Réf. : Cass. crim., 12 juin 2019, n° 18-83.396, F-P+B+I (N° Lexbase : A0794ZE7)
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par June Perot
le 19 Juin 2019
► Ne méconnaît pas le principe ne bis in idem la cour d’appel qui a déclaré les prévenus coupables de blanchiment habituel du produit des délits de travail dissimulé, d’abus de faiblesse et de fraude fiscale, et de recel habituel du produit du délit de travail dissimulé, dès lors que les juges ont retenu des faits distincts de recel et de blanchiment, l’acquisition des véhicules ayant été réalisée au moyen de fonds qui ont été remis par le père des prévenus mais qui ne lui ont pas été restitués ensuite en espèces ;
► hormis le cas où la confiscation, qu’elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l’objet de l’infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du patrimoine ;
► il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s’être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l’origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s’expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété du prévenu.
Telles sont les solutions pouvant être dégagées d’un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 12 juin 2019 (Cass. crim., 12 juin 2019, n° 18-83.396, F-P+B+I N° Lexbase : A0794ZE7 ; sur la motivation de la peine de confiscation, v. déjà en ce sens : Cass. crim., 27 juin 2018, n° 16-87.009, FP-P+B N° Lexbase : A5508XXB).
A la suite, d’une part, de plaintes de personnes âgées pour des abus commis à l’occasion de démarchages à domicile portant soit sur des ventes de chaises et matelas, soit sur des opérations de démoussage de toiture ou de façade, d’autre part, d’un signalement du service TRACFIN relatif aux mouvements suspects constatés sur les comptes bancaires d’une famille, une information judiciaire a été ouverte. A l’issue de cette information, des époux et deux de leurs filles ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs d’abus de faiblesse, travail dissimulé, infractions à la législation sur le démarchage à domicile, infractions aux règles de facturation et blanchiment aggravé et recel aggravé. Le tribunal les a déclarés coupables, à l’exception pour le père, parmi les infractions à la législation sur le démarchage à domicile, de la seule infraction d’exécution de prestation de service avant la fin du délai de réflexion. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
En cause d’appel, pour déclarer les prévenues coupables de blanchiment habituel du produit des délits de travail dissimulé, d’abus de faiblesse et de fraude fiscale, l’arrêt a énoncé qu’elles avaient admis avoir en connaissance de cause, d’une part, fait transiter par leurs comptes bancaires des chèques provenant de l’activité professionnelle du père avant de retirer les fonds en espèces pour les lui remettre, d’autre part, procédé, à la demande de ce dernier, à des échanges de billets en francs en billets en euros. Pour les déclarer coupables de recel habituel du produit du délit de travail dissimulé, la cour d’appel a relevé qu’elles avaient reconnu avoir bénéficié chacune d’un véhicule payé par le père en versant, sur leurs comptes, des chèques de clients de ce dernier avant de solliciter un chèque de banque pour l’achat du véhicule.
Pour confirmer la confiscation de l’ensemble des fonds d’un montant total de 1 485 257,98 euros et des véhicules saisis et rejeter l’ensemble des demandes en restitution, l’arrêt a retenu qu’en vertu du cinquième alinéa de l’article 131-21 du Code pénal (N° Lexbase : L9506IYQ), s’il s’agit d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, la confiscation porte également sur les biens meubles ou immeubles lorsque ni le condamné ni le propriétaire n’a pu en justifier l’origine. Selon les juges, les sommes trouvées tant chez le père que chez ses filles, tous déclarés coupables du délit de blanchiment puni de cinq ans d’emprisonnement, n’avaient aucune origine connue ou justifiée et qu’il en était de même des véhicules saisis, manifestement acquis avec le produit des infractions commises par le père, aucune des prévenues n’ayant d’activité rémunérée ou d’autres ressources propres connues. Un pourvoi est formé.
Enonçant la solution susvisée, la Haute juridiction censure l’arrêt d’appel en ce qui concerne la confiscation. Elle considère, en effet, qu’en prononçant ainsi, sans s’expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété, alors que les confiscations prononcées, en répression de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, portaient sur des biens dont les prévenus n’avaient pas justifié de l’origine et que le père avait invoqué dans ses conclusions le caractère disproportionné de la confiscation de l’intégralité des sommes saisies, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision (cf. l’Ouvrage «Droit pénal général», J. Frinchaboy, Présentation de la peine de confiscation N° Lexbase : E2918GAC).
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