Le Quotidien du 13 septembre 2019 : Avocats/Déontologie

[Brèves] Avocat mis en examen pour financement du terrorisme : renouvellement de la mesure de suspension d’exercice de sa profession

Réf. : CA Paris, 4 juillet 2019, n° 19/08728 (N° Lexbase : A0647ZLK)

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par Marie Le Guerroué

le 04 Septembre 2019

► Les risques importants pris par un avocat pour aller remettre de l'argent à un passeur, sans garantie aucune sur la destination finale de cet argent, susceptible d'aller nourrir le terrorisme, et la gravité de la violation reprochée de ses obligations déontologiques caractérisent l'urgence de lui interdire provisoirement, le temps que l'information qui débute soit suffisamment avancée, l'exercice de sa profession et de protéger le public en évitant son contact. 

 

Telle est la décision prise par la cour d’appel de Paris le 4 juillet 2019 (CA Paris, 4 juillet 2019, n° 19/08728 N° Lexbase : A0647ZLK).

Un avocat au barreau de Paris avait été mis en examen des chefs de :

- manquement aux obligations douanières (pour avoir transféré vers l'Allemagne, sans déclaration préalable auprès de l'administration des douanes, la somme de 20 000 euros en espèces) ;
- financement du terrorisme.

Il avait été placé sous contrôle judiciaire par les magistrats d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, qui avaient saisi, en application de l'article 138, 12° du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4876K84), le conseil de l'Ordre du barreau de Paris aux fins que soit prononcée à son encontre une mesure de suspension provisoire de son activité. Le conseil de l'Ordre, estimant qu'il existait un risque pour le public, avait fait droit à cette demande. Quelques mois plus tard, le conseil avait mis fin à la mesure de suspension provisoire ayant estimé d'une part que, compte tenu de l'ancienneté des faits ayant conduit aux poursuites pénales, l'urgence n'était pas caractérisée et que, d'autre part, l’avocat n'exerçait plus aucune activité professionnelle, l'ensemble de ses dossiers ayant été réattribué à d'autres avocats et qu'ainsi la mise en péril du public n'apparaissait pas caractérisée. Le ministère public formait appel de cette décision.

 

La cour d’appel de Paris rappelle que le conseil de l'Ordre a le pouvoir de prononcer une mesure d'interdiction provisoire d'exercice de la profession d'un avocat placé sous contrôle judiciaire, ainsi que d'y mettre fin, il tient ses pouvoirs de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) l'autorisant à suspendre provisoirement de ses fonctions l'avocat qui fait l'objet d'une procédure pénale lorsque l'urgence ou la protection du public l'exige. Elle note, également, qu’il ressort de l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire que la somme que l’avocat ne conteste pas avoir remis en Allemagne à un contact qui lui aurait été indiqué par deux journalistes, était destinée à un passeur pour faciliter la sortie du territoire de Mossoul, aux mains de «Daesch», d’un membre de l'organisation terroriste «Etat Islamique», de sa compagne et de leurs quatre enfants en bas âge. Elle note, aussi, qu’il ressort des informations contenues dans l'ordonnance que ce membre avait notamment légitimé les attentats du 13 novembre 2015 à Paris et expliqué qu'il ne reviendrait pas en France si ce n'est en qualité de «conquérant» et qu’il aurait également joué un rôle dans une radicalisation et aurait eu depuis la Syrie des contacts pour inciter à commettre une action violente en France. Elle ajoute que, si le courrier initialement envoyé par l’avocat à diverses autorités, faisait état d'une reddition de celui-ci et de sa compagne, accompagnés de leurs enfants, force est de constater que, n'ayant pas eu de réponse de ses interlocuteurs, l’avocat avait continué d'agir, en dehors de tout cadre légal, de sorte qu'il n'est aucunement certain que, dans ces conditions, le membre de l’organisation «Etat Islamique» se serait effectivement rendu s'il avait pu sortir de Mossoul et quitter l'Irak. Si l’avocat proteste à l'audience de sa volonté de se tenir éloigné des affaires de terrorisme, pour la cour, force est de constater qu'il ne fait pas preuve de recul par rapport aux faits reprochés, se bornant à stigmatiser le défaut d'avancement de l'instruction le concernant, tout en s'opposant dans le même temps à la communication des codes en sa possession permettant un accès rapide à son téléphone et à son ordinateur portables qui permettrait, le cas échéant, de vérifier le degré exact de son implication dans cette affaire, la nature exacte de ses rapports avec ledit membre de l’organisation «Etat Islamique» et les journalistes qu'il met en cause.

 

Dans ces conditions, les risques importants pris par l’avocat pour aller remettre de l'argent à un passeur, sans garantie aucune sur la destination finale de cet argent, susceptible d'aller nourrir le terrorisme et la gravité de la violation reprochée de ses obligations déontologiques caractérisent l'urgence de lui interdire provisoirement, le temps que l'information, qui débute, soit suffisamment avancée, l'exercice de sa profession et de protéger le public en évitant son contact. Pour la cour d’appel de Paris, il convient, dès lors, d'infirmer la décision du conseil de l'Ordre (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E0115EUS).

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