Réf. : Cass. civ. 1, 22 mai 2019, n° 17-28.314, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0307ZCD)
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 05 Juin 2019
► Les tirages en bronze numérotés ne relèvent pas du droit de reproduction, de sorte qu’ils n’entrent pas dans le champ d’application de l’usufruit du droit d’exploitation dont bénéficie le conjoint survivant de l’auteur, en vertu de l’article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle (N° Lexbase : L0305HPY).
Tel est l’apport d’un arrêt rendu le 22 mai 2019, par la première chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 22 mai 2019, n° 17-28.314, FS-P+B+I N° Lexbase : A0307ZCD).
En l’espèce, un sculpteur était décédé en laissant pour lui succéder ses trois enfants issus d’un premier mariage, ainsi que sa seconde épouse ; reprochant notamment à cette dernière d’avoir vendu, sans leur accord préalable, des tirages en bronze posthumes numérotés et d’avoir fait réaliser des tirages à partir de modèles en plâtre non divulgués, les enfants l’avaient assignée en déchéance du droit d’usufruit spécial, dont elle était titulaire en application de l’article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle, et en contrefaçon.
Pour dire que l’épouse survivante était en droit d’aliéner les tirages en bronze sans l’accord des nus-propriétaires, en ce qui concerne l’oeuvre divulguée, la cour d’appel avait retenu qu’en faisant un tirage et en le vendant, l’usufruitier ne faisait qu’exercer le droit d’exploitation qui lui était conféré par l’article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle.
Le raisonnement est censuré par la Cour suprême qui, par un moyen relevé d’office, relève qu’aux termes de l’article L. 123-6 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, alors en vigueur, pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent le décès de l’auteur, le conjoint survivant, contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps, bénéficie, quel que soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu’il tient des articles 756 (N° Lexbase : L3360AB3) à 757-3 et 764 (N° Lexbase : L3371ABH) à 766 du Code civil sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation dont l’auteur n’aura pas disposé.
La Haute juridiction ajoute que, selon une jurisprudence constante (Cass. civ. 1, 18 mars 1986, n° 84-13.749 N° Lexbase : A3076AA8, Bull. civ. I, n° 71 ; Cass. civ. 1, 13 octobre 1993, n° 91-14.037 N° Lexbase : A3644ACX, Bull. civ. I, n° 285 ; Cass. civ. 1, 4 mai 2012, n° 11-10.763 N° Lexbase : A6673IKD, Bull. civ. I, n° 103), les épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir du modèle en plâtre ou en terre cuite réalisé par le sculpteur personnellement doivent être considérées comme l’oeuvre elle-même émanant de la main de l’artiste ; en effet, par leur exécution même, ces supports matériels, dans lesquels l’oeuvre s’incorpore et qui en assurent la divulgation, portent l’empreinte de la personnalité de l’auteur ; que, dès lors, dans la limite de douze exemplaires, exemplaires numérotés et épreuves d’artiste confondus, ils constituent des exemplaires originaux et se distinguent d’une simple reproduction.
Il en résulte que les tirages en bronze numérotés ne relèvent pas du droit de reproduction, de sorte qu’ils n’entrent pas dans le champ d’application de l’usufruit du droit d’exploitation dont bénéficie le conjoint survivant.
Elle censure alors la décision de la cour d’appel, après avoir relevé que le droit d’usufruit spécial dont le conjoint survivant est titulaire ne s’étend pas aux exemplaires originaux.
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