La lettre juridique n°745 du 14 juin 2018 : Ohada

[Le point sur...] La nécessaire réforme des Institutions de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique

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par Mamadou Ismaïla Konate, Avocat, ancien Garde des Sceaux ministre de la Justice de la République du Mali

le 13 Juin 2018

L’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA) est née le 17 octobre 1993 en Ile Maurice par le Traité de Port-Louis (N° Lexbase : L3252LGK), depuis, révisé en 2008 (N° Lexbase : L3251LGI) à Québec. Elle regroupe pour le moment dix-sept pays [1]. L’objectif originel était d’instaurer en Afrique subsaharienne essentiellement francophone un espace unifié et sécurisé [2], permettant le développement des activités économiques des Etats-parties pour répondre aux attentes et besoins des investisseurs nationaux et étrangers.

 

L’OHADA comprend cinq grandes institutions. Outre la Conférence des Chefs d'Etats et de Gouvernements et le Conseil des ministres, le Secrétariat Permanent qui est basé à Yaoundé au Cameroun, la Cour commune de justice et d’arbitrage à Abidjan en Côte d’ivoire, et l’Ecole régionale supérieure de la magistrature à Porto Novo au Bénin.

A ce jour, une abondante production normative a permis une réelle et authentique pratique du droit des affaires au sein d’un espace, jadis dominé par le foisonnement et la très grande disparité des textes juridiques en vigueur au sein des Etats-parties, lesquels textes étaient pour la plupart inaccessibles, méconnus ou inusités.

Cependant, au regard de l’évolution du droit et de son environnement en perpétuelle mutation, sans compter les nouvelles exigences qui se font jour dans la pratique des affaires, un constat paraît évident : les institutions et organes initiaux de l’Organisation apparaissent aujourd’hui à la fois inadaptés et incomplets, à tout le moins pas toujours à même de lui assurer de nouvelles perspectives permettant de mieux asseoir le droit et la pratique communautaire juridique au sein d’un monde de plus en plus complexe et concurrentiel.

Il est aujourd’hui devenu nécessaire et même impérieux d’entreprendre une réflexion en vue de faire évoluer les organes et les institutions de l’OHADA, pour une plus grande efficacité, dans une synergie d’action plus large et plus coopérative tant de l’ensemble des Etats-parties que des Etats non-parties, mais qui souhaitent nouer un cadre de partenariat.

Cette nécessaire réforme devrait pouvoir être envisagée de façon sereine, notamment en ce qui concerne les structures décisionnelles de l’Organisation et ses instances techniques. Il s’agit également de développer des actions ambitieuses visant à promouvoir l’OHADA dans la communauté juridique des affaires et économique mondiale.

 

On aurait tort de considérer tout ceci comme de simples questions de spécialistes. Bien au contraire, il s’agit de placer l’OHADA au cœur d’une stratégie africaine de développement économique et d’en faire plus encore l’un des moteurs dans le monde. Une telle vision n’est d’ailleurs pas en déphasage avec les travaux de l’Union Africaine visant à développer une zone continentale de libre échange qui, espérons-le, verra le jour dans des délais raisonnables. Au risque d’une certaine redondance, la réforme des institutions de l’OHADA va dans le sens de l’histoire. Si la structure ne se réforme pas, si elle n’évolue pas rapidement, elle risque de se retrouver marginalisée et dépassée, ce qui serait fort dommageable vu le travail abattu depuis un quart de siècle. Dès lors, il ne s’agit pas de réformer pour réformer mais bel et bien de positionner et d’armer l’OHADA pour qu’elle puisse répondre aux défis à venir. Derrière tout cela c’est du développement économique de l’Afrique et de l’affirmation de structures juridiques solides dont il est question.

 

I - Réformer les organes décisionnels : plus de fluidité, d’efficacité

 

Au sein de l’OHADA, trois institutions sont dotées du pouvoir décisionnel qui leur permet de prendre des actes et des mesures portant effets : la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement dont il faut aménager les compétences pour faire face aux nouvelles contraintes et le Conseil des ministres qui doit être encore plus efficace. Quant à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, elle gagnerait, elle aussi, à être largement réformée.

 

A - La Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement : l’adapter aux nouveaux enjeux

 

Instituée à la faveur de la révision du Traité d’octobre 2008 à Québec, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement est l’organe suprême de l’OHADA. Elle est compétente pour toutes les questions relatives au Traité. A l'instar des autres organisations multinationales, elle se réunit à l'initiative de son Président ou à celle des deux tiers des Etats membres. Les décisions sont prises par consensus ou, à défaut, à la majorité absolue des Etats-parties présents. Si la mise en place de cette institution vise à donner une impulsion aux actions de l’OHADA, elle tend toutefois à transformer l’Organisation, conçue à l’origine comme un outil technique d’intégration juridique, en une machine politique à l’instar de beaucoup d’autres dans le continent, les intérêts politiques divergents des Etats membres ou leur passivité pouvant retarder la prise de certaines décisions importantes. De plus, l’institutionnalisation d’une Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement instaure une procédure lourde et coûteuse qui peut grever dangereusement le budget de l’Organisation au détriment d’autres activités [3].

Pour ces raisons, il est urgent d’envisager la réforme de cette institution sans pour autant la supprimer. Ses missions devraient être davantage sériées pour tenir compte du caractère technique et juridique de l’OHADA qui doit rester à l’abri des contingences politiques. Ainsi est-il proposé de réduire les missions de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement en les ramenant à la seule révision du Traité pouvant intervenir à tout moment, à l’initiative des deux tiers des Etats membres. Elle se réunira une fois tous les cinq ans pour adopter un plan quinquennal, fixer et orienter la stratégie, et procéder, si besoin, à la révision du Traité. Une telle souplesse dans la structuration et les missions de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement permettra une meilleure fluidité dans la mise en œuvre des grandes orientations qu’elle aura dégagé pour les autres organes, notamment pour le Conseil des ministres. Le sujet de l’institution d’un mécanisme efficace de financement des activités de l’organisation fait partie des priorités qu’un plan quinquennal devrait prendre en charge pour assurer la poursuite et la pérennisation des activités de l’organisation.

 

B - Le Conseil des Ministres : le rendre plus efficace

 

Le Conseil des ministres OHADA est composé des ministres chargés de la Justice et des Finances. Il se réunit au moins une fois par an, sur convocation de son Président, à l'initiative de celui-ci ou du tiers des Etats-parties. Il ne peut valablement délibérer que si deux tiers au moins de ses membres sont représentés. La présidence est assurée à tour de rôle par chaque Etat-partie pour une durée d'un an dans l'ordre alphabétique des pays. Dans le présent format, c'est le Conseil qui se charge de l'adoption des Actes Uniformes, d'élire les membres de la Cour commune de justice et d'arbitrage et d’adopter les budgets annuels de son Secrétariat Permanent, de nommer le Secrétaire Permanent et le directeur de l'Ecole régionale Supérieure de la Magistrature.

A l’évidence, les missions et compétences du Conseil des ministres sont nombreuses et marquent nécessairement le fonctionnement normal des autres organes. Or, en tant qu’émanation des gouvernements des Etats membres, les membres du Conseil des ministres ne sont pas toujours disponibles pour assurer au mieux leur rôle. On assiste à une grande lourdeur dans les procédures, toute chose qui joue sur l’efficacité du système [4].

Aussi, pour éviter cette situation dommageable, on pourrait réorienter les missions et compétences du Conseil des ministres avec plus de clarté et de précision pour que l’Organisation gagne en efficacité. Ainsi, le Conseil des ministres pourra être utilement chargé de la mise en œuvre du plan quinquennal de l’Organisation, du suivi de ses activités, de la validation de la nomination des personnes composant ses institutions, de l’adoption des Actes Uniformes nouveaux ou révisés et, enfin, du suivi et de la validation du budget.

 

C - La Cour commune de justice et d’arbitrage : gagner en commodité

 

La Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) est la juridiction suprême de l’OHADA, elle se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel ou celles rendues en premier et dernier ressort. La compétence de la Cour couvre l’interprétation et l’application du Traité, des règlements et des Actes Uniformes. Son organisation actuelle lui confère le monopole des pourvois en cassation pour tout litige impliquant l’application des Actes Uniformes. Un tel monopole viendrait à dépouiller les juridictions suprêmes nationales de l’essentiel du contentieux des affaires, ce qui ne va pas sans grincements de dents [5]. De plus, le format actuel de la Cour ne favorise pas la rapidité dans le traitement des dossiers, ce qui est un inconvénient majeur quand on sait le rôle crucial de la célérité dans les affaires. Ce constat impose donc une réforme de la CCJA pour une plus grande efficacité dans le traitement judiciaire du contentieux des affaires dans l’espace communautaire.

 

On peut donc envisager, au plan judiciaire et à titre expérimental, la possibilité d’avoir, au sein des Cours d’appel, des chambres spécialisées OHADA dans les Etats membres de l’Organisation, tenant compte du poids démographique des Etats-parties et du niveau de leurs activités économiques. Sur ces bases, le nombre de chambres spécialisées à instituer varierait d’une à trois, dans une à trois cours d’appels par Etats-parties. Elles auront des compétences plus larges qu’actuellement, la nouveauté se situant à deux niveaux. Tout d’abord et principalement, au sein des cours d’appels, ces chambres OHADA statueront en dernier ressort sans possibilité de recourir à la CCJA pour certains types d’affaires et de contrevaleur. Cette dernière ne sera saisie que des pourvois de pur droit. En cas de cassation, elle disposera de la faculté d’évoquer l’affaire et de statuer en dernier ressort comme actuellement ou de faire un renvoi devant une juridiction d’appel d’un Etat-partie, ce qui est une nouveauté. Ensuite, c’est le second niveau, au sein des chambres spécialisées OHADA dans les Cours d’appel nationales seront nommés de sept à onze magistrats, sans considération de nationalité, dans une proportion d’un tiers de nationaux, d’un tiers de juges ressortissants de la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine) et d’un dernier tiers issu de la zone CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale), à l’exception des Comores, de la Guinée Bissau et de la Guinée Equatoriale pour des questions de langues à régler sans compter le Cameroun dans une certaine mesure. Tous les juges étant nommés selon les mêmes modalités de recrutement que ceux de la CCJA.

 

Par ailleurs, en vue d’accélérer l’intégration juridique et judiciaire qui est, rappelons-le l’un des objectifs prioritaires de l’Organisation, il est proposé de donner la possibilité aux plaideurs de délocaliser le règlement de leur contentieux par l’institution d’une «convention de compétence» au sein de la communauté OHADA. A l’image de la convention d’arbitrage, cette «convention de compétence» pourra se former soit, par clause de compétence insérée dans un contrat avant la naissance de tout litige, soit par un compromis de compétence à la naissance d’un éventuel litige. Cette ouverture nécessitera en outre, la mise en place d’un barreau-OHADA en lieu et place d’une conférence des Bâtonniers de l’espace OHADA qui ne peut se concevoir sans avocats et sans barreau. Un barreau est la structure qui assurera une meilleure synergie d’action dans la défense des intérêts des justiciables au sein de l’espace communautaire et constituera de veille face à la juridiction communautaire suprême.

 

II - Réformer les organes techniques : plus de collectif et de compétences, plus d’influence et de lobbying

 

Au-delà de la réforme des instances décisionnelles, il convient également d’agir sur les organes purement techniques. On en compte deux principaux : le Secrétariat Permanent et l’Ecole régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA). Pour une plus grande efficacité, la structure d’ensemble de ces deux instances doit évoluer. Le Secrétariat Permanent gagnerait à devenir un Secrétariat Exécutif, l’ERSUMA évoluant quant à elle en Ecole communautaire. On ajouterait également une troisième et nouvelle structure à créer dénommée le «Tiers Etat OHADA». Enfin, il faut absolument envisager une politique de lobbying et de communication pour développer l’Organisation.

 

A - Le Secrétariat permanent devenant le Secrétariat exécutif : jouer plus collectif

 

Le Secrétariat permanent est l'organe exécutif de l'OHADA, ses principales attributions sont actuellement d’assister le Conseil des Ministres et coordonner les activités des institutions, de préparer et suivre la procédure d'adoption des Actes Uniformes, de les publier au Journal Officiel de l'OHADA et d’exercer la tutelle sur l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature.

Depuis 2008, le Secrétaire permanent est désigné par le Conseil des ministres pour une durée de quatre ans renouvelable une fois. Il nomme ses collaborateurs conformément aux critères de recrutement définis par le Conseil des ministres, sur la base de compétences professionnelles, et dans la limite des effectifs prévus au budget. Cependant, aujourd’hui nombre d’Etats-parties se sentent à l’écart du fonctionnement de l’Institution, ce qui à terme peut entraîner une certaine désaffection de ces Etats vis-à-vis de l’Organisation à un moment où la solidarité communautaire devrait être renforcée.

Ainsi, est-il proposé que le Secrétariat Permanent soit transformé en Secrétariat Exécutif composé des représentants des dix-sept Etats-parties. Ces représentants porteront le titre d’Ambassadeurs de tel ou tel Etat près l’OHADA, ce qui aura pour avantage d’alléger le budget de fonctionnement de l’Organisation en faisant directement supporter les charges de séjour de ces «diplomates» par leur propre pays. Ils auront pour mission de procéder à l’animation et au suivi des activités administratives, législatives et politiques de l’OHADA. Le Secrétaire Exécutif est ressortissant de l’Etat-partie qui assure la présidence du Conseil des Ministres. Il assure cette fonction pour une période de douze mois. Durant ces douze mois, le Secrétaire Exécutif assure les fonctions d’Administrateur en Chef de l’Organisation et la représente aux yeux des tiers.

La mise en oeuvre d’une telle formule aura l’avantage de permettre une meilleure animation de l’OHADA avec la participation effective de tous les Etats-parties, ce qui est assurément un gage de succès et d’atteinte des finalités affichées de l’Organisation.

 

B - L’ERSUMA devenant Ecole communautaire OHADA : monter en compétence et se recentrer sur des missions de formation et de recherches fondamentales

 

L’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature avait fait l’objet de plusieurs propositions de réformes [6]. Ces propositions ont en partie été prises en compte par le Traité révisé de 2008. En effet, aux termes de l’article 41 du Traité, «il est institué un établissement de formation, de perfectionnement et de recherche en droit des affaires dénommé Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature». De la sorte, l’ERSUMA ne doit plus se limiter à assurer un perfectionnement au bénéfice du seul personnel judiciaire des Etats-parties, mais peut élargir ses actions de formation pour englober tant les personnels judiciaires que para-judiciaires, les personnes du secteur privé et d’une manière générale, les acteurs du monde des affaires. Ses actions de formation peuvent également porter sur les matières des autres organisations communautaires des affaires telles l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine, la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale, la Conférence Interministérielle des Marchés d’Assurance et l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle et de bien d’autres.

 

La mission de recherche confiée à l’ERSUMA soulève toutefois quelques interrogations. En effet, s’il est vrai, que l’Ecole, au regard de la facilité qu’elle a pour constituer une base de données jurisprudentielles peut être un centre de documentation très efficace en droit africain des affaires [7], il est à craindre que cette mission de recherche ne vienne annihiler les missions principales de formation et de perfectionnement en droit des affaires.

 

Pour recentrer l’ERSUMA sur ces missions essentielles de formation et de perfectionnement, il est proposé de changer sa dénomination en «Ecole communautaire OHADA» qui aura pour mission de dispenser des enseignements du droit OHADA, de constituer un centre de documentation de référence en la matière, d’assurer la formation initiale et continue en droit OHADA, d’en valider les connaissances et les enseignements par la délivrance de certificats, de diplômes ou de mention de spécialités, de procéder à la formation à distance et d’assurer la promotion et la diffusion du droit OHADA, toute chose qui contribuera à mieux assoir le rayonnement de l’OHADA tant en Afrique que dans le reste du monde.

 

C - L’institution d’un nouvel organe dénommé le «Tiers Etat OHADA» : gagner en influence

 

Monument juridique de la première importance, l’OHADA suscite de nombreux espoirs tant au sein de l’Organisation qu’au-delà. Ainsi, certains Etats non-parties  comme le Ghana, le Nigéria ou le Maroc, pourraient être intéressés.  Pour transformer ces espoirs en réalité, il convient d’associer les forces vives des Etats-parties de l’Organisation au processus OHADA en créant un cadre juridique propice et opérationnel à la coopération pour attirer de nouveaux entrants. A côté,  le «Tiers Etat OHADA» regrouperait les représentants des usagers, utilisateurs et bénéficiaires du droit communautaire. C’est-à-dire des professionnels du droit, de la justice et des chiffres. Il aura une voix consultative au sein de l’Organisation et sera appelé à remplacer les actuelles commissions nationales. Une telle formule pourrait rendre l’OHADA plus attractive et plus effective, toute chose qui garantira au mieux l’atteinte des objectifs d’intégration, de sécurité juridique et judiciaire, pour un meilleur développement socio-économique de l’Afrique.

 

D - Développer un lobbying OHADA : faire rayonner l’organisation, renforcer les liens avec les partenaires et associer de nouveaux acteurs

 

On ne pourra faire rayonner l’OHADA et développer le droit communautaire sans faire l’économie d’une communication et un lobbying plus charpentés, ni sans développer des initiatives ciblées que ce soit en Afrique bien évidemment mais également hors du Continent.

L’OHADA a un rôle à jouer dans l’enseignement du droit communautaire au sein de l’enseignement supérieur africain. Aujourd’hui l’enseignement du droit OHADA reste épars, encore trop balbutiant et morcelé dans les Etats-membres [8]. L’organisation doit impérativement sensibiliser les Facultés de Droit sur la question en les aidant et en les conseillant pour mettre en place de véritable cursus-OHADA dans les dernières années d’études des apprentis juristes. On gagnerait également à infuser le droit OHADA chez les juges nationaux qui, trop souvent encore, voient l’organisation et ses magistrats comme des empêcheurs de tourner en rond et de ronronner tranquillement. L’Ecole communautaire a un rôle à jouer mais elle ne doit pas simplement rester un simple centre d’enseignement ni une structure collectant la documentation OHADA. Depuis quelques temps, elle organise des formations délocalisées dans les pays membres, c’est heureux mais cela reste peut-être insuffisant au vu de son potentiel.

 

Les activités de formation permettraient de passer des conventions d’associations ou de réels partenariats avec des écoles prestigieuses que ce soit dans les domaines juridiques stricto sensu ou dans les études africanistes (de la London School of Economics à la School of Oriental and African Studies, en passant par l’Université de Galatasaray ou Sciences Po Paris avec son Ecole de Droit et son programme Europe-Afrique). Ceci légitimerait et valoriserait encore davantage le travail de l’OHADA, permettrait de recueillir des ressources humaines et financières, et de développer plus encore l’aura du droit communautaire.

 

Pour les Institutions qui soutiennent l’organisation au premier rang desquelles on trouve l’Union Européenne, la Banque Africaine de Développement, le Programme des Nations Unies pour le Développement et l’Organisation Internationale de la Francophonie au sein desquels l’OHADA doit être plus visible et mieux connue au-delà des petits cercles de spécialistes évoluant dans ces institutions.

 

Plus globalement, l’OHADA gagnerait à évangéliser les mondes non-africains pour porter la bonne nouvelle du droit communautaire. Ceci notamment dans les pays qui investissent en Afrique, de la Chine à la Turquie en passant par la France ou le Brésil. Bien évidemment les facultés de droit, les barreaux et le monde juridique de ces pays sont les cibles prioritaires mais on doit également penser à toutes les associations économiques (patronales, investisseurs, etc.) tentées par le continent. Ceci afin de démontrer aux plus frileux que leurs investissements seront sécurisés, d’attester que des normes existent et que l’Afrique n’est décidément pas une terra incognita au niveau du droit des affaires.

 

L’OHADA a un quart de siècle. Le monde et l’Afrique ont changé depuis ses débuts, les choses s’accélèrent, la demande et les obligations se font plus pressantes, le niveau d’intervention et les exigences augmentent. Réformer l’Organisation paraît indispensable pour développer une réelle force de frappe capable de répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain.

Il faut s’en donner les moyens économiques, humains et structurels. C’est un impératif pour le développement des pays africains.

 

 

 

[1] Cf. Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Gabon, Guinée-Bissau, Guinée, Guinée-Equatoriale, Mali, Niger, République Centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo. Les langues de travail sont celles de l’Afrique (français, anglais, portugais et espagnol). Voir : http://www.OHADA.org/index.php/fr/.

[2] Cf. K. M’Baye, l’unification du droit en Afrique, Revue sénégalaise de droit, n° 10, décembre 1971, p.65 ; J. Issa-Sayegh et J. Lohoues-Oble, OHADA, Harmonisation du droit des affaires, coll. Droit uniforme africain, UNIDA, Juriscope, Bruylant, Bruxelles, 2002, n° 87 ; B. Martor et S. Thouvenot, L’unification du droit des affaires en Afrique par l’OHADA, La semaine Juridique, n° 44, 28 octobre 2004, Supplément n° 5, p. 11 ; J. Issa-Sayegh, L’intégration juridique des Etats africains de la Zone Franc, Revue Penant, n° 823, Janvier-avril 1997, p. 5 et suiv ; M. Alliot, Problème de l’unification du droit africain, Journal of African Law, Vol. II, n° 2, 1967 ; J. Issa-Sayegh, L’OHADA, Instrument d’intégration juridique, Revue de jurisprudence commerciale, juin, 1999, p. 237.

[3] Cf. S. Toe, Les enjeux et les perspectives du traité OHADA révisé, Penant, 2010, n° 872, p. 357.

[4] En témoignent les lourdes et coûteuses procédures de révision des Actes Uniformes.

[5] Notamment en raison de la résistance de certaines juridictions nationales. En ce sens, voir par exemple : Cour suprême du Niger, Chambre judiciaire, 16 août 2001, n° 01-158/C.

[6] Cf. J. Issa-Sayegh et P.-G. Pougoué, L’OHADA : défis, problèmes et tentatives de solutions, Actes du Colloque sur l'harmonisation du droit OHADA des contrats - Ouagadougou 2007, Revue de droit Uniforme, UNIDROIT, 2008, p. 455.

[7] Selon F.-M. Sawadogo, «L’ERSUMA a abattu un travail important, de même que nombre d’Etats et d’universités, qui explique que le droit OHADA soit incontestablement le droit communautaire le plus connu en Afrique. Il est même plus connu que le droit national. Il reste à poursuivre l’œuvre en veillant à l’accroissement de son efficacité. Finalement, le rôle essentiel de l’ERSUMA, c’est de contribuer à une correcte application des Actes Uniformes… », in Présentation de l’OHADA : les organes de l’OHADA et les Actes Uniformes, OHADATA, D-O6-32.

[8] Voir sur ce point : A.  Sow, La diffusion du droit communautaire Ouest-Africain, Civitas Europa, n° 37, 2016/2, pp. 351-370.

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