En matière d'entente, le droit de voir juger une affaire dans un délai raisonnable par le Tribunal de l'Union européenne, consacré dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE, a été violé en raison de la durée excessive de la procédure qui s'est élevée à près de cinq ans et neuf mois et ne peut être justifiée par aucune des circonstances propres à ces affaires et a ainsi causé à la fois un préjudice matériel (paiement de frais de garantie bancaire) et un préjudice immatériel (état d'incertitude dans lequel les deux sociétés se sont retrouvées). Tel est le sens d'un arrêt rendu par le Tribunal de l'Union européenne le 10 janvier 2017 (TPIUE, 10 janvier 2017, aff. T-577/14
N° Lexbase : A4927S4A). En particulier, le Tribunal relève que, en matière de concurrence (un domaine qui présente un degré de complexité supérieur à celui d'autres types d'affaires), une durée de quinze mois entre, d'un côté, la fin de la phase écrite de la procédure et, de l'autre, l'ouverture de la phase orale de la procédure constitue en principe une durée appropriée. Or, en l'espèce, une durée d'environ 3 ans et 10 mois, soit 46 mois, a séparé ces deux phases. Néanmoins, le Tribunal considère que le traitement parallèle d'affaires connexes peut justifier un allongement de la procédure, d'une durée d'un mois par affaire connexe supplémentaire. Ainsi, en l'espèce, le traitement parallèle de 12 recours dirigés contre la même décision de la Commission a justifié un allongement de la procédure de 11 mois dans les affaires. Le Tribunal en conclut qu'une durée de 26 mois (15 mois plus 11 mois) entre la fin de la phase écrite de la procédure et l'ouverture de la phase orale de la procédure était appropriée pour traiter les affaires, étant entendu que le degré de complexité factuelle, juridique et procédurale de ces affaires ne justifie pas de retenir une durée plus longue. Il s'ensuit que la durée de 46 mois qui a séparé la fin de la phase écrite de la procédure et l'ouverture de la phase orale de la procédure laisse apparaître une période d'inactivité injustifiée de 20 mois dans chacune des deux affaires précitées. Par ailleurs, l'une des sociétés a subi un préjudice matériel réel et certain qui résulte du fait que, au cours de la période d'inactivité injustifiée du Tribunal, elle a subi des pertes en raison des frais qu'elle a dû payer au titre de la garantie bancaire dont elle n'aurait pas dû s'acquitter si la procédure n'avait pas dépassé le délai raisonnable de jugement. En outre, la méconnaissance du délai raisonnable de jugement dans ces affaires a été de nature à plonger les deux sociétés dans une situation d'incertitude qui a dépassé l'incertitude habituellement provoquée par une procédure juridictionnelle qui doit être réparé par le versement d'une indemnité de 5 000 euros à chacune des sociétés en tant que réparation du préjudice immatériel.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable