Réf. : CEDH, 27 septembre 2018, Req. 57278/11 (N° Lexbase : A7978X7M)
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par Marie-Claire Sgarra
le 03 Octobre 2018
►La loi italienne sur les perquisitions ne garantit pas suffisamment les justiciables contre les risques d’abus des autorités ou l’arbitraire.
Telle est la solution retenue par la CEDH rendu le 27 septembre 2018 (CEDH, 27 septembre 2018, Req. 57278/11 N° Lexbase : A7978X7M).
En l’espèce, le requérant est né en Italie, et réside à Munich depuis 1989. Inscrit sur le registre des Italiens résidant à l’étranger, il possède depuis 2009 une maison en Italie, où sa femme et ses enfants habitent pendant la période scolaire. En 2010, le requérant fait l’objet d’un contrôle fiscal de la part de la police fiscale de Mantoue. Le parquet de Mantoue autorise la police fiscale à accéder au domicile italien du requérant dans le but de rechercher et de saisir les livres comptables, les documents ou toute autre preuve de violations de la législation fiscale. Le requérant, étant absent le jour de la perquisition, les agents de la police demandent au frère de ce dernier d’accéder aux lieux sans justifier de leur demande. Le requérant, par échanges avec la police se déclare disposé à collaborer avec les autorités italiennes et mettre à leur disposition tout justificatif concernant ses revenus. Quant à la police fiscale, elle informe le requérant que, s’il refusait de consentir aux recherches auprès de son habitation au profit des agents, une perquisition serait ordonnée par le parquet.
Par une décision du 13 juillet 2010, le parquet de Mantoue ouvrit une enquête pénale à l’encontre du requérant, et délivra un mandat de perquisition de l’habitation et des véhicules de l’intéressé en raison de l’existence de graves indices de culpabilité du délit d’évasion fiscale. Par ce mandat, le parquet ordonna la recherche et la saisie des documents comptables se trouvant sur les lieux ainsi que de tout autre document prouvant le délit d’évasion fiscale, y compris des fichiers électroniques. La perquisition se fit en présence du père du requérant. Ultérieurement, par un mémoire en défense, le requérant contesta la nécessité de la perquisition en prouvant notamment qu’il résidait principalement en Allemagne et qu’il y payait régulièrement ses impôts, et demandait le classement sans suite de l’enquête. Par suite, le requérant a introduit un recours, soutenant que la perquisition de son habitation avait constitué une atteinte injustifiée au droit au respect de son domicile et de sa vie privée, puisque, selon lui, la vérification de sa situation fiscale aurait pu être effectuée par d’autres moyens. La Cour de cassation déclare le recours du requérant irrecevable. Elle indiqua qu’aucun appel n’était prévu contre un mandat de perquisition, précisant que celui-ci ne pouvait faire l’objet d’un réexamen au sens de l’article 257 du Code de procédure pénale italien que lorsqu’il était suivi d’une saisie de biens. Selon la haute juridiction, en cas de violation des règles sur la conduite de la perquisition, seules des sanctions disciplinaires à l’encontre des agents de police ayant mené les opérations étaient envisageables. Par ailleurs, toujours selon la Cour de cassation, un recours direct devant elle en vertu de l’article 111 de la Constitution n’était pas non plus admissible dès lors qu’une perquisition domiciliaire n’avait pas d’impact sur la liberté personnelle.
La Cour juge dans un premier temps qu’aucun juge n’a examiné la légalité et la nécessité du mandat de perquisition du domicile du requérant émis par le parquet. Dès lors, en l’absence d’un tel examen et, le cas échéant, d’un constat d’irrégularité, l’intéressé n’a pas pu prétendre à un redressement approprié du préjudice subi allégué. Dès lors, a Cour conclut que, même si la mesure contestée avait une base légale en droit interne, la législation nationale n’a pas offert au requérant suffisamment de garanties contre l’abus ou l’arbitraire avant ou après la perquisition. De ce fait, l’intéressé n’a pas bénéficié d’un «contrôle efficace» tel que voulu par la prééminence du droit dans une société démocratique. L’ingérence dans le droit au respect du domicile du requérant n’était donc pas «prévue par la loi» au sens de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme (N° Lexbase : L4798AQR).
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