La lettre juridique n°792 du 25 juillet 2019 : Pénal

[Brèves] Exploitation sexuelle : la Grèce condamnée pour son cadre juridique insuffisant et plusieurs manquements dans la conduite d’une procédure

Réf. : CEDH, 18 juillet 2019, Req. 40311/10, T. I. et autres c/ Grèce (N° Lexbase : A6084ZKK)

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[Brèves] Exploitation sexuelle : la Grèce condamnée pour son cadre juridique insuffisant et plusieurs manquements dans la conduite d’une procédure. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/52734323-breves-exploitation-sexuelle-la-grece-condamnee-pour-son-cadre-juridique-insuffisant-et-plusieurs-ma
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par June Perot

le 13 Septembre 2019

► La CEDH a jugé que le cadre juridique grec sous lequel s’est déroulée la procédure de l’affaire concernée s’est avéré inefficace et insuffisant pour sanctionner les trafiquants et pour assurer la prévention efficace de la traite des êtres humains ; la Cour juge, également, que les autorités compétentes n’ont pas traité l’affaire avec le niveau de diligence requis par l’article 4 de la Convention (N° Lexbase : L4775AQW).

Telle est la position adoptée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans un arrêt de chambre rendu le 18 juillet 2019 (CEDH, 18 juillet 2019, Req. 40311/10, T. I. et autres c/ Grèce N° Lexbase : A6084ZKK ; pour une précédente condamnation de la Grèce à ce sujet, v. CEDH, 21 janvier 2016, Req. 71545/12 N° Lexbase : A2747N4I)

Les faits de l’espèce concernaient trois ressortissantes russes qui se plaignaient d’avoir été victimes de la traite des êtres humains. Elles étaient parvenues à entrer en Grèce par le biais d’employés du consulat qui auraient été soudoyés par des trafiquants russes et auraient établi des visas pour les faire entrer à des fins d’exploitation sexuelle. Reconnues victimes de la traite des êtres humains, les autorités ont alors engagé deux procédures pénales à l’encontre des personnes soupçonnées de les avoir exploitées. L’une des trois ressortissantes russes avait été arrêtée pour prostitution. Des poursuites ont été engagées contre trois personnes et la cour d’appel en condamna deux à une peine d’emprisonnement sans sursis de cinq ans et dix mois chacun pour association de malfaiteurs, proxénétisme et traite des êtres humains. Une autre enquête avait été ouverte concernant la délivrance des visas. Toutefois, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel a mis un terme aux poursuites, en raison de la prescription des actes de traite des êtres humains. Selon elle, il n’existait pas d’indices sérieux quant à la commission des infractions reprochées.

La Cour européenne des droits de l’Homme a été saisie par les trois ressortissantes qui dénonçaient un manquement de l’Etat grec à ses obligations de pénaliser et de poursuivre les actes relatifs à la traite des êtres humains.

Concernant l’existence d’un cadre juridique et réglementaire approprié, la Cour constate que depuis le 15 octobre 2002, le Code pénal grec interdit expressément le trafic à des fins sexuelles. Plusieurs modifications ont été apportées au Code pénal en vertu de la loi n° 3064/2002 afin de renforcer la répression de la traite des êtres humains, qui a été qualifiée de crime et la loi prévoit des mesures de protection spécifiques pour les victimes d’un tel trafic.

Concernant les mesures opérationnelles prises pour protéger les requérantes, la Cour note entre autres que les requérantes ont été reconnues comme victimes de la traite des êtres humains peu de temps après que les autorités aient été alertées de leur situation et que l’exécution des décisions ordonnant leur expulsion a été suspendue.

Concernant l’effectivité des enquêtes policières et des procédures judiciaires portant sur les faits d’exploitation, à la suite de la dénonciation faite par les requérantes, la Cour note que la procédure pénale a duré sept ans et neuf mois en ce qui concerne l’une des requérantes. Les autorités n’ont donc pas traité l’affaire avec le niveau de diligence requis. S’agissant des deux autres requérantes, la Cour observe que la procédure pénale a duré neuf ans et trois mois concernant deux personnes dénoncées. En outre, la procédure reste toujours suspendue 15 ans après la dénonciation d’une troisième personne. Ces deux requérantes n’ont donc pas bénéficié d’une enquête effective. Il y a donc violation du volet procédural de l’article 4.

Concernant l’effectivité des procédures portant sur la délivrance des visas, la Cour estime qu’une enquête effective aurait dû être menée pour déterminer s’il avait été procédé à un contrôle rigoureux des dossiers des requérantes par les autorités compétentes avant la délivrance des visas.

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