La lettre juridique n°727 du 18 janvier 2018 : Procédure administrative

[Jurisprudence] L'application toujours inflexible du désistement d'office lors d'un pourvoi en cassation suite à l'appréciation d'une question préjudicielle

Réf. : CE 2° ch., 20 décembre 2017, n° 413558, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4798W9L)

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Lorraine et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Procédure administrative"

le 19 Janvier 2018

La recherche de l'équilibre entre les nécessités de l'action administrative et le respect des droits des administrés est une préoccupation majeure chez le juge administratif. Le Conseil d'Etat se montre globalement toujours plus apte à trouver ce juste milieu mais certaines décisions peuvent prêter à discussion voire amener à un regard différent quant aux solutions alors préconisées. C'est à l'occasion d'un contentieux judiciaire quant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" que le contentieux d'espèce est né. Le TASS d'Evry a sursis à statuer et saisi le tribunal administratif de Versailles d'une question préjudicielle portant sur la légalité de la décision du préfet de l'Essonne refusant de délivrer l'attestation concernant cette carte de séjour temporaire. La décision n'a pas été jugée comme entaché d'illégalité par les premiers juges administratifs. Le requérant se pourvoi directement en cassation devant le Conseil d'Etat contre le jugement rendu alors en premier et dernier ressort (comme l'y autorise l'article R. 811-1 du Code de justice administrative N° Lexbase : L9961LA8) et demande l'annulation du jugement tout comme le règlement de l'affaire au fond quant à l'illégalité de la décision du préfet. Comme le contentieux relève d'une question préjudicielle, la juridiction saisie doit instruire et juger l'affaire comme une affaire urgente et les délais les plus brefs sont donnés aux parties pour produire leurs observations (CJA, art. R. 711-2-1 N° Lexbase : L8940LDH), le délai du pourvoi étant fixé à quinze jours (CJA, art. R. 771-2-2 N° Lexbase : L0533I8A). Cela n'empêche pas cependant un certain formalisme et des règles assez strictes à respecter. Après le pourvoi, un mémoire complémentaire a été annoncé par le requérant et, selon l'article R. 611-23 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L0567I8I), celui-ci doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, juge de cassation, dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle le pourvoi a été enregistré. Si le délai de droit commun est habituellement de trois mois (CJA, art. R. 611-22 N° Lexbase : L2911HPI), ce délai d'un mois pour "les recours sur renvoi de l'autorité judiciaire" fait partie des hypothèses où on a considéré, eu égard à la spécificité du contentieux et à la nécessité de rendre l'instruction du dossier encore plus réduite, que ce délai devait être réduit. C'est, par exemple, le cas, aussi, en matière de contentieux électoral (délai d'un mois), de décisions relatives aux séjours des étrangers assorties d'une obligation de quitter le territoire français (délai de quinze jours en vertu de l'article R. 776-12 du Code de justice administrative N° Lexbase : L8141LAR) ou encore lorsque le pourvoi en cassation est dirigé contre une décision prise par le juge des référés (délai de quinze jours) ou une demande de sursis à exécution d'un jugement (délai d'un mois en vertu de l'article R. 611-23 précité). Que ce soit pour le délai de droit commun ou pour ces délais spéciaux, si ces derniers ne sont pas respectés, l'auteur du pourvoi est réputé s'être désisté à l'expiration des dits délais s'il n'a pas produit le mémoire annoncé.

La règle ainsi énoncée est assez autoritaire et sévère, le Conseil d'Etat ne doit ni mettre en demeure l'intéressé de le faire, ni l'y inviter. La rigueur de ce régime se manifeste d'autant plus que le juge interprète strictement l'intention du requérant de produire un mémoire complémentaire. L'application qui en est faite par le Conseil d'Etat est, traditionnellement, dans l'esprit du texte, assez drastique mais, à sa décharge on la retrouve aussi du côté du juge judiciaire ainsi que, dorénavant, pour les mémoires récapitulatifs qui ne sont pas produit dans le délai imparti fixé au maximum à un mois (1). Cependant, le cas d'espèce faisait mention d'une circonstance particulière en ce que la notification du jugement administratif comportait une indication erronée sur le délai de pourvoi contre ce jugement, probablement un délai de deux mois au lieu des quinze jours réglementaires. D'un prime abord, cette erreur n'a pas d'incidence sur la question de l'application du délai de production du mémoire complémentaire et le désistement prononcé en l'espèce tout à fait logique puisque le délai réglementaire d'un mois était dépassé mais le requérant pouvait penser de façon légitime à ce qu'au délai de droit commun ainsi notifié s'applique un délai de droit commun également sur la production des mémoires complémentaires. Cette circonstance particulière aurait pu amener le juge à infléchir sa jurisprudence, il n'en a rien été puisqu'il l'a jugé, avec une rigueur dont on peut comprendre qu'elle ait été mal comprise par le requérant, qu'elle était sans incidence sur l'application des articles R. 611-22 et R. 611-23 du Code de justice administrative. En prononçant alors, malgré tout, le désistement d'office, le juge administratif inscrit néanmoins sa décision dans la lignée de sa jurisprudence précédente même si elle a été jugée, par certains égards, non conforme aux règles du procès équitable (I). Un autre regard est cependant possible sur le choix ainsi effectué même s'il faut toujours prendre en considération des éléments techniques propres à justifier la décision ainsi prise tenant notamment à l'impératif de bonne administration de la justice. La rigueur de la règle de principe a déjà été atténuée, par le passé, par le Conseil d'Etat et on a déjà aussi évoqué la transposition possible des règles plus souples existant devant les tribunaux et cours administratives d'appel. Même si la faute commise par le greffe du tribunal administratif n'est pas directement à l'origine de la prescription en cause dans l'arrêt d'espèce justifiant le prononcé du désistement d'office, elle est susceptible d'induire en erreur le requérant. Il peut, en effet, exister un doute sur la légèreté du requérant qui doit normalement être, seule, sanctionnée par le désistement d'office (II).

I - Une décision qui s'inscrit dans le cadre du caractère très rigoureux des décisions de désistement d'office prises par le Conseil d'Etat

La décision d'espèce s'inscrit dans une logique qui perdure depuis quelques temps maintenant devant le Conseil d'Etat qui amène à une interprétation et à une application mécanique des cas de désistement d'office sans rechercher l'intention réelle de l'auteur de la requête. Cette vision des choses a été sanctionnée par le juge européen (B) mais elle continue à primer devant le Conseil d'Etat pour ne pas entraîner des retards inutiles dans l'instruction des affaires (A).

A - La nécessité de ne pas entraîner des retards inutiles dans l'instruction des affaires

C'est d'abord le décret du 16 janvier 1981 (2) qui a institué devant le Conseil d'Etat la procédure et le système du désistement d'office remplaçant l'ancienne hypothèse de la mise en demeure qui prévalait jusque-là. Selon la rédaction actuelle de l'article R. 611-22 du Code de justice administrative depuis créé, "lorsque la requête ou le recours mentionne l'intention du requérant [...] de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat dans un délai de trois mois (3) à compter de la date d'expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit". La règle a été appliquée sans fioritures par le Conseil d'Etat qui en a donné une interprétation très large pour ne pas entraîner de retards inutiles dans l'instruction des affaires. Le délai ne peut ainsi être prolongé si le requérant demeure à l'étranger ou dans un territoire d'outre-mer (4). Elle s'applique à toutes personnes physiques ou morales, publiques ou privées y compris aux requêtes présentées par les ministres. Elle s'applique même lorsque la requête annonçant le mémoire complémentaire a d'abord été introduite à tort devant un tribunal administratif avant d'être transmise au Conseil d'Etat (5) ou quand le mémoire complémentaire n'a été présenté que par l'un des deux requérants qui avaient initialement annoncées conjointement la production du document (6). Le requérant est réputé s'être désisté, que le mémoire complémentaire ne soit pas produit (7) ou qu'il soit produit hors délai (8). La circonstance qu'à l'issue du délai, le requérant ait fait connaître qu'il ne produirait pas de mémoire complémentaire ne fait pas obstacle à l'application de la règle sur le désistement d'office (9). Ce dernier est encouru même si la requête annonçant le mémoire est suffisamment développée pour le rendre inutile ou si le requérant a simplement indiqué qu'il le produirait "le cas échéant" (10).

Lorsque les contentieux sont soumis, comme en l'espèce, à des délais spéciaux pour la production des mémoires complémentaires (CJA, art. R. 611-23), l'application de la règle est d'autant plus rigoureuse dans la mesure où l'instruction du dossier doit être aussi réduite que possible que ce soit en matière de contentieux électoral où le délai est d'un mois (11) ou lorsque le pourvoi en cassation est dirigé contre une décision prise par le juge des référés où le délai est réduit à quinze jours (12). L'interprétation rigoureuse dans la décision d'espèce concernant le délai spécial d'un mois pour les recours sur renvoi de l'autorité judiciaire s'inscrit dans cette logique d'application afin que les délais de procédure qui font attendre le jugement au fond devant l'autorité judiciaire ne s'éternisent pas davantage. Peu importe si la notification du jugement du tribunal administratif comportait l'indication d'un autre délai. Le Conseil d'Etat avait pourtant pu juger déjà que l'erreur commise par le greffe dans l'indication d'un délai de recours rendait inopposable le délai plus bref fixé en la matière (13).

B - Une application mécanique sans recherche de l'intention réelle de l'auteur de la requête sanctionnée par le juge européen

Le texte de l'article R. 611-22 du Code de justice administrative ne prévoit aucun aménagement et est appliqué de manière automatique par le juge sans rechercher l'intention réelle de l'auteur de la requête. Si la jurisprudence varie ainsi au gré des formules employées par les requérants, elle révèle parfois une sévérité excessive dans l'application du mécanisme. Ainsi l'intention de produire un mémoire complémentaire est-elle établie lorsqu'une partie fait état d'un "mémoire ampliatif éventuel" (14) ou déclare se "[réserver] le droit de développer" la requête par un tel mémoire (15) ou encore lorsque le requérant se "réserve le droit d'amplifier le présent recours si besoin est" (16). Ne sont pas, en revanche, considérées comme appelant un mémoire complémentaire le fait que le requérant indique dans ses écritures "qu'il existe encore de nombreux autres motifs d'annulation, lesquels seront explicités ultérieurement" (17), l'annonce de l'intention de produire un mémoire en réplique (18) ou encore les formules telles que "par ces motifs et tous autres à produire, déduire ou suppléer au besoin d'office" (19), "[le requérant se réserve] le droit de produire tout mémoire ou toutes explications complémentaires à l'audience" (20), "le ministre complétera son recours en tant que de besoin" (21), ou encore "il existe encore de nombreux autres motifs d'annulation, qui seront explicités ultérieurement" (22).

Malgré le caractère assez rigide du mécanisme et de la fluctuation de la jurisprudence qui en découle, le Conseil d'Etat a jugé le mécanisme du désistement d'office compatible avec l'article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) (23) de la même façon que celui qui impose au requérant, après le rejet d'une demande de sursis pour absence de moyens sérieux, de confirmer ses conclusions à fin d'annulation (24). Le juge européen n'est pas du même avis puisqu'il a sanctionné la France pour la violation de l'article 6 § 1 de la Convention en raison d'une application trop rigoureuse de la procédure. Si la Cour reconnaît que le droit à un tribunal n'est pas absolu et se prête à des limitations notamment quant aux conditions de recevabilité des recours, les Etats jouissant d'une certaine marge d'appréciation, les restrictions à l'accès au juge doivent respecter un rapport de proportionnalité entre les moyens et le but visé. Une formule d'usage par laquelle un requérant, non juriste, se "réserve le droit d'amplifier le présent recours si besoin est" devant le Conseil d'Etat, ne devrait pas être interprétée comme un cas de désistement d'office de sa requête si ce dernier ne présente pas de mémoire complémentaire ou ampliatif dans le délai prescrit. Le désistement d'office revenait ainsi à lui "imposer une charge disproportionnée qui rompt le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d'autre part, le droit d'accès au juge" (25).

II - Une décision qui apparait sévère au regard des perspectives plus contemporaines ouvertes par le Conseil d'Etat et de la procédure plus souple prévue pour les juges du fond

Si le juge administratif a appliqué de façon assez rigide les règles relatives au désistement d'office et que la décision d'espèce ne déroge pas aux principes ainsi appliqués, il existe aussi une jurisprudence plus souple qui ne cesse, sous l'influence européenne, de s'intensifier (A), influence qui amène à valoriser l'approche plus pragmatique qui existe du côté des juges du fond et qui tend à transposer devant le Conseil d'Etat l'envoi d'une mise en demeure tenant à produire le mémoire complémentaire (B).

A - La souplesse croissante de la jurisprudence du Conseil d'Etat

La décision d'espèce apparaît d'abord sévère par rapport à un certain nombre d'atténuations à la rigueur de la règle du désistement d'office qui ont été apportées depuis la fin des années 1990 par le Conseil d'Etat. Ainsi, le juge a admis la possibilité pour le justiciable de renoncer à produire le mémoire complémentaire annoncé pendant le délai imparti (26) alors que la jurisprudence classique n'ouvrait pas cette possibilité (27). Le Conseil d'Etat est aussi moins exigeant que par le passé en ce qui concerne le contenu du mémoire devant être produit. La formalité étant jugée accomplie lorsque le requérant ne fait que reproduire le contenu de sa requête introductive d'instance, le mémoire complémentaire annoncé étant considéré comme produit bien que son contenu soit identique à celui de la requête introductive d'instance (28). C'est le cas, aussi, lorsque, en appel, il se borne à produire un mémoire se référant à ceux présentés en première instance et dont il joint la copie (29). L'exigence de production du mémoire complémentaire est ainsi, quelque part, vidée de son contenu dans un souci de prévalence de l'accès au juge.

Autre assouplissement notable, celui qui a amené le juge, par la décision "Paris et Mme Orth" (30) à reconnaître que le défaut de production d'un mémoire complémentaire annoncé n'est plus forcément un désistement d'action par lequel le requérant est censé renoncer à toute requête ultérieure ayant le même objet, mais peut être un désistement d'instance par lequel le requérant aurait renoncé seulement à poursuivre ladite instance. En raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache à la décision qui le prononce, une nouvelle demande présentée par le même requérant ayant la même cause et le même objet que celle s'étant conclue sur le désistement d'office ne pouvait auparavant qu'être rejetée (31). Depuis la décision "Paris et Mme Orth", il revient dorénavant au juge saisi d'une telle demande d'apprécier si le désistement dont il avait été donné acte d'office ne revêt pas, au regard des circonstances particulières de l'espèce, le caractère d'un désistement d'instance. Pour déterminer la nature du désistement, les juridictions administratives sont dorénavant invitées à rechercher l'intention réelle du requérant lorsqu'il paraît ne pas souhaiter poursuivre l'action en s'abstenant de produire son mémoire. Il s'agit donc d'une appréciation in concreto de l'omission du requérant qui n'est plus irrémédiablement analysée comme un désistement d'action. Le Conseil d'Etat a confirmé cette nouvelle jurisprudence par l'arrêt "Rigat" en la généralisant à tous les désistements, pas simplement ceux prononcés d'office par le juge (32). Le Conseil d'État consacre ainsi une solution générale qui aligne la procédure administrative contentieuse sur la procédure civile.

A noter aussi, toujours dans le cadre de l'assouplissement, que le juge suprême a, plus récemment, jugé qu'un mémoire motivé présenté par un requérant sans avocat, lequel mémoire contenait des conclusions "sous réserve de tous autres éléments de droit et de fait à produire ultérieurement par mémoire complémentaire, et sous réserve de tout autre recours", ne devait pas être regardé comme annonçant la production d'un mémoire complémentaire (33).

B - La transposition possible de l'exigence de mise en demeure telle qu'établie devant les juges du fond

C'est le juge européen lui-même qui a émis l'hypothèse et observé "que l'objectif poursuivi, à savoir réduire le délai d'instruction des recours, peut-être atteint par des moyens moins rigoureux, tels que l'envoi d'une mise en demeure, comme c'est le cas devant les tribunaux administratifs et cours administratives d'appel [CJA, art. R. 612-5]" (34). La rigidité de la procédure du désistement d'office devant le Conseil d'Etat contraste, en effet, sérieusement avec la souplesse de celle qui existe devant les juges du fond. Devant les tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, le désistement d'office n'est constaté qu'à la suite d'une mise en demeure, non suivie d'effet, de produire le mémoire complémentaire annoncé dans la requête introductive d'instance (CJA, art. R. 612-5). De cette manière, il est mis fin à toute ambiguïté concernant les intentions du requérant puisque celui-ci sera amené à confirmer ou non sa volonté d'introduire un mémoire complémentaire, étant entendu qu'il peut expressément y renoncer avant l'expiration du délai imparti. Le requérant qui a alors renoncé expressément lorsqu'il a été mis en demeure de le produire ne peut être réputé s'être désisté d'office de sa requête (35). Le délai de production du mémoire n'est pas fixé par les textes, il est déterminé par le rapporteur chargé de l'affaire et de son instruction. Dans ce cas, le requérant défaillant est alors réputé s'être désisté s'il n'a pas produit à l'expiration du délai fixé par le rapporteur alors même qu'il a agi avant la clôture de l'instruction (36).

Tout plaide aujourd'hui encore pour qu'il y ait une harmonisation des procédures au niveau des juridictions administratives. Si les raisons du régime applicable au Conseil d'Etat tiennent essentiellement au souci d'éviter l'engorgement du prétoire voire à l'exercice d'une bonne administration de la justice, elles ne paraissent guère défendables aujourd'hui. Ce qui pouvait déjà être contesté à une époque (37) l'est tout autant aujourd'hui (38). Il n'est certes pas contestable que le principe du désistement d'office soit préservé. S'il est normal que celui qui sollicite un mémoire complémentaire supporte le risque d'un désistement en contrepartie s'il ne le produit pas, l'homogénéisation des procédures offre aujourd'hui toutes les garanties nécessaires au respect du droit au juge tout en assurant la maîtrise des délais d'instruction. L'arrêt d'espèce peut s'apparenter à l'utilisation de techniques punitives ou disqualifiantes envers le requérant qui peuvent empêcher l'accès au juge. Si une notification erronée d'un délai de pourvoi est sans incidence sur le respect d'un délai de production d'un mémoire complémentaire, elle reste susceptible d'avoir des conséquences sur le droit d'accès au juge, fut-ce de façon indirecte. S'il est bon parfois de responsabiliser les justiciables, ce n'est pas toujours à eux de payer le plus lourd tribut dans la recherche de l'efficacité de la justice administrative qui plus est lorsqu'elle commet des erreurs.


(1) CJA, art. R. 611-8-1 (N° Lexbase : L9944LAK), tel qu'issu de l'article 17 du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016, portant modification du Code de justice administrative (partie réglementaire) (N° Lexbase : L9758LAN), JO, 4 novembre 2016, texte n° 16.
(2) Décret n° 81-29 du 16 janvier 1981, modifiant le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963, portant règlement d'administration publique pour l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945 et relatif à l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'Etat, JO, 18 janvier 1981, p. 275.
(3) Le délai de trois mois remplace le délai initial de quatre mois depuis le décret n° 2006-964 du 1er août 2006, modifiant la partie réglementaire du Code de justice administrative (N° Lexbase : L4521HKN), JO, 3 août 2006, p. 11570.
(4) Non application de l'article 1023 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5868ICC) devant le Conseil d'Etat : CE, 13 janvier 1984, n° 50187 (N° Lexbase : A6296ALR), Tables, p. 709 ; CE, 14 février 2007, n° 293523 (N° Lexbase : A6810DUR).
(5) CE, 26 juin 1985, n° 49501 (N° Lexbase : A3526AMK), Tables, p. 734 ; le délai ne courant qu'à la date d'enregistrement au Conseil d'Etat si l'ordonnance de renvoi a bien été notifiée au requérant (CJA, art. R. 351-2 N° Lexbase : L2020K9P).
(6) CE, 6 février 1998, n° 169700 (N° Lexbase : A6380AS4).
(7) Par ex. : CE, 6 novembre 1985, n° 64270 ou CE, 4 novembre 2009, n° 328939.
(8) CE, 23 juin 2008, n° 304541 (N° Lexbase : A3552D9G).
(9) CE, 22 novembre 1989, Dame Fene, D. 1991, somm., p. 144, obs. F. Llorens et P. Soler-Couteaux.
(10) CE, 13 mai 1987, n° 82389 (N° Lexbase : A3757APT), Tables, p. 886.
(11) CE, 29 novembre 1989, n° 107077 (N° Lexbase : A2178AQQ), Tables, p. 856.
(12) CE, 17 mai 1999, n° 197113 (N° Lexbase : A4180AX4).
(13) CE Sect., 26 mars 1993, n° 117557 (N° Lexbase : A9076AM4) ou CAA Paris, 8 octobre 1993, n° 92PA00546 (N° Lexbase : A8876BH9), AJDA, 1993, p. 870, concl. V. Albanel.
(14) CE, 15 septembre 1995, n° 132120 (N° Lexbase : A5390ANX).
(15) CE, 6 mars 2000, n° 182780, 192164 (N° Lexbase : A4160B79) et CE, 1er octobre 1993, n° 129350 (N° Lexbase : A0831AN4).
(16) CE, 13 février 2004, n° 241093 (N° Lexbase : A3389DB7).
(17) CE, 21 octobre 1994, n° 138078 ([LXB=A3354ASZ ]), Tables, p. 1121.
(18) CE, 20 novembre 1996, n° 176551 (N° Lexbase : A1957AP8), Tables, p. 1097.
(19) CE, 18 décembre 1996, n° 156270 et n° 156543 (N° Lexbase : A2256APA), Rec. CE, p. 497.
(20) CE, 23 février 1994, n° 125663 (N° Lexbase : A9821AR8), Tables, p. 1121.
(21) CE, 22 avril 1988, n° 62469 (N° Lexbase : A8069APK).
(22) CE, 21 octobre 1994, n° 138078 (N° Lexbase : A3354ASZ), Tables, p. 1121.
(23) CE, 10 octobre 1997, n° 136605 (N° Lexbase : A4497ASD), Rec. CE, p. 345 et CE, 9 octobre 2002, n° 239719 (N° Lexbase : A2951A3P).
(24) CE, 29 juillet 1998, n° 188715 (N° Lexbase : A8092ASI), Rec. CE, p. 313, AJDA, 1998, p. 1010, concl. Schwartz.
(25) CEDH, 15 janvier 2009, Req. 24488/04 (N° Lexbase : A3583ECP), § 49, AJDA, 2009, p. 547, note B. Pacteau, JCP éd. A, 2009, n° 2057, note D. Bailleul.
(26) CE Sect., 26 juillet 1996, n° 160269 (N° Lexbase : A0429APL), Rec. CE, p. 312, LPA, 1996, octobre, n° 122, note B. Pacteau.
(27) CE, 5 novembre 1982, n° 16452 (N° Lexbase : A9137AKM), Rec. CE, p. 369 ; CE Sect., 17 mai 1985, n° 54273 (N° Lexbase : A3194AMA), Rec. CE, p. 156, AJDA, 1985, p. 630, note O. Gohin et LPA, 1985, 18 octobre, note B. Pacteau.
(28) CE, 9 juillet 1997, n° 179047 ([LXB=A1034AEZ ]), Tables, p. 1009, LPA, 1998, mars, n° 33, note B. Pacteau.
(29) CE, 21 février 1997, n° 118902 (N° Lexbase : A8282AD4), Tables, p. 1009.
(30) CE, 19 octobre 2007, n° 289551 (N° Lexbase : A7871DY8), Rec. CE, p. 428, JCP éd. G, 2008, II, n° 10003, note D.Bailleul, AJDA, 2007, p. 2007, obs. C. Biget.
(31) CE Sect., 29 janvier 1932, Janson, Rec. CE, p. 128, D., 1933, 3, jurispr. p. 11, concl. R. Latournerie ; CE Sect., 24 mai 1957, Caffot, Rec. CE, p. 341 ; CE, 22 juillet 1992, n° 66419, 114410 (N° Lexbase : A7498AR7), Tables, p. 1224.
(32) CE Sect., 1er octobre 2010, n° 314297 (N° Lexbase : A2227GB4), Rec. CE, p. 352, JCP éd. A, 2010, n° 2350, note L. Erstein, AJDA, 2010, p. 2202, chron. D. Botteghi et A. Lallet.
(33) CE, 5 juillet 2013, n° 356660 (N° Lexbase : A4582KIK), Tables, p. 775 qui revient sur CE, 13 mai 1997, n° 82389, préc. et CE, 1er octobre 1993, n° 129350, préc..
(34) CEDH, 15 janvier 2009, Req. 24488/04 préc., cons. n°s 19 et 48.
(35) CAA Lyon, 22 septembre 1992, n° 90LY00778 (N° Lexbase : A3499A84), Tables, p. 1224 ; CE Sect., 26 juillet 1996, n° 160269 (N° Lexbase : A0429APL), Rec. CE, p. 312, LPA, 1996, octobre, n° 122, note B. Pacteau.
(36) CE Sect., 19 novembre 1993, n° 119389 (N° Lexbase : A1153ANZ), Rec. CE, p. 326 ; CE, 29 décembre 1997, n° 138762 (N° Lexbase : A5430ASW), Tables, p. 1008 ; CE, 15 février 1999, n° 162485 ([LXB=A4521AXQ ]).
(37) Voir en ce sens, déjà en 2009, D. Bailleul, Le désistement d'office devant le Conseil d'Etat et la Cour européenne des droits de l'Homme : remise en cause d'un archaïsme, JCP éd. A, 2009, n° 2057 ou B. Pacteau, Le désistement d'office en contentieux administratif. Regards et reproches de la Cour européenne, AJDA, 2009, p. 547.
(38) Egalement en ce sens, par ex., P. Caille, Contentieux administratif, Revue générale du droit on line, 2017, n° 26148.

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