Le Quotidien du 13 septembre 2019 : Droit des étrangers

[Brèves] Saisine de l'Etat responsable d’une demande d’asile par le préfet : quels modes de preuve ?

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 31 juillet 2019, n° 428761, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7428ZKC)

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par Marie Le Guerroué

le 11 Septembre 2019

► La production de l’accusé de réception émis par le point d’accès national de l’Etat requis ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur d’asile étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

 

Tel est l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 31 juillet 2019 (CE 2° et 7° ch.-r., 31 juillet 2019, n° 428761, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7428ZKC).

 

Dans cette affaire, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, avant de statuer sur une demande tendant à l'annulation d’un arrêté par lequel le préfet des Hauts-de-Seine avait décidé du transfert d’un demandeur d’asile aux autorités italiennes, avait décidé de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat. Ce dernier apporte trois précisions.

 

Il vient, d’abord, préciser qu’en vertu des Règlements (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 (dit "Dublin III") (N° Lexbase : L3872IZG) et (CE) n°1560/2003 du 2 septembre 2003 (N° Lexbase : L5201LQP), lorsque le préfet est saisi d'une demande d'enregistrement d'une demande d'asile, il lui appartient, s'il estime après consultation du fichier Eurodac que la responsabilité de l'examen de cette demande d'asile incombe à un Etat membre autre que la France, de saisir la direction générale des étrangers en France du ministère de l'Intérieur, qui gère le "point d'accès national" du réseau Dublinet pour la France. Les autorités de l'Etat regardé comme responsable sont alors saisies par le point d'accès français, qui archive les accusés de réception de ces demandes. Il ressort des éléments versés au dossier que les demandes émanant des préfectures sont, en principe, transmises le jour même aux autorités des autres Etats membres si elles parviennent avant 16 h 30 au point d'accès national et le lendemain si elles y parviennent après cette heure. Il ressort, en outre, de ces éléments que si les préfectures n'avaient pas directement accès aux accusés de réception archivés par le point d'accès national, elles peuvent désormais y accéder directement. La décision de transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable au vu de la consultation du fichier Eurodac ne peut être prise qu'après l'acceptation de la reprise en charge par l'Etat requis, saisi dans le délai de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. A cet égard, s'il est nécessaire que les autorités françaises aient effectivement saisi les autorités de l'autre Etat avant l'expiration de ce délai de deux mois et que les autorités de cet Etat aient, implicitement ou explicitement, accepté cette demande, la légalité de la décision de transfert prise par le préfet ne dépend pas du point de savoir si les services de la préfecture disposaient matériellement, à la date de la décision du préfet, des pièces justifiant de l'accomplissement de ces démarches.

 

Le Conseil d’Etat précise, ensuite, que le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise alors que l'Etat requis n'a pas été saisi dans le délai de deux mois ou sans qu'ait été obtenue l'acceptation par cet Etat de la reprise en charge de l'intéressé. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur ce point au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Il résulte des articles 15 et 19 du Règlement (CE) n° 1560/2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau Dublinet, par le point d'accès national de l'Etat requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de l’accusé de réception émis par le point d’accès national de l’Etat requis ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur d’asile étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français ou des éléments figurant dans une confirmation explicite par l'Etat requis de son acceptation implicite de reprise en charge.

 

La Haute juridiction ajoute, enfin, que si, selon l'article L. 742-6 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5935G4L) "L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé" en cas d'annulation de la mesure de transfert, une telle annulation prononcée en raison du non-respect du délai de deux mois imposé par l'article 23 du Règlement "Dublin III" implique nécessairement, même en l'absence de conclusions en ce sens et si aucune circonstance ne s'y oppose, que la France soit responsable de l'examen de la demande d'asile et que soient prises les mesures qui en découlent. En revanche, l'annulation de la mesure au motif que le ou les Etats requis, saisis dans le délai de deux mois, n'ont ni implicitement ni explicitement accepté la reprise en charge, implique seulement que l'autorité administrative réexamine la situation du demandeur à la date de l'annulation.

 

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