Réf. : Cass. crim., 8 janvier 2019, n° 17-81.396, F-D (N° Lexbase : A6482YSU)
Lecture: 13 min
N7364BXZ
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Kaltoum Gachi, Avocate au Barreau de Paris, Docteur en Droit, Chargée d'enseignement à l'Université Paris II
le 23 Janvier 2019
Mots-clefs : Jurisprudence • Avocat • Twitter • Liberté d'expression
Résumé : La Chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que les propos tenus par Maître Eolas sur twitter, que l’Institut pour la Justice considérait injurieux et diffamatoires, ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression. Elle a ainsi indiqué que les propos «s’inscrivaient dans la même controverse sur l’action de la Justice pénale, à l’occasion de la préparation de la campagne aux élections présidentielles de 2012, constitutive d’un débat public d’intérêt général» et que «l’invective qu’ils comportaient répondait également de façon spontanée à l’interpellation d’un internaute sur les thèses défendues par la partie civile et ce, sur un réseau social imposant des réponses lapidaires, et, quelles que fussent la grossièreté et la virulence des termes employés, ils ne tendaient pas à atteindre les personnes dans leur dignité ou leur réputation, mais exprimaient l'opinion de leur auteur sur un mode satirique et potache, dans le cadre d’une polémique ouverte sur les idées prônées par une association défendant une conception de la Justice opposée à celle que le prévenu, en tant que praticien et débatteur public, entendait lui-même promouvoir, de sorte qu’en dépit de leur outrance, de tels propos n’excédaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression dans un pays démocratique».
L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme (N° Lexbase : L4743AQQ) protège le droit à la liberté d’expression. Si des limitations sont prévues par le paragraphe 2 de cet article, elles sont d’interprétation particulièrement étroite. C’est au visa de ces dispositions et au rappel de cette règle qu’a été rendu l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 janvier 2019 qui a cassé sans renvoi l’arrêt de la cour d’appel de Versailles condamnant Maître Eolas pour des propos conduisant l’Institut pour la Justice (IPJ) à déposer une plainte avec constitution de partie civile des chefs de diffamation et d’injure publiques.
Ce célèbre avocat blogueur avait critiqué tant les thèses et objectifs du texte que la fiabilité du décompte des signataires d’une pétition mise en ligne par cet institut et avait publié sur son compte twitter, les 8 et 9 novembre 2011, des messages comportant les propos suivants : «L'Institut pour la justice en est donc réduit à utiliser des bots pour spamer sur Twitter pour promouvoir son dernier étron ?» et «Que je me torcherais bien avec l'Institut pour la Justice si je n'avais pas peur de salir mon caca».
Renvoyé devant le tribunal correctionnel de Nanterre, les premiers juges l’avaient déclaré coupable de diffamation et d'injure publiques et l’avaient condamné à une amende de 2 000 euros avec sursis ainsi qu’au versement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts. Sur appel du prévenu, la cour d'appel de Versailles avait infirmé le jugement qui lui était déféré en le relaxant du délit de diffamation. Les juges du second degré avaient, en effet, considéré que le fait d'écrire sur twitter, que le compteur de signature de la pétition mise en ligne par l'IPJ était «bidon» et qu'il s'agissait d'une «manipulation» n'induisait pas que l'IPJ ait eu «la volonté de truquer ou de fausser les résultats de la pétition», contrairement à ce que soutenait la partie civile. La cour d’appel avait également estimé que la «concision des messages», sur ce réseau social, qui limite les caractères au nombre de 140, ne permettait pas à l'auteur du message de «développer une argumentation précise, contrairement à un article de fond». La juridiction d’appel constatait également que, lors de l'audience, la partie civile avait elle-même reconnu «qu'il était possible à une personne de signer [la pétition] à plusieurs reprises dès lors qu'elle se présentait sous des adresses mél différentes». Dans ces conditions, les propos litigieux, qui ne visaient qu'à dénoncer, en termes véhéments «les anomalies dans la réalisation de la pétition» ne pouvaient tomber sous le coup de la répression au titre de la diffamation. En revanche, s’agissant de l'injure, la cour d'appel avait retenu le délit pour le message «Je me torcherais bien avec l'Institut pour la Justice, si je n'avais pas peur de salir mon caca», en ce qu’il dépassait, selon elle, «la dose d'exagération et de provocation admissible». Outre les dommages et intérêts, l’amende avait été fixée à 500 euros, la Cour relevant que le prévenu n'avait jamais été condamné et que les propos injurieux avaient été tenus à 4 heures 43 du matin, sous le coup de la fatigue.
Le pourvoi offrait une large marge de manœuvre à la Chambre criminelle qui devait se prononcer sur la question de savoir si ces propos dépassaient ou non les limites admissibles de la liberté d’expression.
Son office est, on le sait, extrêmement important en droit de la presse puisqu’elle se reconnaît, en la matière, «le droit d’examiner elle-même l’article dont les termes sont placés sous ses yeux, d’en rechercher et d’en déterminer le véritable sens et la portée dans leurs rapports avec la qualification légale» (par ex. : Cass. crim., 16 novembre 1993, n° 90-83.128 N° Lexbase : A3411ACC ; Cass. crim., 3 juillet 1996, n° 94-82647, publié au bulletin N° Lexbase : A9049CEU). Il lui appartient ainsi d’exercer son contrôle sur le point de savoir si dans les écrits poursuivis ou les propos retenus dans la prévention se retrouvent les éléments légaux de la diffamation ou de l’injure publique, tels qu’ils sont définis par la loi du 29 juillet 1881 (Cass. crim., 5 mai 1953, Bull. crim. n° 156 ; Cass. crim., 9 janvier 1958, Bull. crim. n° 48 ; Cass. crim., 4 novembre 1972, ibid. n° 325 ; 26 mai 1987, ibid. n° 217 ; Cass. crim., 16 octobre 2001, n° 00-87320, publié au bulletin N° Lexbase : A1028AXD). Elle se reconnaît le même pouvoir en ce qui concerne les causes d’exonération dont peut se prévaloir le prévenu.
Exerçant pleinement sa mission, la Cour de cassation a rappelé, à l’occasion de la présente affaire, que «la liberté d'expression ne peut être soumise à des ingérences que dans les cas où celles-ci constituent des mesures nécessaires au regard du paragraphe 2 de ce texte» et a censuré l’arrêt de la cour d’appel en lui reprochant d’avoir elle-même constaté que les propos litigieux «s’inscrivaient dans la même controverse sur l’action de la Justice pénale, à l’occasion de la préparation de la campagne aux élections présidentielles de 2012, constitutive d’un débat public d’intérêt général». Elle a affirmé que «l’invective qu’ils comportaient répondait également de façon spontanée à l’interpellation d’un internaute sur les thèses défendues par la partie civile et ce, sur un réseau social imposant des réponses lapidaires, et, quelles que fussent la grossièreté et la virulence des termes employés, ils ne tendaient pas à atteindre les personnes dans leur dignité ou leur réputation, mais exprimaient l'opinion de leur auteur sur un mode satirique et potache, dans le cadre d’une polémique ouverte sur les idées prônées par une association défendant une conception de la Justice opposée à celle que le prévenu, en tant que praticien et débatteur public, entendait lui-même promouvoir, de sorte qu’en dépit de leur outrance, de tels propos n’excédaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression dans un pays démocratique».
Aux termes de ces motifs, la Chambre criminelle a cassé sans renvoi, en application de l’article L. 411-3 du Code de l’organisation judiciaire (N° Lexbase : L2546LBW), l’arrêt d’appel. Pour considérer, au cas concret, que les limites admissibles de la liberté d’expression n’avaient pas été dépassées, la Cour de cassation a utilisé des critères d’appréciation qui méritent d’être soigneusement examinés (I) en traduisant incontestablement un élargissement de la liberté d’expression, amplement justifié compte tenu du contexte (II).
I - Les critères d’appréciation
Peut-être faut-il rappeler que constitue une injure, au sens de l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L5204AH9), «toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d'aucun fait». Dans la présente affaire, la Chambre criminelle n’est pas revenue sur le caractère injurieux des propos en évoquant expressément «l’invective» qu’ils comportaient pour se placer sur le strict terrain de l’examen d’une cause éventuelle d’exonération. A cet égard, la décision commentée fait référence à deux principaux éléments qui démontrent que les limites admissibles de la liberté d’expression n’ont pas été dépassées. Elle s’est fondée, en premier lieu, sur l’existence d’un débat public d’intérêt général (A) et, en second lieu, sur le caractère spontané de la réponse sur le réseau social twitter, imposant des formulations lapidaires (B).
A - L’existence d’un débat public d’intérêt général
En affirmant, après la cour d’appel, que les propos de Maître Eolas «s’inscrivaient dans la même controverse sur l’action de la Justice pénale, à l’occasion de la préparation de la campagne aux élections présidentielles de 2012, constitutive d’un débat public d’intérêt général», la Chambre criminelle souligne là un critère de haute valeur puisqu’il assouplit la rigueur de l’appréciation en conférant à la liberté d’expression une portée plus large.
Ce critère est traditionnellement rattaché à la bonne foi en matière de diffamation. Rappelons à cet égard qu’à la différence de l’injure, la diffamation renferme l’imputation d’un fait précis susceptible de faire l’objet, sans difficulté, d’un débat contradictoire. Or, l’auteur d’une diffamation peut s’exonérer de sa responsabilité pénale en rapportant la preuve de sa bonne foi (Cass. crim., 24 mai 2005, n° 03-86.460, FS-P+F N° Lexbase : A7657DIG Bull. crim., n° 155), laquelle ne se confond pas avec la preuve de la vérité des faits, qui est un autre fait justificatif propre à la diffamation. Sur ce point, il a été jugé qu’«en matière de diffamation la preuve de la vérité du fait diffamatoire et la bonne foi constituent deux questions distinctes ; […] en conséquence, le prévenu qui n'entend pas offrir la preuve de la vérité du fait diffamatoire ne saurait être déchu du droit d'exciper de sa bonne foi». La diffamation comporte en effet un élément moral, la mauvaise foi, dont l’existence est présumée par la jurisprudence.
Si l’admission de la bonne foi suppose que l’auteur des propos ait agi, cumulativement, sans animosité personnelle, en poursuivant un but légitime, avec prudence et mesure dans l’expression, il est admis que ces exigences doivent être examinées avec souplesse lorsque le sujet abordé est dit «d’intérêt général». Ainsi, la Cour européenne des droits de l’Homme rappelle régulièrement qu’il existe un principe général de «libre discussion de questions d'intérêt général» (CEDH, 3 avril 2012, Req. 42857/05 N° Lexbase : A1295IHG). Il ressort, en particulier, de la jurisprudence européenne que «si tout individu qui s'engage dans un débat public d'intérêt général, comme l'est par définition une campagne électorale, est certes tenu de ne pas dépasser certaines limites quant au respect de la réputation et des droits d'autrui, il lui est également permis de recourir à une certaine dose d'exagération, voire de provocation, c'est-à-dire d'être quelque peu immodéré dans ses propos» (CEDH, 7 novembre 2006, Req. 12697/03 N° Lexbase : A1924DS3). La jurisprudence de la Chambre criminelle s’inscrit dans le même sens (Cass. crim., 29 mars 2011, n° 10-85.887, F-P+B N° Lexbase : A1344HR9, Bull. crim., n° 61 ; Cass. crim., 27 avril 2011, n° 10-83.771, F-P+B N° Lexbase : A2733HSZ ; Cass. crim., 11 juin 2013, n° 12-83.487, F-P+B N° Lexbase : A5728KGA ; Cass. crim., 8 avril 2014, n° 12-88.095, F-P+B+I N° Lexbase : A6858MIT ; Cass. crim., 6 mai 2014, Bull. crim., n° 121 ; Cass. crim., 10 avril 2018, n° 17-81.347, F-D N° Lexbase : A1429XLI ; Cass. crim., 10 mai 2017, n° 16-81.555, F-D N° Lexbase : A8898WCK).
L’utilisation de ce critère du débat d’intérêt général pour des faits injurieux s’avère dès lors originale puisqu’on pouvait considérer que l’existence de ce débat se concevait plus aisément lorsque les propos imputés ou allégués revêtaient une précision suffisante pour constituer une diffamation. Mais il convient néanmoins de relever que la Cour européenne, qui ne s’attache pas aux qualifications proprement internes, avait considéré, à maintes reprises, que des propos écrits ou oraux pouvaient être regardés comme relevant de «la libre discussion de questions d’intérêt général» en dépit de leur nature incisive et même insultante (v., not., CEDH, 14 mars 2013, Req. 26118/10 N° Lexbase : A6606I9K, § 56-62). La décision du 8 janvier 2019 s’inscrit donc dans le droit fil de ces solutions.
B - Le caractère spontané et nécessairement concis du tweet
La Cour de cassation ne s’est pas uniquement référée au débat public d’intérêt général, elle a également énoncé, pour considérer que les limites admissibles à la liberté d’expression n’avaient pas été dépassées par les propos dénoncés, que «l’invective qu’ils comportaient répondait également de façon spontanée à l’interpellation d’un internaute sur les thèses défendues par la partie civile et ce, sur un réseau social imposant des réponses lapidaires». C’est dire que, tout en admettant que les termes employés comportaient une invective et constituaient par là une injure, elle a estimé que la spontanéité de la réponse, qui ne doit pas excéder 140 caractères, devait être prise en considération.
Ce second critère n’est pas sans rappeler l’excuse légale de provocation, cause d’exonération spécifique à l’injure et prévue à l’article 33 alinéa 2 de la loi de 1881. Invocable dans le cas des injures envers particulier uniquement, cette excuse ne peut exonérer son auteur de sa responsabilité pénale que si elle constitue une riposte directe à une provocation de nature à atteindre l'auteur soit dans son honneur ou sa considération, soit dans ses intérêts pécuniaires ou moraux (Cass. crim., 26 déembre 1956, Bull. crim., n° 883 ; Cass. crim., 10 mai 2006, n° 05-82.971, FS-D N° Lexbase : A3993KIQ). La jurisprudence a précisé que, pour excuser l’injure, la provocation devait être personnelle, injuste et directe. Il doit donc exister un lien de causalité entre la provocation et l'injure qui implique aussi l'immédiateté de la riposte et sa proportionnalité (Cass. crim., 24 novembre 2009, n° 09-83.256, F-P+F N° Lexbase : A3566EPR ; Cass. crim., 13 avril 1999, n° 98-81625 N° Lexbase : A3820AUZ, Bull. crim., n° 77). On parle de riposte immédiate et irréfléchie.
Or, en l’espèce, la référence à la réponse spontanée de Maître Eolas s’inscrit dans une même logique d’immédiateté et c’est d’ailleurs ce que soutenait le moyen qui rappelait qu’en matière d’injure publique, la provocation résulte d’actes de nature à atteindre les intérêts moraux du prévenu et qu’au cas d’espèce, les affirmations contenues dans le «Pacte 2012» rédigé par l’IPJ, reposant sur l’idée que la Justice pénale serait exagérément laxiste et insuffisamment protectrice des intérêts des victimes d’infractions, heurtaient les convictions dont le demandeur au pourvoi faisait lui-même la promotion publique sur son blog et sur le réseau twitter.
Toutefois, la Cour de cassation s’est plus largement fondée sur la particularité du réseau social, en indiquant que le prévenu avait répondu, en termes nécessairement lapidaires, à l’interpellation d’un internaute, le sujet abordé étant d’intérêt général et la liberté d’expression y étant nécessairement plus largement conçue.
II - Une liberté d’expression élargie
L’arrêt du 8 janvier 2019 s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle favorable à la liberté d’expression inspirée, de toute évidence, des exigences européennes.
La Cour européenne des droits de l’Homme a rappelé, à plusieurs reprises, que la liberté d'expression constituait l’un des fondements essentiels d'une société démocratique, ainsi que l'une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun (CEDH, 8 juillet 1986, Req. 12/1984/84/131, Lingens N° Lexbase : A6312AWP série A n° 103, p. 26, § 41). Elle a également affirmé que si elle peut être assortie d'exceptions, celles-ci «appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante» (CEDH 26 novembre 1991, Observer et Guardian c/ Royaume-Uni, série A n° 216, p. 30, § 59), ce qui fait naturellement écho à l’attendu de principe de la décision commentée.
Au cas présent, indépendamment de la spécificité du réseau social twitter, de la spontanéité/brièveté imposée de la réponse imposée sur ce réseau, la Cour de cassation a également évoqué la qualité de l’auteur «praticien et débatteur public».
Certes, sa qualité d’avocat n’était pas expressément mentionnée et on sait que la Cour européenne a eu l’occasion de se prononcer sur la liberté d’expression de l’avocat (V. not., CEDH, 23 novembre 1983, Req. 8919/80 N° Lexbase : A5139PZD ; CEDH, 20 mai 1998, Req. 56/1997/840/1046 N° Lexbase : A7417AWM ; CEDH, 15 décembre 2005, Req. 73797/01, N° Lexbase : A9564DLS ; CEDH, 17 juillet 2007, req. n° 30278/04 ; CEDH, 24 janvier 2008, req. n° 17155/03 ; pour une étude d'ensemble, V., L. François, La liberté d'expression de l'avocat en droit européen, Gaz. Pal., 21 juin 2007, n° 172, p. 2). La Cour européenne avait, dans l’affaire "Morice contre France", évoqué le «statut spécifique des avocats, intermédiaires entre les justiciables et les tribunaux», qui «leur fait occuper une position centrale dans l'administration de la Justice» (CEDH, 23 avril 2015, Req. 29369/10 N° Lexbase : A0406NHI).
Toutefois, si la qualité d’avocat n’avait pas lieu d’être soulignée en l’espèce, Maître Eolas intervenant en tant que «praticien et débatteur public», sa conception radicalement différente de celle de l’IPJ a évidemment été notée. La Cour de cassation a ainsi jugé que les propos «exprimaient l'opinion de leur auteur sur un mode satirique et potache, dans le cadre d’une polémique ouverte sur les idées prônées par une association défendant une conception de la Justice opposée à celle que le prévenu, en tant que praticien et débatteur public, entendait lui-même promouvoir, de sorte qu’en dépit de leur outrance, de tels propos n’excédaient pas les limites admissibles de la liberté d'expression dans un pays démocratique». Si l’outrance des propos a également été soulignée, l’auteur pouvait toutefois s’exprimer de la manière qui lui paraissait la plus adaptée aux circonstances dès lors que, ainsi que l’a précisé la Chambre criminelle, les termes employés «ne tendaient pas à atteindre les personnes dans leur dignité ou leur réputation».
Pour terminer, on indiquera que, dans une autre affaire, la Cour de cassation a, au même visa, cassé sans renvoi un arrêt d’appel qui avait condamné la personne qui avait apposé sur les affiches de la manif pour tous, partie civile, le mot «homophobes». Alors que la cour d’appel avait condamné le prévenu du chef d’injure publique, la Cour de cassation avait estimé que l’emploi de ce qualificatif s’inscrivait dans le débat d’intérêt général sur la loi autorisant le mariage des couples de même sexe, auquel l’association partie civile s’était vivement opposée, cependant que l’association présidée par le prévenu avait milité en sa faveur, de sorte que, relevant d’une libre opinion sur l’action et les prises de position de la partie civile, il ne dépassait pas les limites admissibles de la liberté d’expression (Cass. crim., 23 janvier 2018, n° 16-87.545, F-D N° Lexbase : A8696XBP).
On ne peut que se réjouir de la présente décision qui retient une conception de la liberté d’expression reposant sur le pluralisme des idées, quelle que soit la manière dont elles sont exprimées.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:467364