La procédure disciplinaire mise en place par l'employeur à l'égard d'un salarié, consécutivement aux plaintes de trois collaboratrices victimes d'attouchements à caractère sexuel, a pu avoir un impact psychologique sur le salarié mais ne peut pour autant donner lieu à la prise en charge de son suicide en tant qu'accident de travail en l'absence de lien direct, certain et évident avec le dispositif disciplinaire. Telle est la solution retenue par la cour d'appel de Lyon dans un arrêt rendu le 27 juin 2017 (CA Lyon, 27 juin 2017, n° 16/03059
N° Lexbase : A6699WKC).
Dans cette affaire, un agent de la SNCF est convoqué à un entretien avec le directeur des services des ressources humaines qui l'informe qu'une enquête interne est en cours, suite à des plaintes d'agents féminins faisant état d'attouchements à caractère sexuel de sa part. Une mesure conservatoire d'affectation à d'autres fonctions lui est notifiée et une convocation devant le comité éthique de la SNCF lui est adressée. A l'issue de deux jours de repos, le salarié se jette sur les voies de chemin de fer devant un train qui l'a percuté et il décède.
La caisse de prévoyance de retraite du personnel de la SNCF a refusé de reconnaître le décès du salarié au titre de la législation des accidents du travail au motif que le suicide en dehors du temps et du lieu de travail ne bénéficie pas de la présomption d'imputabilité. L'épouse du salarié saisit alors le tribunal des affaires de Sécurité sociale afin d'obtenir la reconnaissance du caractère professionnel du décès de son époux. Elle soutient que la véritable cause du suicide est intervenue alors qu'une procédure disciplinaire à charge était diligentée à l'encontre de son époux à qui il n'a pas été donné les moyens de se défendre contre les accusations qui étaient portées contre lui. Le tribunal juge que le suicide du salarié doit être pris en charge au titre de la législation professionnelle. La caisse de prévoyance et de retraite SNCF a interjeté appel de la décision.
Enonçant la solution précitée, la cour d'appel infirme le jugement du tribunal des affaires de la Sécurité sociale. La cour émet l'hypothèse que le salarié, qui devait rencontrer le jour même son délégué syndical pour préparer la réunion où il devait s'expliquer sur les faits reprochés, a pu soudain réaliser qu'il n'avait plus d'échappatoire et devrait répondre de ses actes sur le plan professionnel et pénal, sans compter les incidences familiales et personnelles. D'ailleurs, le mot d'adieu laissé dans son véhicule n'objective pas qu'il subissait injustement une procédure disciplinaire de la part de son employeur. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'épouse du salarié ne démontre pas que ce sont les conditions de travail effectives et les conditions de la procédure disciplinaire mises en oeuvre qui ont conduit son époux à se suicider (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E3014ETS).
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