Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 6 juin 2018, n° 410985, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7917XQB)
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par Marie Le Guerroué
le 12 Juin 2018
►La situation ayant conduit un chef d'établissement pénitentiaire à prendre une décision de retenue du matériel informatique d'un détenu dans lequel ce dernier avait dissimulé une corde revêtait le caractère d'une situation d'urgence dispensant le chef d'établissement pénitentiaire du respect de la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration (N° Lexbase : L0420AIE), désormais codifié à l'article L. 122-1 du Code des relations entre le public et l'administration (CRPA) (N° Lexbase : L1800KNY).
►Toutefois, la situation ne présentait pas un caractère d'urgence absolue justifiant l'absence de motivation écrite, en vertu de l'article 4 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public (N° Lexbase : L8803AG7), désormais codifié à l'article L. 211-6 du CRPA (N° Lexbase : L1819KNP, de la décision ordonnant la retenue de l'ordinateur du requérant.
Ainsi statue le Conseil d’Etat dans une décision 6 juin 2018 (CE 9° et 10° ch.-r., 6 juin 2018, n° 410985, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7917XQB).
Dans cette affaire, à la suite d'une fouille de la cellule du requérant, il avait été constaté que les scellés apposés sur l'unité centrale de son ordinateur avaient été brisés et qu'une corde y avait été dissimulée. Le directeur du centre pénitentiaire de Caen avait ordonné un contrôle du matériel informatique et décidé de retenir ces équipements en vue d'une éventuelle procédure pénale. Une saisie judiciaire de ce matériel informatique avait ensuite été réalisée. L'intéressé avait saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la mesure de retenue de son matériel informatique. Il se pourvoit en cassation contre l’arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, après cassation d'un premier arrêt et renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, rejeté sa demande (CAA Nantes, 7 décembre 2016, n° 15NT03504 N° Lexbase : A2389SP8).
Le Conseil reprend l’arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en estimant que la décision procédant à la retenue du matériel informatique présentait le caractère d'une mesure de police, prononcée pour "des raisons d'ordre et de sécurité", devant en principe faire l'objet d'une motivation en vertu des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Mais en écartant le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision au motif que, prise pour faire obstacle à toute tentative d'évasion de l'intéressé, elle présentait un caractère d'urgence absolue, alors qu'il ressortait des pièces du dossier que la confiscation de la corde qui avait été dissimulée dans l'unité centrale de l'ordinateur suffisait à prévenir le risque d'une évasion imminente, le Conseil estime que la cour a entaché son arrêt d'inexacte qualification juridique des faits.
Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe aussi de régler l'affaire au fond. Il note que si les conditions particulières dans lesquelles est intervenue la décision caractérisaient une urgence dispensant le chef d'établissement pénitentiaire du respect de la procédure contradictoire précitée, la situation ne présentait pas un caractère d'urgence absolue justifiant l'absence de motivation écrite de la décision ordonnant la retenue de l'ordinateur du requérant.
Il résulte de ce qui précède que le requérant est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque. Toutefois, il résulte de l'instruction que son équipement informatique avait fait l'objet d'une saisie judiciaire, les conclusions tendant à ce que soit ordonnée la restitution de l'ordinateur sont donc rejetées.
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