La lettre juridique n°774 du 28 février 2019 : Égalité salariale hommes/femmes

[Textes] Le décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 ou la méthodologie d’un électrochoc attendu !

Réf. : Décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019, portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l'entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail (N° Lexbase : L8693LNB)

Lecture: 20 min

N7868BXP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Textes] Le décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 ou la méthodologie d’un électrochoc attendu !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/50112182-textes-le-decret-n-201915-du-8-janvier-2019-ou-la-methodologie-dun-electrochoc-attendu
Copier

par Céline Leborgne-Ingelaere, Maître de conférences HDR en droit privé à l’Université de Lille

le 27 Février 2019

L’objectif est clair et chiffré : une entreprise doit obtenir 75 points sur 100 après avoir évalué les écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes. A défaut, des mesures correctives doivent être mises en œuvre pour parvenir à un résultat suffisant dans un délai de trois ans, sous peine de sanction pécuniaire.

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (N° Lexbase : L9567LLW) affiche un impératif de lutte contre les inégalités salariales entre les hommes et les femmes et les violences sexuelles et sexistes. Déclarée grande cause nationale du quinquennat par le Président de la République, le renforcement de l’égalité professionnelle est dans la ligne de mire du législateur. Très attendu, un décret du 8 janvier 2019, portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles, et pris pour l’application des articles 104 et 105 de la loi, a été publié au journal officiel du 9 janvier 2019 [1]. Sous réserve des règles, dérogatoires, relatives à la publication du niveau de résultat par les entreprises, les dispositions du présent décret entrent en vigueur le 1er janvier 2019. Le texte est technique, mais incontestablement pédagogique en ce qu’il comporte des annexes et tableaux permettant aux employeurs d’appréhender les modalités de calcul et d’évaluation des indicateurs, tout en tenant compte des adaptations prévues selon la taille des entreprises. La complexité des règles applicables explique cependant qu’ait été prévue la désignation de référents régionaux afin d’accompagner les entreprises de 50 à 250 pour le calcul des indicateurs et, le cas échéant, pour la définition des mesures adéquates et pertinentes de correction [2]. De plus, au titre des mesures d’accompagnement, le ministère du Travail a d’ores et déjà publié un tableur pour aider les entreprises à calculer leurs indicateurs, dans l’attente d’une mise à jour des éditeurs de paie ou de BDES. Egalement, le ministère du Travail a mis en ligne sur son site une «foire aux questions» pour permettre aux entreprises de résoudre les éventuelles difficultés d’application. A noter encore qu’une Instruction du 25 janvier 2019 précise les nouvelles dispositions visant  à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes [3]. D’autres textes réglementaires viendront, sans aucun doute, préciser cet arsenal juridique complexe.

La loi de septembre 2018 et le décret du 8 janvier 2019 ont été adoptés dans le sillage de «l’index de l’égalité femmes-hommes», présenté en novembre 2018 par Muriel Pénicaud, Ministre du Travail, et Marlène Schiappa, Secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. Cet index est présenté comme un outil permettant d’évaluer les différences de rémunération au sein des entreprises. «En finir avec les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, de façon simple, fiable et motivante pour tous» : tel est le credo proclamé. L’égalité salariale entre les femmes et les hommes en entreprise fait l’objet d’une obligation de résultats, et non plus simplement d’une obligation de moyens.

L’article L. 1142-7 du Code du travail (N° Lexbase : L9800LLK), crée par la loi, affirme que l'employeur prend en compte un objectif de suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Le décret du 8 janvier 2019 précise la méthodologie de calcul des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer (I), ainsi que leurs modalités de publication (II). Par ailleurs, le texte revient sur les mesures adéquates et pertinentes de correction (III) et les conditions de fixation de la pénalité financière, le cas échéant (IV). Egalement, le décret précise l’information délivrée aux salariés en matière de violences sexuelles et sexistes au travail (V). Efficacité, transparence, progressivité, sanction et information : les enjeux poursuivis par les textes sont précisés.

 

I - Un impératif d’efficacité : une méthodologie de calcul des indicateurs

 

La loi impose aux entreprises d’au moins 50 salariés de publier chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer [4]. Des adaptations sont toutefois prévues pour tenir compte de la taille de l’entreprise. Le décret fixe les indicateurs, via deux annexes visant les entreprises de plus de 250 salariés d’un côté, et les entreprises de 50 à 250 salariés de l’autre.

 

A - Des indicateurs variables selon la taille de l’entreprise

 

Les indicateurs fixés diffèrent très partiellement selon la taille des entreprises. En réalité, quatre indicateurs sont fixés pour les entreprises comprises entre 50 et 250 salariés contre cinq pour les entreprises de plus de 250 salariés. Plus spécifiquement, l’annexe I au décret vise les modalités de calcul et d'évaluation des indicateurs pour les entreprises de plus de 250 salariés, tandis que l’annexe II vise les modalités de calcul et d'évaluation pour les entreprises qui comprennent entre 50 et 250 salariés. Le niveau de résultat obtenu par l’entreprise au regard des indicateurs est déterminé conformément à ces annexes [5].

Par application de l’article D. 1142-2-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0529LPB), pour les entreprises de 50 à 250 salariés, les indicateurs sont les suivants :

- l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d'âge et par catégorie de postes équivalents ;

- l'écart de taux d'augmentations individuelles de salaire entre les femmes et les hommes ;

- le pourcentage de salariées ayant bénéficié d'une augmentation dans l'année suivant leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris et le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations.

Par ailleurs, pour les entreprises de plus de 250 salariés, les indicateurs sont :

- l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes, calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d'âge et par catégorie de postes équivalents ;

- l'écart de taux d'augmentations individuelles de salaire ne correspondant pas à des promotions entre les femmes et les hommes ;

- l'écart de taux de promotions entre les femmes et les hommes ;

- le pourcentage de salariées ayant bénéficié d'une augmentation dans l'année de leur retour de congé de maternité, si des augmentations sont intervenues au cours de la période pendant laquelle le congé a été pris et le nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations [6].

Dans ces deux hypothèses, en cas de constitution d'un comité social et économique au niveau d'une unité économique et sociale reconnue par accord collectif ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, les indicateurs sont calculés au niveau de l'unité économique et sociale. Si les indicateurs sont incontestablement très proches, un point de distinction entre les entreprises peut toutefois être relevé et concerne la question des promotions. Dans les entreprises de 50 à 250 salariés, toutes les augmentations individuelles sont prises en compte pour le calcul de l’indicateur, y compris celles correspondant à des promotions [7]. En revanche, dans les entreprises de plus de 250 salariés, l’écart de taux d’augmentations individuelles est calculé hors augmentations individuelles correspondant à des promotions. Plus simplement, dans les premières, les deux indicateurs relatifs aux mêmes chances d'augmentation salariale et de promotion sont fusionnés en un seul indicateur visant les augmentations de salaire des femmes par rapport aux hommes, qu’elles résultent de promotions ou d’augmentations.

L’indicateur relatif à la suppression des écarts de salaire entre les femmes et les hommes, à poste et âge comparables, renvoie à une obligation ancienne inscrite dans la loi depuis plusieurs décennies. La loi du 22 décembre 1972 intègre en effet dans le Code du travail le principe de l’égale rémunération des femmes et des hommes [8]. Selon l’article L. 3221-2 du Code du travail (N° Lexbase : L0796H9D), «tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes». Pour autant, en 2019, les salaires des femmes sont toujours, pour le même travail, inférieurs de 9 % à ceux des hommes. Pour cet indicateur, afin d’obtenir 40 points, une entreprise doit atteindre 0 % d’écart de salaire entre les femmes et les hommes à poste et âge comparables.

A se placer dans la configuration des grandes entreprises (plus de 250 salariés), celles-ci doivent également évaluer l’existence de la même chance d’avoir une augmentation pour les femmes que pour les hommes et de la même chance d’obtenir une promotion pour les femmes que pour les hommes. S’agissant du premier indicateur, visant à inciter les managers à récompenser les salariés qui le méritent, le maximum de points (20 points) est accordé si l’entreprise a augmenté autant d’hommes que de femmes, à 2 % près. S’agissant du second indicateur, tendant à contrer le phénomène du «plafond de verre», le maximum de points (15 points) est accordé si l’entreprise a promu autant de femmes que d’hommes, à 2 % près. Pour ces indicateurs, seuls les groupes comprenant au moins dix femmes et dix hommes sont pris en compte.

Un autre indicateur tient au fait que toutes les salariées doivent être augmentées à leur retour de congé maternité, dès lors que des augmentations ont été données en leur absence. Ce rattrapage salarial n’est pas nouveau puisqu’il est inscrit dans la loi depuis 2006 [9]. Il permet à l’entreprise, lorsqu’il est respecté, de récolter 15 points.

Enfin, l’indicateur relatif au nombre de salariés du sexe sous-représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations vise à assurer à tous les échelons hiérarchiques, et notamment aux postes de direction, une représentation plus équilibrée des deux sexes.

 

B - Des méthodes de calcul des indicateurs précisées par le décret

 

Les indicateurs sont calculés selon une période de référence, de 12 mois consécutifs, que l’employeur peut choisir. Ils sont calculés chaque année par l'employeur, au plus tard le 1er mars de l'année en cours, à partir des données de la période de référence annuelle choisie par l'employeur qui précède l'année de publication des indicateurs. Une spécificité concerne les entreprises comprenant entre 50 et 250 salariés, puisque l'employeur peut décider de calculer l'indicateur relatif aux augmentations individuelles sur une période de référence pluriannuelle, à partir des données des deux ou trois années précédentes. Son caractère pluriannuel peut, en outre, être révisé tous les trois ans. A noter que, dans un objectif de stabilité, le choix de la période annuelle de référence engage l’employeur d’une année sur l’autre.

Le décret envisage également les salariés à prendre en compte pour le calcul de l’indicateur, sachant que l'effectif de ces salariés est apprécié sur la période de référence annuelle choisie par l'employeur. Certains salariés ne sont toutefois pas pris en compte dans l’effectif, à l’instar des apprentis, des titulaires d'un contrat de professionnalisation, des salariés mis à la disposition de l'entreprise par une entreprise extérieure, des salariés expatriés, ainsi que des salariés absents plus de la moitié de la période de référence annuelle considérée. Sur ce dernier point, il est utile de noter que cette période de présence d’au moins six mois peut être continue ou discontinue et vise à exclure notamment les salariés dont le contrat de travail a été suspendu pendant plus de six mois au cours de cette période, ou ceux dont la durée du contrat était inférieure à six mois. Les caractéristiques individuelles des salariés (âge, niveau ou coefficient hiérarchique en application de la classification de branche ; niveau selon la méthode de cotation des postes de l'entreprise ; catégorie socio-professionnelle) sont appréciées au dernier jour de la période de référence annuelle choisie par l'employeur ou au dernier jour de présence du salarié dans l'entreprise.

Egalement, les annexes envisagent les éléments de rémunération à prendre en compte pour le calcul des indicateurs. Au sens de l’article L. 3221-3 du Code du travail (N° Lexbase : L0799H9H), la rémunération visée comprend non seulement le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, mais également tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier.

Les indicateurs sont calculés et évalués selon un barème allant de 0 à 100 points. Chaque indicateur fait l’objet d’une méthode précise de calcul. Le niveau de résultat obtenu par l'entreprise au regard des indicateurs correspond à la somme des points obtenus pour chacun des indicateurs en application du barème. Il est entendu que certains indicateurs ne sont parfois pas calculables. Les autres indicateurs sont alors calculés et le nombre total de points ainsi obtenus est ramené sur cent en appliquant la règle de la proportionnalité.

Pour simple illustration, sur la base du premier indicateur (commun aux deux types d’entreprises visées par les annexes), l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes est calculé à partir de la moyenne de la rémunération des femmes comparée à celle des hommes, par tranche d'âge et par catégorie de postes équivalents. Seuls les groupes comprenant au moins trois hommes et au moins trois femmes sont pris en compte. Pour le calcul de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, et s’agissant des catégories de postes équivalents, l'employeur peut répartir les salariés, après consultation du comité social et économique, par niveau ou coefficient hiérarchique, en application de la classification de branche ou d'une autre méthode de cotation des postes. La méthode de cotation des postes ne doit pas aboutir à une construction des catégories par métier ou par fonction. Cette méthode de cotation des postes est adoptée après avis du comité social et économique. A défaut, ce sont les quatre catégories socio-professionnelles qui sont utilisées (ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise, ingénieurs et cadres). Les quatre tranches d’âge sont définies dans le décret (- moins de 30 ans ; - de 30 à 39 ans ; - de 40 à 49 ans ; - et 50 ans et plus) et il n’apparait pas possible d’opter pour des tranches d’âge plus fines. A titre d’exemple, on comparera les écarts de salaire des femmes et des hommes cadres entre 30 et 40 ans, ou encore des femmes et des hommes employés de plus de 50 ans. La rémunération moyenne des femmes et des hommes est calculée pour chacun des groupes ainsi constitué en calculant le salaire en équivalent temps plein pour chaque salarié puis en en faisant la moyenne.

Au-delà, le texte suit une logique de transparence en envisageant les modalités de publication des indicateurs.

 

II - Un impératif de transparence : les modalités de publication

 

Aussi complexe qu’elle puisse paraître, la méthode de calcul devra être appréhendée par les entreprises rapidement. En effet, les entreprises de plus de 250 et de moins de 1 000 salariés peuvent publier leur niveau de résultat jusqu'au 1er septembre 2019 et les entreprises de 50 à 250 salariés jusqu'au 1er mars 2020. Toutefois, les entreprises d’au moins 1 000 salariés ont jusqu’au 1er mars 2019 pour publier leur premier niveau de résultat en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Si une unité économique et sociale (UES) a été reconnue comme telle et comprend au moins 1 000 salariés, elle est aussi soumise à cette obligation de publication au 1er mars 2019, peu important la taille des entreprises qui la composent.

Par suite, le niveau de résultat fait l’objet d’une publication annuelle, au plus tard le 1er mars de l'année en cours, au titre de l'année précédente. Cette publication est prioritairement portée sur le site internet de l'entreprise lorsqu'il en existe un. A défaut, il est porté à la connaissance des salariés par tout moyen [10]. Cette obligation de publicité concerne toutefois uniquement la note globale.

Le détail des indicateurs est réservé au comité social et économique (CSE) et aux services de l’inspection du travail. Rappelons, en effet, que les indicateurs et le niveau de résultat sont mis à la disposition du comité social et économique annuellement [11]. Si certains indicateurs ne peuvent pas être calculés, cette information du comité social et économique s’accompagne de toutes les précisions expliquant les raisons pour lesquelles les indicateurs n'ont pas pu être calculés. La note doit également être transmise à l’inspection du travail. Un objectif de transparence est ainsi poursuivi puisque l’index est rendu public et communiqué aux partenaires sociaux.

De plus, la possibilité de mesures adéquates et pertinentes de correction est précisée.

 

III - Un impératif de progressivité : la possibilité de mesures adéquates et pertinentes de correction

 

Dans les entreprises où sont désignés un ou plusieurs délégués syndicaux, l’employeur engage au moins une fois tous les quatre ans une négociation sur la rémunération (notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise) et une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail [12]. Par application de l’article L. 1142-9 du Code du travail (N° Lexbase : L9802LLM), dans les entreprises d'au moins 50 salariés, lorsque les résultats obtenus par l'entreprise se situent en-deçà d’un certain seuil, la négociation sur l'égalité professionnelle porte également sur les mesures adéquates et pertinentes de correction et, le cas échéant, sur la programmation, annuelle ou pluriannuelle, de mesures financières de rattrapage salarial. Ce seuil est fixé à 75 points [13].

En l’absence d’accord prévoyant de telles mesures, celles-ci sont déterminées par décision de l’employeur, après consultation du comité social et économique. La décision est déposée auprès de l’autorité administrative. Celle-ci peut présenter des observations sur les mesures prévues par l'accord ou la décision de l'employeur [14].

Au titre des mesures correctives, l’entreprise devra envisager, par exemple, de diminuer l’écart de rémunération entre femmes et hommes en allouant une enveloppe de rattrapage salarial, d’appliquer réellement la loi concernant le congé de maternité, de donner et assurer des augmentations individuelles et promotions de manière équitable entre femmes et hommes et de mettre en place un vivier permettant d’assurer une juste représentation des deux sexes à la tête de l’entreprise.

Il est intéressant de constater que les efforts consentis par l’employeur pourront être pris en considération. L’article L. 1142-10 du Code du travail (N° Lexbase : L9803LLN) affirme qu’«en fonction des efforts constatés dans l'entreprise en matière d'égalité salariale entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance, un délai supplémentaire d'un an peut lui être accordé pour se mettre en conformité». Pour atteindre le niveau de résultat obtenu, il peut ainsi être tenu compte des mesures prises par l'entreprise en matière d'égalité salariale entre les femmes et les hommes, de la bonne foi de l'employeur, ainsi que des motifs de défaillance dont il a justifiés [15]. Au titre des motifs de défaillance, seront notamment prises en compte les difficultés économiques de l'entreprise, les restructurations ou fusions en cours ou l'existence d'une procédure collective.

Il n’empêche qu’une procédure de sanction est mise en place dans certaines hypothèses précisées par le décret.

 

IV - Un impératif de sanction : les pénalités

 

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsque les résultats obtenus par l’entreprise se situent en dessous de 75 points, l’entreprise dispose d’un délai de trois ans pour se mettre en conformité [16]. Si l’entreprise atteint un niveau de résultat au moins égal à 75 points avant l’expiration de ce délai, un nouveau délai de trois ans lui est accordé pour mettre en œuvre des mesures de correction à compter de l’année où est publié un niveau de résultat inférieur à ce nombre [17].

Une procédure particulière de sanction est mise en place si le résultat obtenu pendant trois ans consécutifs est inférieur à 75 points. A ce titre, il revient, tout d’abord, à l'agent de contrôle de l'inspection du travail de transmettre au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi un rapport sur cette situation [18].

Conformément à l’article L. 1142-10 du Code du travail, une pénalité peut être envisagée. A noter que si cette pénalité lui est appliquée, l'employeur ne peut se voir appliquer la pénalité financière prévue à l'article L. 2242-8 (N° Lexbase : L0335LMD) [19]. Si le directeur régional l’envisage, il en informe l'employeur, par tout moyen permettant de conférer date certaine de sa réception par le destinataire, dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de transmission du rapport mentionné précédemment. L’employeur est alors invité à présenter ses observations et à justifier, le cas échéant, des motifs de sa défaillance dans un délai d'un mois. Ce délai peut être prorogé d'un mois à la demande de l'intéressé, si les circonstances ou la complexité de la situation le justifient. Pour déterminer le montant de la pénalité, il peut être tenu compte des mesures prises par l'entreprise en matière d'égalité salariale entre les femmes et les hommes, de la bonne foi de l'employeur, ainsi que des motifs de défaillance dont il a justifiés [20].

Le montant de la pénalité est fixé à 1 % de la masse salariale. Il s’agit toutefois d’un maximum. Cette pénalité est calculée sur la base des revenus d'activité dus au cours de l'année civile précédant l'expiration du délai de trois ans laissé à l'entreprise pour se mettre en conformité [21]. Le taux de pénalité est notifié à l’employeur et motivé. Ce dernier doit communiquer en retour les revenus d'activité servant de base au calcul de la pénalité. A défaut, la pénalité est calculée sur la base de deux fois la valeur du plafond mensuel de la Sécurité sociale, par salarié de l'entreprise et par mois compris dans l'année civile. Un titre de perception est établi. Le produit de cette pénalité est affecté au fonds de solidarité vieillesse.

Présentée comme une «arme dissuasive», notamment pour les grosses entreprises, cette mesure ne pourra démontrer son efficacité qu’avec le temps. Pour aboutir à des résultats conformes aux objectifs affichés, le Gouvernement envisage un renforcement des contrôles de l’inspection du travail sur l’égalité salariale. Ils passeraient à 7 000 par an pour les entreprises de plus de 250 salariés, et à 30 000 pour celles de 50 à 249 salariés, soit une multiplication par quatre de ces contrôles [22]. Salué pour son pragmatisme par les organisations patronales, «l’index de l’égalité» questionne toutefois sur certains points. Notamment, certaines organisations syndicales regrettent qu’une entreprise puisse ne pas être sanctionnée, malgré un écart de rémunération de 15 %, dans l’hypothèse où les autres critères sont remplis.

A titre subsidiaire, le décret du 8 janvier 2019 revient sur un point relatif à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail.

 

V - Un impératif d’information : les violences sexistes et sexuelles au travail

 

L’accompagnement des salariés en matière de violences sexuelles et sexistes au travail est au cœur de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel. La mesure phare est sans doute, à ce titre, la mise en place de référents. Un nouvel article L. 1153-5-1 dans le Code du travail (N° Lexbase : L9804LLP) prévoit ainsi la désignation, dans toute entreprise employant au moins 250 salariés, d’un référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Par ailleurs, le législateur prévoit que tout CSE devra désigner un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes parmi ses membres pour une durée prenant fin avec celle du mandat des membres élus. Cette désignation prendra la forme d'une résolution adoptée à la majorité des membres présents [23].

Mais l’information des salariés se trouve aussi renforcée. Là où le texte de l’article L. 1153-5 du Code du travail (N° Lexbase : L0338LMH) prévoyait que «dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche, les personnes mentionnées à l'article L 1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l'article 222-33 du Code pénal», la loi nouvelle complète le texte et précise que les salariés, personnes en formation ou en stage, ou candidats à un recrutement, à un stage ou à une formation dans entreprise seront informés des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents. Cette adjonction répondait au constat de l’absence d’éléments d’information opérationnels visant à permettre à toute personne victime de tels agissements de connaître les voies de recours qui lui sont ouvertes et l’ensemble des interlocuteurs adéquats. L’étude d’impact proposait ainsi que les services compétents en matière de harcèlement sexuel soient la médecine du travail, le Défenseur des droits et l’inspection du travail [24]. Par application du décret, cette information doit préciser l'adresse et le numéro d'appel du médecin du travail ou du service de santé au travail compétent pour l'établissement ; de l'inspection du travail compétente ainsi que le nom de l'inspecteur compétent ; du Défenseur des droits ; du référent RH prévu dans toute entreprise employant au moins 250 salariés et du référent CSE [25].

Ainsi, par la méthodologie mise en place et les précisions apportées, le décret du 8 janvier 2019 poursuit de multiples objectifs afin d’atteindre une égalité professionnelle entre les femmes et les hommes affichée comme une priorité depuis près de 50 ans. Espérons que ces dispositions puissent faire l’effet, tant attendu, d’un électrochoc.

 

[1] Décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019, portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l'entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail (N° Lexbase : L8693LNB).

[2] C. trav., art. D. 1142-7 (N° Lexbase : L0534LPH). Une liste actualisée des référents est publiée sur le site du ministère du Travail.

[3] Instruction DGT n° 2019/03 du 25 janvier 2019, relative aux nouvelles dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes (N° Lexbase : L2775LPH).

[4] C. trav., art. L 1142-8 (N° Lexbase : L9801LLL).

[5] C. trav., art. D. 1142-3 (N° Lexbase : L0530LPC).

[6] C. trav., art. D. 1142-2 (N° Lexbase : L0528LPA).

[7] La notion d'augmentation individuelle correspond à une augmentation individuelle du salaire de base du salarié concerné tandis que la notion de promotion retenue correspond au passage à niveau ou un coefficient hiérarchique supérieur.

[8] Loi n° 72-1143 du 22 décembre 1972, relative à l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes (N° Lexbase : L7707I49), JORF du 24 décembre 1972, p. 13411.

[9] Selon l’article L. 1225-26 du Code du travail (N° Lexbase : L0900H99). En l'absence d'accord collectif de branche ou d'entreprise déterminant des garanties d'évolution de la rémunération des salariées pendant le congé de maternité et à la suite de ce congé au moins aussi favorables que celles mentionnées dans le présent article, cette rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 (N° Lexbase : L0799H9H), est majorée, à la suite de ce congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise.

[10] C. trav., art. D. 1142-4 (N° Lexbase : L0531LPD).

[11] C. trav., art. D. 1142-5 (N° Lexbase : L0532LPE).

[12] C. trav., art. L. 2242-1 (N° Lexbase : L7820LGQ).

[13] C. trav., art. D. 1142-6 (N° Lexbase : L0533LPG).

[14] C. trav., art. L. 1142-9 (N° Lexbase : L9802LLM).

[15] C. trav., art. D. 1142-11 (N° Lexbase : L0538LPM).

[16] C. trav., art. D. 1142-8 (N° Lexbase : L0535LPI).

[17] C. trav., art. D. 1142-8.

[18] C. trav., art. D. 1142-9 (N° Lexbase : L0536LPK).

[19] C. trav., L. 1142-10 (N° Lexbase : L9803LLN). Selon l’article L. 2242-8 du Code du travail (N° Lexbase : L0335LMD), les entreprises d'au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur en l'absence d'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou, à défaut d'accord, par un plan d'action. Cette pénalité peut également être appliquée, dans des conditions déterminées par décret, en l'absence de publication des indicateurs ou en l'absence de mesures définies dans les conditions prévues à l'article L. 1142-9.

[20]  C. trav., art. D. 1142-11 (N° Lexbase : L0538LPM).

[21] C. trav., art. D. 1142-13 (N° Lexbase : L0540LPP).

[22] Instruction DGT n° 2019/03 du 25 janvier 2019, relative aux nouvelles dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

[23] C. trav., art. L. 2314-1 (N° Lexbase : L0337LMG).

[24] Etude d’impact, Projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

[25] C. trav., art. D. 1151-1 (N° Lexbase : L0527LP9).

newsid:467868

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus