La lettre juridique n°389 du 31 mars 2010 : Associations

[Questions à...] Présentation du colloque sur le droit des femmes en France - Questions à Nathalie Leroy, avocate associée de la SCP Lefevre Chevalier & associés et administratrice de l'Association française des femmes juristes (AFFJ)

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[Questions à...] Présentation du colloque sur le droit des femmes en France - Questions à Nathalie Leroy, avocate associée de la SCP Lefevre Chevalier & associés et administratrice de l'Association française des femmes juristes (AFFJ). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212594-questions-a-presentation-du-colloque-sur-le-droit-des-femmes-en-france-questions-a-b-nathalie-leroy-
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par Anne Lebescond, Journaliste juridique

le 07 Octobre 2010



Nathalie Leroy, avocate associée de la SCP Lefevre Chevalier & associés et administratrice de l'Association française des femmes juristes (AFFJ), a pris l'initiative d'organiser un colloque sur le droit des femmes en France, qui s'est tenu à Lille le 8 mars 2010, jour de la célébration internationale de la Femme (Lire Etat des lieux du droit des femmes en France et en Europe, Lexbase Hebdo n° 25 du 1er avril 2010 - édition professions N° Lexbase : N7172BNX). Celle-ci a accepté de nous exposer plus en détail l'action de l'AFFJ, les motivations qui l'ont poussée à organiser cet événement, ainsi que ses espoirs et attentes quant à la reconnaissance en France, en Europe et dans le monde, d'une véritable égalité entre les hommes et les femmes.


Lexbase : Pouvez-vous nous présenter l'AFFJ ?

Nathalie Leroy : L'AFFJ a été créée en 2001, sous l'impulsion de Dominique de la Garanderie, première femme Bâtonnier de Paris.

Elle constitue un réseau français, européen et international d'éminentes juristes de tous les horizons, (professeurs de droit, juristes d'entreprises, conseillères d'Etat, notaires, magistrates, avouées, avocates, etc.).

Apolitique, l'association a pour objet de veiller à l'effectivité du droit des femmes, aussi bien dans leur vie professionnelle, civile, sociale, économique et politique, de "pousser" et de soutenir les femmes au sein des organisations et instances nationales et internationales. A cette fin, nous renforçons les liens et les échanges entre les femmes juristes dans le monde (nous travaillons, notamment, beaucoup avec l'European women lawyers association - EWLA) et nous contribuons activement aux actions et aux politiques menées sur le plan européen.

Depuis sa création, notre association a participé à de nombreuses actions (cf. la plaquette de l'AFFJ). Nous avons, en particulier, soutenu les motions concernant les femmes dans tous les pays où leurs droits fondamentaux sont bafoués.

Dernièrement, nous nous sommes lancées dans un lobbying, afin que les hommes cessent de cumuler de nombreux mandats au sein des conseils d'administration des sociétés cotées et laissent plus de sièges aux femmes.

Lexbase : Comment vous est venue l'idée d'organiser ce colloque ?

Nathalie Leroy : Bien que l'Association soit implantée à Paris et qu'une grande partie de son action se déroule en Ile-de-France, sa dimension est nationale et internationale. Nous tenons à garantir une dynamique forte sur l'ensemble du territoire. Des actions doivent, donc, être menées en province.

Ma récente installation à Lille me donne l'occasion de développer l'AFFJ dans cette région et l'idée m'est naturellement venue d'organiser dans cette ville ce premier colloque dédié aux droits des femmes.

Le thème m'était cher. A ma grande surprise, j'ai constaté qu'aucun point sur cette question n'a, jusqu'alors, réellement été fait. Je n'ai connaissance que d'un seul ouvrage très bref récapitulant les droits des femmes. Il m'apparaissait impératif de dresser un état des lieux à un instant "T". Car comment prétendre améliorer un système que l'on n'appréhende pas ?

Lexbase : Pourquoi un partenariat avec Sciences-Po Lille ?

Nathalie Leroy : Choisir Lille s'est d'autant plus imposé que Sciences -Po Lille acceptait d'être partenaire de l'événement.

Cette collaboration était opportune pour nous tous : la prestigieuse école aspire à développer des partenariats dans le domaine du droit, en particulier, avec les avocats, et leur approche enrichit la matière juridique des tenants politiques, sociologiques et économiques.

Nous avons prévu de continuer à travailler ensemble pour l'édition du prochain colloque, en 2011.

Lexbase : Les droits des femmes ont été abordés sous l'angle de trois thématiques : le droit civil, le droit social et la politique. Pourquoi avoir choisi ces trois thèmes ? Quelles matières pourraient être abordées lors de la prochaine édition du colloque ?

Nathalie Leroy : Ces thèmes ont été choisis de façon totalement arbitraire !

Plus sérieusement, bien que je puisse le regretter, la question du droit des femmes est si vaste qu'il faudrait y consacrer plusieurs journées. Si nous voulons faire un point exhaustif de la situation, il est impératif d'analyser chacune des matières juridiques dans lesquelles ces droits ont vocation à s'appliquer, or celles-ci sont nombreuses.

Nous avons, donc, choisi de nous concentrer sur les disciplines essentielles et qui faisaient l'objet d'une actualité importante. Se sont, alors, imposés :

- le droit social, parce qu'il s'agit d'un droit en mouvance permanente et dont une grande partie des problématiques (stress et souffrance au travail, harcèlement, etc.) touchent particulièrement les femmes ; par ailleurs, une échéance importante est fixée, au 31 décembre 2012, les salaires des femmes dans les entreprises devront être alignés sur celui des hommes ;

- le droit civil, qui a récemment connu la réforme du divorce, et qui est le pilier du droit, celui qui régit la plupart des aspects de notre vie ;

- et la politique, marquée, alors, par la campagne des élections régionales.

Nous estimons que trois éditions du colloque seront nécessaires pour dresser un état des lieux complet des droits des femmes en France.

Pour l'heure, nous avons identifié un sujet qu'il nous tient beaucoup à coeur de développer au cours de la deuxième édition, celui de la solidarité fiscale entre époux. Il s'agit, à mon sens d'une véritable zone de non-droit, dans la mesure où un époux peut être responsable des dettes fiscales de sa femme ou de son mari, ceci, quel que soit le contrat de mariage et alors même que le conjoint n'a rien à se reprocher. La situation est d'autant plus scandaleuse que le dernier recours permis est celui du recours gracieux, dans le cadre duquel la libre appréciation de l'administration fiscale fait loi.

Lexbase : Quelle conclusion pour cette journée d'échanges quant à la place de la femme dans notre société ?

Nathalie Leroy : Je constate, en premier lieu, que l'événement a réuni plus de deux cent participants, dont, parmi eux, beaucoup d'hommes. Je suis agréablement surprise par leur présence, qui témoigne de leurs préoccupations sur la question de la protection des femmes et de leur place dans notre société. Preuve que les choses évoluent.

Les travaux étaient d'autant plus intéressants que tous les sujets ont été abordés et approfondis en toute neutralité, sans aucune revendication déplacée. A la lumière de ceux-ci, il est évident que le droit des femmes est en marche. Le chemin risque, cependant, d'être encore long. Nombreux sont les textes qui ne sont pas encore conformes ou qui ne sont pas encore appliqués conformément.

Pour ma part, bien évidemment, je n'ai qu'un seul souhait : voir cette manifestation tomber en désuétude rapidement. Mais, je reste réaliste, tant les combats sont nombreux. René Despieghelaere, Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Lille, a mentionné en conclusion du colloque, l'ouvrage d'Elisabeth Badinter, publié début 2010 et intitulé Le conflit : la femme et la mère. Elle y constate un déclin inquiétant des droits de la femme et dénonce, en particulier, le retour en force d'une idéologie naturaliste, tendant à la confiner à son seul rôle de mère.

Indéniablement, la pression que la société impose aux femmes aujourd'hui et la culpabilité qui, pour elles en découle, sont encore "énormes".

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