Le 13 juillet 2010 (Cass. com., 13 juillet 2010, n° 09-67.439, FS-P+B
N° Lexbase : A6869E48), la Chambre commerciale de la Cour de cassation a censuré l'arrêt rendu le 9 juin 2009 par la cour d'appel de Paris (CA Paris, 1ère ch., sect. H, 9 juin 2009, n° 2008/20337
N° Lexbase : A0519EI3), mais seulement en ce qu'il a rejeté le recours formé par M. P, en qualité de liquidateur de la société Vedettes inter-îles vendéennes (VIIV) contre la décision n° 04-D-79 du 23 décembre 2004 du Conseil de la concurrence (
N° Lexbase : X7014ACR). L'affaire remonte à 2001, date à laquelle la société VIIV a dénoncé les pratiques tarifaires mises en oeuvre par la Régie départementale des passages d'eau de la Vendée (devenue depuis la Compagnie Yeu Continent). Pour mémoire, la Régie départementale assure, avec deux ferries et une vedette, une liaison maritime régulière entre La Fromentine et l'île d'Yeu. La Société VIIV, qui exploite pendant la saison estivale un service de vedette rapide entre deux ports de Vendée et l'île d'Yeu, accusait la Régie départementale d'avoir fixé le prix des passages à des niveaux très bas, inférieurs à ses coûts de revient réels. Elle faisait valoir le fait qu'une entreprise, chargée d'une mission de service public, qui utilise sa position dominante pour fausser le jeu de la concurrence sur un marché concurrentiel, en pratiquant des prix prédateurs, contrevient aux dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce (
N° Lexbase : L3778HBK), qui prohibe les abus de position dominante. Après un long périple judiciaire, il appartenait donc à la Chambre commerciale de se prononcer sur la décision des juges parisiens. Or, les griefs sont nombreux :
- la cour d'appel n'a pas recherché si les services de transports de passagers entre l'île d'Yeu et le continent proposés par la Régie et la société VIIV durant la période estivale étaient considérés par les voyageurs comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de leur usage ;
- la cour d'appel a pris en compte, au stade de la délimitation du marché pertinent, des éléments relevant de l'appréciation de l'abus reproché à la Régie consistant à pratiquer des prix prédateurs dans le cadre de ses activités concurrentielles, au lieu de se déterminer au regard de critères de substituabilité admis par la doctrine économique et adoptés par la jurisprudence ;
- enfin, pour déterminer un éventuel abus de position dominante, les juges du fond ont rejeté les tests utilisés par les instances européennes dans la décision "Akzo" (CJCE, 3 juillet 1991, aff. C-62/86, AKZO Chemie BV c/ Commission des Communautés européennes
N° Lexbase : A5056C97) alors que ces tests ont précisément vocation à permettre de calculer le coût auquel doit être comparé le prix pratiqué sur le marché concurrentiel par l'entreprise exerçant, par ailleurs, une mission de service public. Ce faisant, ils ont violé l'article L. 420-2 du Code de commerce.
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