Réf. : Cass. civ. 1, 12 septembre 2019, n° 18-20.472, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A0801ZNY)
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N0320BYI
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 18 Septembre 2019
► Au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, il y a lieu de rejeter l’action en contestation de paternité formée par le père biologique d'un enfant conçu en France sous convention illégale de gestation pour autrui (GPA), et qui avait été confié par la mère porteuse à un autre couple avec lequel elle avait conclu une autre convention illégale de GPA.
C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 12 septembre 2019 promis à la plus large publication (Cass. civ. 1, 12 septembre 2019, n° 18-20.472, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0801ZNY).
L’affaire. Un couple d’hommes a contracté, avec une femme, une convention de gestation pour autrui, aux termes de laquelle celle-ci devait porter, contre rémunération, l’enfant qu’elle concevrait à l’aide du sperme de l’un ou de l’autre ; au cours de la grossesse, M. X, le père biologique, a reconnu l’enfant ; en mars 2013, Mme C, la mère, a indiqué au couple que celui-ci était décédé à la naissance ; ayant appris qu’il était vivant et avait été reconnu par M. Y, au foyer duquel il demeurait depuis sa naissance, M. X a déposé plainte à l’encontre de la mère porteuse pour escroquerie ; tant la mère porteuse, que les deux couples ayant conclu une convention de GPA illégale, ont été condamnés pénalement ; il a été établi, au cours de l’enquête pénale, d’une part, que M. X était le père biologique de l’enfant, d’autre part, que la mère avait décidé de confier l’enfant à naître à M. et Mme Y, contre rémunération, sans faire état de l’existence de «l’insémination artisanale» à l’origine de sa grossesse et du couple initial ; selon son acte de naissance, l’enfant est né le 8 mars 2013 à La Chaussée-Saint-Victor (Loir-et-Cher) de Mme C et de M. Y, qui l’a reconnu ; le 19 juillet 2013, M. X a assigné M. Y et Mme C en contestation de la paternité du premier et en établissement de sa propre paternité sur l’enfant ; il a demandé le changement de nom du mineur, l’exercice exclusif de l’autorité parentale et la fixation de sa résidence chez lui. Il n’obtiendra pas gain de cause.
La décision de la Cour de cassation. La Cour suprême approuve la décision rendue par la cour d’appel de Rouen (CA Rouen, 31 mai 2018, n° 17/02084 N° Lexbase : A1004ZNI) ayant déclaré irrecevables ses demandes en contestation de la paternité de M. Y et en établissement de sa propre paternité sur l’enfant.
- D’abord, la Haute juridiction fonde sa décision sur le principe d’ordre public d’interdiction de la GPA, posé par les articles 16-7 (N° Lexbase : L1695ABE «toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle») et 16-9 (N° Lexbase : L1697ABH «ces dispositions sont d’ordre public») du Code civil. Elle approuve alors la cour d’appel qui, ayant relevé que l’action de M. X en contestation de la reconnaissance de paternité de M. Y, destinée à lui permettre d’établir sa propre filiation sur l’enfant, reposait sur la convention de gestation pour autrui qu’il avait conclue avec Mme C, en a exactement déduit que la demande était irrecevable comme reposant sur un contrat prohibé par la loi (cf. l’Ouvrage «La filiation», La gestation ou maternité pour autrui N° Lexbase : E4415EY8).
- Elle exerce, ensuite, un contrôle de proportionnalité, le requérant soutenant que l’impossibilité d’établir un lien de filiation paternelle constituait une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée de l’enfant, et qu’il appartenait au juge d’apprécier si, concrètement, elle ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’intéressé, au regard du but légitime poursuivi, et en particulier, si un juste équilibre était ménagé entre les intérêts publics et concurrents en jeu.
L’argument est écarté par la Haute juridiction, qui relève que l’arrêt attaqué énonce que la réalité biologique n’apparaît pas une raison suffisante pour accueillir la demande de M. X, au regard du vécu de l’enfant ; il relève que celui-ci vit depuis sa naissance chez M. Y, qui l’élève avec son épouse dans d’excellentes conditions, de sorte qu’il n’est pas de son intérêt supérieur de voir remettre en cause le lien de filiation avec celui-ci, ce qui ne préjudicie pas au droit de l’enfant de connaître la vérité sur ses origines ; l’arrêt observe qu’il en est ainsi même si la façon dont ce lien de filiation a été établi par une fraude à la loi sur l’adoption n’est pas approuvée, et précise que le procureur de la République, seul habilité désormais à contester la reconnaissance de M. Y, a fait savoir qu’il n’entendait pas agir à cette fin. Aussi, selon la Cour suprême, ayant ainsi mis en balance les intérêts en présence, dont celui de l’enfant, qu’elle a fait prévaloir, la cour d’appel n’a pas méconnu les exigences conventionnelles résultant de l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR).
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