La lettre juridique n°774 du 28 février 2019 : Droit des étrangers

[Brèves] Délit d’aide à l’entrée ou au séjour d’un étranger : nul besoin que l'étranger ait fait l’objet de poursuites pénales du chef d’entrée ou séjour irrégulier

Réf. : Cass. crim., 20 février 2019, n° 18-80.784, FS-P+B (N° Lexbase : A8941YYS)

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par Marie Le Guerroué

le 27 Février 2019

► Le délit d’aide à l’entrée ou au séjour d’un étranger en France ne suppose pas, pour être établi, qu’un étranger ait fait l’objet de poursuites pénales du chef d’entrée ou de séjour irrégulier, l'article L. 621-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5884G4P), incriminant l’action de faciliter ou tenter de faciliter l’entrée ou le séjour ;

 

► Les certificats de nationalité française établis sur la base de faux documents ne peuvent faire foi de la nationalité de ceux qu’ils concernent.

 

Telles sont les enseignements de l’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 20 février 2019 (Cass. crim., 20 février 2019, n° 18-80.784, FS-P+B N° Lexbase : A8941YYS).

 

En l’espèce, pour déclarer le second demandeur au pourvoi coupable d'aide à l’entrée ou au séjour d’un étranger en France en bande organisée, et complicité d’usage de faux, l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence relevait notamment  :

- que la perquisition effectuée au domicile de celui-ci avait permis la découverte d'un nombre important de certificats de nationalité française à des identités différentes, de certificats de résidence, ainsi que de diverses pièces d'identité et actes de naissance ;

- que l'enquête avait permis d'établir que la quasi-totalité des certificats d'hébergement découverts était de pure complaisance ou obtenue à l'insu de la personne supposée les avoir signés ;

- qu'aucun élément du dossier ne permettait d'affirmer que les personnes concernées ne seraient pas étrangers dans la mesure où il n'était pas contesté que les certificats de nationalité avaient été établis à tort grâce à l'intervention du prévenu ;

- que l'enquête avait ainsi permis d'établir que sous prétexte d'œuvrer pour des associations à but humanitaire, le second demandeur avait mis en place un réseau national et international qui avait pour seule finalité de permettre à des ressortissants comoriens dont la filiation ne le permettait pas, d'obtenir la délivrance d'un certificat de nationalité française.

 

Pour infirmer le jugement et déclarer la première demanderesse au pourvoi (adjointe admnistrative faisant fonction de greffière) coupable d'aide à l’entrée ou au séjour d’un étranger en France, l’arrêt relevait, ensuite, qu’il résultait de la procédure et des débats  :

- que l’intéressée avait systématiquement mis en forme les dossiers déposés par son intermédiaire, préparant les certificats de nationalité française qu'elle avait soumis à la signature d'un greffier en chef qu'elle savait peu au fait des questions de nationalité ;

- que les certificats visés avaient été établis à tort dans la mesure où la filiation des demandeurs n'était pas établie ;

- que la demanderesse avait accepté en toute connaissance de cause que la compétence du tribunal de Tarascon soit rendue possible par la production de certificats d'hébergement douteux et n'avait pas tenu compte de la règle selon laquelle la seule filiation reconnue aux Comores était la filiation légitime ;

- que son ancienneté au service et ses capacités reconnues par ses supérieurs hiérarchiques ne lui permettaient pas de se retrancher ni derrière une incompétence ni derrière l'autorité du greffier en chef dont elle savait qu'il lui faisait entièrement confiance ;

- qu’il ne lui était pas reproché d'avoir elle-même signé les certificats de nationalité mais d'avoir, en les préparant, permis qu'ils soient signés à tort par le greffier en chef, qu'aucune explication sérieuse n'avait pu être donnée pour justifier l'absence d'enregistrement régulier des dossiers des ressortissants comoriens ;

- qu’aucun élément du dossier ne permettait d’affirmer que les personnes concernées par ces certificats ne seraient pas étrangers dans la mesure où il n'était pas contesté que les certificats de nationalité avaient été établis à tort.

 

Les juges ajoutaient que la prévenue, en contrepartie de son intervention, avait pu, avec ses compagnons, effectuer sans frais des voyages, l'un aux Comores et l'autre à Dubai, le prétexte humanitaire donné à ces déplacements dont le coût pouvait être fixé au moins à 3 000 euros restant à démontrer.

 

Les deux intéressés forment un pourvoi en cassation arguant, notamment, de l'absence d'élément intentionnel et matériel.

 

Pour la Chambre criminelle, en disposant ainsi, et énonçant les précisions susvisées, la cour d’appel a justifié sa décision. Dès lors, les griefs, qui reviennent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis.

 

En revanche, la Cour rappelle également, au visa de l'article 132-1 du Code pénal (N° Lexbase : L9834I3M), et des articles 485 (N° Lexbase : L9916IQC), 512 (N° Lexbase : L4412AZG) et 593 (N° Lexbase : L3977AZC) du Code de procédure pénale, qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle et que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. En l’espèce, pour condamner la demanderesse au pourvoi à la peine de six mois d’emprisonnement avec sursis, l’arrêt énonçait que son bulletin numéro un du casier judiciaire ne mentionnait pas de condamnation et qu’au regard des circonstances particulières de l'espèce la cour considérait que la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis constituerait une sanction bien proportionnée à la gravité des faits et bien adaptée à la personnalité de l'intéressée.

 

En prononçant ainsi, sans mieux s'expliquer, par des éléments tirés de l’espèce, sur la gravité des faits et sur la personnalité de la prévenue et sa situation personnelle, la Cour de cassation estime que la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. Elle censure donc partiellement l’arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (cf. l’Ouvrage «Droit des étrangers» N° Lexbase : E4048EYL).

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