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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Rassurez-vous, je vous ferais grâce de l'historique des conquêtes féminines : oubliant pêle-mêle le droit de vote (tardif) des femmes en France, le droit des femmes à disposer de leurs corps, Simone de Beauvoir, l'émancipation professionnelle des femmes, Gisèle Halimi, la loi sur la parité et la dernière "trouvaille" en faveur de l'égalité, toute juridique, des hommes et des femmes, la proposition de loi relative à la représentation des femmes dans les conseils d'administration et de surveillance... la belle affaire, la grande Révolution !
Tout cela n'aurait pour utilité que d'ouvrir les yeux des récalcitrants ; mais j'ose croire, comme André Frossard, que "l'égalité des sexes est acquise en droit. Certains hommes s'étonnent encore que les femmes exercent les mêmes fonctions qu'eux, mais je suppose que c'est par modestie".
Je dis "modestie", parce qu'il s'agit bien d'une certaine retenue dans la manière de penser et de parler... de soi, de nous les hommes, quoi ! Quelle propension à ramener tout à soi : la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, la Déclaration universelle des droits de l'Homme, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme... en portant la majuscule sur le sujet de droit, les hommes pensaient s'en tirer à bon compte et englober dans leurs sillons, les femmes, sans dénier les nommer précisément. Quelle gageure, quel manquement à la bienséance ! Pourquoi ? Et bien parce que l'Homme, c'est l'humanité, Candide ! L'Homme regroupe à la fois les hommes et les femmes ! Le neutre ayant disparu sous la France de Villers-Cotterêts, nous étions mûrs pour faire disparaître le genre féminin, autant que faire ce peut... jusqu'à ce que la ministre, la sous-préfète et la mairesse fassent leur apparition. Pour autant, malgré les mouvements féministes et les conquêtes indéniables en faveur de l'égalité, est-ce là les fruits du succès escompté ?
Et, on ne peut pas dire que les Lumières furent totalement éclairés pour nous porter secours dans cette affaire ; en oubliant, tout simplement, d'insuffler, au-delà des lois, mais dans les esprits la liberté des femmes. Remplaçant un vieux barbu sur son nuage par un Etre suprême, la laïcité aura feint de masquer l'inégalité homme-femme pendant plus d'un siècle. Car, si l'on en croit Nietzsche, l'idée d'égalité entre homme et femmes est un préjugé chrétien ! Le christianisme reconnaissant l'égalité des âmes et des personnes ! La religion au service de l'égalité homme-femme... Le monde, tel qu'il nous est pré-mâché, à l'envers, quoi !
Allez, je ne vous fais pas plus languir : il en va du Droit des femmes, comme de celui des minorités ethniques, des minorités visibles, des communautés religieuses non ancrées dans l'Histoire d'un pays. Ce droit est "nécessairement" octroyé par le genre (non majoritaire, pourtant) dominant, ou qui se croit comme tel : l'homme -occidental tant qu'à faire-. Même le Droit des "Autres", de l'alter, se définit par rapport à l'ego, au soi masculin ; à l'image de cette universalité des droits fondamentaux occidentaux qui a maille à partir avec la surdité outrancière des civilisations africaines et orientales -les trois-quarts du monde en sorte-. Et, à l'image de ce bon Louis XVIII "octroyant" une Charte constitutionnelle à son "bon" peuple, à la Restauration, oubliant la Révolution et l'Empire, l'homme s'anoblit d'un "H" majuscule et octroie aux femmes les mêmes droit que les siens... pas moins, mais pas plus, non plus... et surtout pas de nature différente...
Le fondement de l'inégalité relève de la modestie des hommes, vous dis-je ! Elle relève de la pudeur, de la décence, de l'intimité. Elle est, là, bien accrochée à sa roche tarpéienne... au bord du précipice des chambres à coucher, mais toujours aux aguets, en ce début de XXIème siècle. Il n'y a plus qu'à l'y pousser définitivement. Mais, pour cela, point besoin de mouvements féministes ; toutes les suffragettes du monde ne pourront allez dans les cuisines des couples socialisés dans l'inégalité. C'est une Révolution des mentalités dont l'Egalité à besoin.
"Une femme qui se croit intelligente réclame les mêmes droits que l'homme. Une femme intelligente y renonce" écrivait, avec toute la provocation qu'on lui connaissait, Colette. Pourquoi un tel renoncement ? Parce qu'il n'est plus temps du Droit des femmes, de celui calqué sur une humanité aux empreintes masculines, mais il l'heure de l'avènement des droits de la Femme : les droits politiques, les droits civils, les droits sociaux, les droits à l'intégrité physique et moral, les droits d'expression... mais aussi le droit d'être une femme active, administratrice d'une SA, une femme engagée dans le combat associatif, une femme mère de trois enfants (dépassant le modèle bourgeois du XIXème siècle), une femme "cougar"... pis encore : tout à la fois !
Aujourd'hui, en mettant l'accent sur le Droit, les hommes segmentent les femmes en plusieurs vies, plusieurs destins. On ne peut pas, sur le devant de la scène, "octroyer " -bien qu'arraché- l'égalité juridique et la promotion de la féminisation de la société civile, pour si tôt à la maison, reprendre les "bonnes" vieilles habitudes patriarcales... Finis les mouvements féministes, vous dis-je... la Révolution des mentalités ! L'acceptation de la différence des sexes, de l'égalité des rôles sociaux et professionnels dans la diversité des approches, une combinaison savante entre le respect de la nature singulière féminine et la féminisation plurielle des sociétés civiles et économiques. La communautarisation des femmes par l'octroi de droits éparses concoure à une sous-espèce d'égalité et dont l'exercice combinatoire relève des travaux d'Hercule. Ce n'est pas, à mon sens, à l'image de la communautarisation ethnique et religieuse, l'essence d'une Humanité une et indivisible. C'est une Déclaration d'indépendance, des droits et des libertés que les femmes doivent s'octroyer à elle-même, afin de réussir la combinaison de leurs aspirations personnelles, professionnelles et politiques. "Aide toi et le ciel t'aidera"...
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