arrêt du 22 novembre 2012 (CJUE, 22 novembre 2012, aff. C-139/11 N° Lexbase : A2682IXM), après avoir relevé que la mesure d’indemnisation prévue aux articles 5 et 7 du Règlement n° 261/2004 se situe en dehors du champ d’application des Conventions de Varsovie et de Montréal et que, dès lors, la prescription biennale fixée à l’article 29 de la Convention de Varsovie et à l’article 35 de la Convention de Montréal ne saurait être considérée comme s’appliquant aux actions introduites, en particulier, au titre de ces textes, la CJUE a dit pour droit que le délai dans lequel les actions ayant pour objet d'obtenir le versement de l'indemnité prévue aux articles 5 et 7 du Règlement n° 261/2004 doivent être intentées, est déterminé par le droit national de chaque Etat membre. Ainsi, énonçant le principe précité, la Cour de cassation en conclut que les juges du fond en a justement déduit, dans les deux affaires, que la demande était soumise au délai de prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil.
La première décision (n° 18-20.490). En deuxième lieu dans la première affaire, sur la demande d’indemnisation du retard subi, la Cour de cassation invoque également la jurisprudence communautaire. Elle rappelle ainsi que par ordonnance du 5 octobre 2016 (CJUE, 5 octobre 2016, aff. C-32/16 N° Lexbase : A9404R7G), la CJUE a retenu qu'un vol dont les lieux de départ et d'arrivée ont été conformes à la programmation prévue, mais qui a donné lieu à une escale non programmée, ne peut être considéré comme annulé. Elle a précisé que les difficultés et désagréments sérieux n'apparaissent que si cette escale conduit l'aéronef effectuant le vol en cause à atteindre sa destination finale avec un retard égal ou supérieur à trois heures par rapport à l'heure d'arrivée prévue, situation ouvrant droit, en principe, à l'indemnisation du passager prévue à l'article 5 § 1 et à l'article 7 du Règlement. Or, pour indemniser la requérante, le juge du fond a retenu que l’ajout d’une escale constitue une annulation du vol initialement défini, suivie d’un réacheminement vers la destination finale, de sorte que la passagère n’avait pas à rapporter la preuve de sa présence à l’enregistrement pour justifier de son droit à agir sur le fondement dudit Règlement. Ainsi, la Cour de cassation censure sur ce point le jugement, énonçant que l’ajout d’une escale ne constitue pas une annulation du vol.
La seconde décision (n° 18-20.491). Enfin, en dernier lieu, dans la seconde affaire, la Cour rappelle qu’aux termes de l’article 3, § 2, sous a), le Règlement s'applique à condition que les passagers disposent d'une réservation confirmée pour le vol concerné et se présentent, sauf en cas d'annulation visée à l'article 5, à l'enregistrement. Or, les passagers produisent une copie de leur billet électronique ainsi que leur carte d'embarquement pour le vol de réacheminement Paris-Point à Pitre, impropre à établir qu’ils se sont présentés dans les délais impartis à l'enregistrement du vol initialement programmé, au départ de Mulhouse. Le jugement est donc censuré.
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