Réf. : Cass. com., 24 mai 2018, n° 17-18.918, F-P+B+I (N° Lexbase : A1513XPQ)
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N4191BXI
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par Vincent Téchené
le 30 Mai 2018
► Le respect du principe constitutionnel de nécessité des peines, dont découle la règle de l’application immédiate de la loi pénale plus douce, commande que, lorsque le juge civil est amené à prononcer une sanction ayant le caractère d’une punition telle que l’interdiction de gérer prévue par l’article L. 653-8 du Code de commerce (N° Lexbase : L2082KG9), la loi nouvelle moins sévère reçoive application aux procédures collectives en cours. Dès lors, en ce qu’elle exige dorénavant, pour l’application de la sanction de l’interdiction de gérer, que l’omission de la demande d’ouverture d’une procédure collective dans les quarante-cinq jours de la cessation des paiements soit faite "sciemment", la loi du 6 août 2015 (N° Lexbase : L4876KEC) a modifié, dans un sens moins sévère, les conditions de la sanction de sorte que cette loi doit être appliquée à une situation antérieure au 8 août 2015. Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu le 24 mai 2018 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 24 mai 2018, n° 17-18.918, F-P+B+I N° Lexbase : A1513XPQ).
En l’espèce, le 31 octobre 2013, un tribunal de commerce a, sur déclaration de cessation des paiements, ouvert la liquidation judiciaire d’une société et fixé la date de cessation des paiements au 31 mai 2013. Puis, le 18 mars 2014, le tribunal a, sur assignation de deux salariés, prononcé la liquidation judiciaire d’une autre société, la date de cessation des paiements étant fixée au 27 septembre 2013. Estimant que les liquidations judiciaires de ces deux sociétés, dirigées par la même personne, avaient mis en évidence des fautes de gestion de la part de ce dernier, le procureur de la République a saisi le tribunal d’une demande de sanctions, lequel a condamné l’intéressé à une interdiction de gérer pour une durée de trois ans.
La cour d’appel (CA Versailles, 30 mars 2017, n° 16/05824 N° Lexbase : A7082US4) confirme le jugement, retenant notamment que les sanctions pénales, d’une part, et les sanctions pécuniaires et personnelles qui peuvent être prononcées par les juridictions civiles ou commerciales dans le cadre des procédures collectives, d’autre part, sont de nature différente et qu’à défaut de disposition spécifique de la loi du 6 août 2015 rendant la modification de l’article L. 653-8, qui sanctionne désormais d’une mesure d’interdiction de gérer celui qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure collective dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, le nouveau texte n’est applicable qu’aux procédures collectives ouvertes après le 8 août 2015. Tel n’étant pas le cas des procédures collectives en l’espèce, il n’y a pas lieu de rechercher si la cessation des paiements avait été sciemment déclarée tardivement par le dirigeant.
Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation, énonçant la solution précitée, censure l’arrêt d’appel au visa du principe de nécessité des peines reconnu par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1372A9P) et de l’article L. 653-8, alinéa 3, du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E4103EXA).
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