La lettre juridique n°389 du 31 mars 2010 : Collectivités territoriales

[Jurisprudence] Chronique de droit des collectivités territoriales - Mars 2010

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N7182BNC

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

le 21 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit des collectivités territoriales, rédigée par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz. Trois arrêts du Conseil d'Etat rendus au mois de mars 2010 sont mis en évidence. Le premier arrêt affirme qu'un projet de fermeture d'une section de voie ferrée peut être décidé de bon droit par la commission permanente d'un conseil général, la délégation donnée par délibération du conseil pouvant couvrir l'ensemble des affaires relevant de sa compétence qui ne sont pas réservées par la loi à l'assemblée délibérante (CE 2° et 7° s-s-r., 2 mars 2010, n° 325255, Réseau Ferré de France, mentionné aux tables du recueil Lebon). Le deuxième arrêt pose comme principe qu'une commune peut être contrainte de communiquer à un syndicat les arrêtés individuels d'attribution du régime indemnitaire de ses agents après simple occultation des mentions à caractère nominatif (CE 9° et 10° s-s-r., 10 mars 2010, n° 303814, Commune de Sète, publié au recueil Lebon). Enfin, le troisième arrêt confirme la révocation de l'ancien maire d'Hénin-Beaumont qui, malgré les nombreux avis et recommandations des autorités de contrôle, s'est rendu responsable de l'importante dégradation de la situation financière de sa commune (CE 2° et 7° s-s-r., 2 mars 2010, n° 328843, M. Dalongeville, publié au recueil Lebon).
  • La commission permanente d'un conseil général est compétente pour décider de la fermeture d'une section de voie ferrée (CE 2° et 7° s-s-r., 2 mars 2010, n° 325255, Réseau Ferré de France, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6451ESQ)

Alors que le législateur procède à une refonte partielle de nombreuses règles d'organisation et de fonctionnement des institutions locales (1), le Conseil d'Etat s'est prononcé sur l'étendue des compétences que le conseil général peut déléguer à sa commission permanente. La Haute juridiction était saisie par Réseau ferré de France d'un recours contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui avait annulé une décision de fermeture de ligne (2). La cour avait jugé irrégulier l'avis donné par le conseil général de la Gironde au motif qu'il émanait de la commission permanente agissant sur le fondement d'une délégation de compétence illégale. Aux termes de l'article L. 3211-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2444IEA), le conseil général peut déléguer une partie de ses attributions à la commission permanente, à l'exception de celles visées aux articles L. 3312-1 (N° Lexbase : L3110HPU) et L. 1612-12 (N° Lexbase : L9572DNT) à L. 1612-15 du même code, lesquels portent sur l'adoption du budget et des comptes, l'arrêté des comptes, la transmission du compte administratif au représentant de l'Etat, l'adoption de mesures de redressement en cas d'exécution en déficit du budget, et l'inscription au budget des dépenses obligatoires. Cette disposition, selon la cour de Bordeaux, ne permet pas la délégation de toutes les attributions du conseil général pour lesquelles la loi ne l'interdit pas (3). Le Conseil d'Etat juge, au contraire, "qu'eu égard tant à son objet, qui est d'assurer la continuité des fonctions de l'organe délibérant du département, qu'à sa portée, qui ne dessaisit pas le conseil général de ses attributions, la délégation ainsi prévue permet au conseil général d'habiliter la commission permanente à statuer sur toute affaire étrangère aux attributions visées aux articles L. 3312-1 et L. 1612-12 à L. 1612-15". En ce sens, Réseau ferré de France a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, décider la fermeture de la section de ligne en cause où le trafic avait cessé depuis décembre 1980, alors qu'aucune perspective de reprise n'était prévue.

L'on peut rappeler que la commission permanente a pour mission de statuer sur les affaires courantes du département, en assurant la permanence de l'assemblée départementale qui lui donne délégation entre chaque réunion ou session. Elle n'a que peu d'attributions propres, l'essentiel de ces compétences étant délégué par le conseil général. Ce dernier peut déléguer ses attributions à la commission permanente, sous réserve de deux exceptions : le budget (examen et vote du budget, procédure de contrôle budgétaire) et l'arrêté des comptes. Il ne peut le faire, au surplus, qu'à condition de ne pas déléguer toutes ses attributions, ce qui implique une délibération énumérative du conseil général et une liste précise des attributions concernées. Ainsi, une délibération portant délégation de compétence à la commission permanente ne peut se contenter d'indiquer qu'"elle renouvelle les délégations de pouvoir antérieurement données" (4). Il a, également, été jugé que, s'agissant du degré de précision de la délégation consentie, il pouvait s'agir de catégories de décisions, et non pas seulement de décisions ponctuelles (5).

Les juges d'appel ont déclaré la délégation irrégulière dans la mesure où elle couvrait l'ensemble des affaires relevant de la compétence du conseil général qui ne sont pas réservées par la loi à l'assemblée délibérante ou au président du conseil général, confirmant en cela une jurisprudence constante. La délégation de compétence ne doit pas être totale, le déléguant peut transférer une partie seulement de ses attributions. La délégation doit, en outre, toujours être faite avec une "précision suffisante" quant à l'étendue des compétences déléguées (6). Le Conseil d'Etat a jugé, au contraire, que la délégation ne dessaisissait pas le conseil général de ses attributions, la délégation prévue permettant d'habiliter la commission permanente à statuer sur toute affaire étrangère aux attributions concernant le budget et l'arrêté des comptes. Il y a là une interprétation assez large du juge suprême, mais qui s'inscrit parfaitement dans la continuité du travail accompli par le Comité pour la réforme des collectivités locales (7), qui avait rendu son rapport au Président de la République le 5 mars 2009. Celui-ci préconisait le développement des mécanismes de délégations de compétences pour ne pas occulter les réalités locales, quels que soient les textes attribuant une compétence.

  • Une commune peut être contrainte de communiquer à un syndicat la copie de l'ensemble des arrêtés individuels d'attribution du régime indemnitaire applicable au personnel communal (CE 9° et 10° s-s-r., 10 mars 2010, n° 303814, Commune de Sète, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1594ET9)

Par délibération en date du 16 décembre 2003, le conseil municipal de la ville de Sète a institué un complément de traitement distinct des autres éléments de rémunération pour les fonctionnaires territoriaux de la ville. Selon cette délibération, les attributions individuelles fixées par le maire dans ce régime indemnitaire tiennent compte de la qualité du service rendu, de la fonction d'encadrement, des responsabilités exercées, ainsi que des contraintes liées à la fonction. Sur le fondement de l'article L. 2121-26 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7152G9R), le syndicat CGT "cadres et employés des fonctionnaires territoriaux" de la ville a demandé à cette commune de lui communiquer copie de l'ensemble des arrêtés individuels d'attribution aux agents de la commune des primes régies par cette délibération. Cette communication a été refusée par le maire de Sète, au motif que la demande du syndicat soulèverait des difficultés matérielles pour la satisfaire en raison du nombre élevé de documents en cause. Pour le Conseil d'Etat, les arrêtés individuels, notamment ceux qui sont relatifs aux agents de la commune, et contrairement à ce que soutient la commune, sont au nombre des arrêtés municipaux dont la communication peut être obtenue sur le fondement de l'article L. 2121-26 précité. Cependant, les arrêtés fixant le montant des primes, lesquelles comportent une part modulable en fonction de la manière de servir, contiennent une appréciation sur le comportement des fonctionnaires concernés. Par suite, ces arrêtés ne peuvent être communiqués qu'après occultation de la mention du nom des intéressés et, le cas échéant, des autres éléments permettant d'identifier la personne concernée. Le syndicat est donc fondé à demander l'annulation de la décision du maire refusant de lui communiquer les arrêtés individuels d'attribution des primes.

De prime abord, tous les documents qui traitent de la situation individuelle des fonctionnaires territoriaux présentent le caractère de documents administratifs soumis aux dispositions de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (8). En application de cette loi, l'accès des tiers est possible lorsque les documents ne font état que de la situation statutaire et objective de l'agent (fonctions, adresse administrative, indice...), en dehors de toute considération liée à sa personne ou à sa manière de servir. Dans les faits, cet accès se trouve souvent limité par la nécessité de soustraire à leur curiosité les éléments de vie privée et d'appréciation le concernant. Cependant, dans certains cas, des textes spécifiques leur ouvrent un accès beaucoup plus étendu. Le régime de communication d'un arrêté ne sera pas le même selon l'administration qui en est l'auteur. Si l'arrêté émane d'un service de l'Etat (ministère, préfecture ou autre), c'est la loi du 17 juillet 1978 qui s'applique, l'arrêté ne pouvant être communiqué à un tiers qu'après occultation des mentions protégées. Si, en revanche, l'arrêté émane d'une collectivité territoriale, c'est alors l'article L. 2121-26 du Code général des collectivités territoriales qui s'applique. Or, cet article ne prévoit la possibilité d'occulter aucune mention, quelle qu'elle soit. Les arrêtés du personnel des collectivités sont, dès lors, intégralement communicables à toute personne qui en fait la demande, quel que soit leur contenu.

Parmi les documents relatifs à la gestion du personnel et, plus précisément, à la rémunération des agents publics, il importe de distinguer les documents à caractère nominatif des autres documents, les appréciations nominatives n'étant normalement accessibles qu'à la personne concernée. La plupart des informations relatives aux rémunérations perçues par les agents publics ne sont pas regardées comme étant couvertes par le secret de la vie privée. Certaines informations présentent un caractère nominatif : il s'agit de celles qui traduisent une appréciation sur la valeur ou la manière de servir des agents (par exemple, comme en l'espèce, la fixation du montant d'une prime comportant une part modulable en fonction de la manière de servir). Mais tous les éléments objectifs de rémunération, comme l'indice de rémunération, sont considérés comme étant communicables de plein droit à toute personne qui en fait la demande, car ils traduisent un élément du coût du service public à la charge de la collectivité.

Sont, ainsi, très largement communicables, selon le neuvième rapport d'activité de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), l'indice de rémunération d'un agent communal, la grille des salaires (9), la délibération d'un conseil général concernant le régime indemnitaire des fonctionnaires départementaux (10), ou une prime de fonction d'encadrement (11). En revanche, sont regardés comme nominatifs, et communicables à la seule personne concernée, les états d'heures supplémentaires, les relevés individuels d'indemnités diverses (12), le montant individuel des primes attribuées à chaque agent en fonction de sa manière de servir (13), et la liste des bénéficiaires d'une prime faisant apparaître le montant annuel versé à chaque agent, qui ne peut être communiquée à des tiers qu'après occultation du nom des agents concernés.

En comparaison à la jurisprudence ainsi fixée par la CADA, la décision du Conseil d'Etat va assez loin dans l'appréciation de la règle selon laquelle les documents par lesquels une appréciation ou un jugement de valeur, positif ou négatif, est portée sur une personne, ne peuvent être communiqués qu'à celle-ci. La notation d'un agent public ou les appréciations portées par l'autorité hiérarchique sur sa manière de servir ne peuvent logiquement être communiquées qu'à la personne concernée. Mais les documents qui font apparaître le comportement d'une personne ne sont pas communicables aux tiers si la divulgation de ce comportement peut lui porter préjudice. L'existence d'un tel risque s'apprécie, au cas par cas, en fonction des termes employés dans le document comme du contexte dans lequel il s'inscrit. Le Conseil d'Etat a jugé que le contexte est, en l'espèce, favorable à la communication après occultation de la mention du nom des agents ou des mentions permettant d'identifier la personne concernée.

  • Renforcement du contrôle du Conseil d'Etat sur les sanctions disciplinaires infligées aux maires, en l'occurrence une mesure de révocation en raison de l'importante dégradation de la situation financière de la commune (CE 2° et 7° s-s-r., 2 mars 2010, n° 328843, M. Dalongeville, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1656ETI)

Si le maire d'une commune est élu par les habitants de la commune dans laquelle il se présente et que son élection ensuite validée par un conseil municipal spécifique, seul l'Etat est apte à pouvoir révoquer ou émettre des sanctions envers ledit maire. C'est l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L8612AA9) qui impose, ainsi, ce régime disciplinaire propre. Il ressort des faits de l'espèce que M. X, alors maire d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), a été révoqué de ces fonctions quelques semaines après sa mise en examen et son incarcération début avril 2009 pour détournements de fonds publics, faux en écriture et favoritisme présumés, encourant, ainsi, dix ans de prison et 150 000 euros d'amende. L'enquête, lancée en juin 2008 avait mis au jour un système de fausses factures établies entre 2006 et 2008 au bénéfice de sociétés qui n'ont jamais honoré les prestations correspondantes, le montant des factures pouvant atteindre 4 millions d'euros. Les faits reprochés ayant d'abord donné lieu à une mesure de suspension d'un mois (14), ce n'est qu'ensuite que la mesure de révocation a été proposée par le préfet du Pas-de-Calais au ministre de l'Intérieur, à la suite de la sortie du dernier rapport de la chambre régionale des comptes sur la gestion de la ville (15).

Le rapport d'observations définitives sur la gestion de la commune est, à cet égard, éloquent sur le fait que, malgré les nombreux avis et recommandations des autorités de contrôle, le maire s'est rendu responsable de l'importante dégradation de la situation financière de la commune sans prendre aucune mesure significative pour remédier à son endettement. Il ressort, notamment, de ce rapport que, saisie dès 2003 par le préfet, la chambre régionale des comptes du Nord-Pas-de-Calais a constaté un déficit global des comptes de la commune dépassant 12 millions d'euros pour 2002, et a proposé un plan de redressement sur trois ans. De 2003 à 2008, la chambre est intervenue chaque année auprès du maire de la commune, à l'initiative du préfet, ainsi que dans le cadre de deux examens de gestion, compte tenu des déficits budgétaires excessifs et du défaut de sincérité des comptes et inscriptions budgétaires, et en l'absence, notamment, de la prise en compte de certaines dépenses et du rattachement des charges et produits à l'exercice. Malgré les recommandations du juge des comptes, un rythme élevé de dépenses a été maintenu, et, notamment une politique de recrutement massif de personnel.

Enfin, et toujours selon le rapport, devant l'insuffisance des mesures adoptées par le maire, le préfet s'est vu contraint, en août 2008, de régler d'office le budget communal en augmentant uniformément les taux d'imposition et, fin 2008, de régler et de rendre exécutoire des crédits de régularisation des dépenses de personnel supérieurs aux crédits ouverts. Depuis 2007, le fonctionnement courant de la commune n'est, ainsi, assuré qu'au prix d'un volume grandissant de factures impayées. Le découvert de trésorerie dépassait, fin janvier 2009, 6,5 millions d'euros et, début 2009, la commune ne pouvait plus régler ses fournisseurs. Le risque était désormais réel, selon le juge des comptes, que la commune ne soit plus en mesure, dans un délai rapproché, d'assurer le paiement de ses dépenses prioritaires, notamment le salaire de ses agents et le remboursement de ses dettes. Le décret attaqué n'a donc pas, en prononçant la révocation de M. X, selon le Conseil d'Etat, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 2122-16 du Code général des collectivités territoriales, qui permettent une telle sanction.

De manière générale, et compte tenu de l'importance de l'exécutif dans le fonctionnement de l'administration communale, le pouvoir de sanction ainsi reconnu aux autorités nationales n'est mis en oeuvre qu'exceptionnellement. Une recherche au Journal officiel montre qu'à ce jour, et depuis les années 1980, seulement 24 suspensions ont été prononcées à l'encontre de maires ou d'adjoints, les révocations étant encore plus rares, puisque se chiffrant au nombre de deux (16). L'arrêté du 15 juin 2004 du ministre de l'Intérieur suspendant de ses fonctions le maire de Bègles, Nöel Mamère (17), reste à ce jour, la procédure la plus médiatique. La suspension avait été infligée pour avoir célébré un mariage entre deux homosexuels, malgré l'interdiction qui lui en avait été faite par le procureur de la République et la mise en garde solennelle du Premier ministre, chef hiérarchique de l'ensemble des agents publics, lors d'une séance à l'Assemblée nationale (18).

Le Code général des collectivités territoriales ne définit pas précisément la nature des fautes passibles de sanctions telles que la suspension ou la révocation, il évoque seulement "les faits reprochés" aux maires et aux adjoints. Il convient donc de considérer que toute faute est susceptible d'entraîner une sanction, même s'il ne faut pas assimiler faute et illégalité. Il peut s'agir d'une faute commise dans l'exercice de sa fonction, telle que la tenue publique de propos outranciers au cours de la cérémonie du 11 novembre (19), les refus opposés par certains maires d'organiser le référendum du 24 septembre 2000 sur la réforme du quinquennat (refus ayant abouti à 23 mesures de suspension de 10 à 1 mois), ou encore l'existence de graves négligences durant plusieurs années dans la tenue des documents budgétaires (20).

La faute peut tout aussi bien concerner les fonctions exercées en tant qu'agent de l'Etat que celles effectuées en tant qu'autorité décentralisée. Il peut même s'agir de faits étrangers à la fonction de l'exécutif communal mais qui se révèlent incompatibles avec elle. Ainsi, une révocation peut être justifiée par une condamnation pénale qui prive le maire de l'autorité morale nécessaire à l'exercice de sa fonction, en l'occurrence une condamnation avec sursis pour attentat à la pudeur sur mineurs de moins de quinze ans, la gravité des faits reprochés le privant de l'autorité morale nécessaire à l'exercice de ces fonctions (21).

Silencieux sur les motifs de la décision de suspension ou de révocation, l'article L. 2122-16 impose le respect de deux garanties formelles essentielles, à savoir l'organisation d'une procédure contradictoire préalable au prononcé de la sanction et la motivation de celle-ci. Le juge administratif se montre, toutefois, relativement indulgent par rapport à ces deux exigences, ce dont témoigne l'arrêt d'espèce. Il n'est, ainsi, pas nécessaire de communiquer à l'intéressé les éléments de l'enquête éventuellement ouverte sur les faits en cause (22), de même qu'il n'y a pas de forme particulière de communication, le juge admettant même qu'elle résulte d'une conversation téléphonique (23). Un délai suffisant doit être accordé au maire pour présenter utilement sa défense (24), mais il dépasse rarement quelques jours. En l'espèce, il a été jugée que la circonstance que la version notifiée à l'intéressé ne comportait pas de motivation, "qui n'a été portée à sa connaissance que par la production de l'ampliation au cours de l'instruction, n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de la défense". En tout état de cause, la contradiction supporte un aménagement notable lorsque, comme cela est possible, une révocation est prononcée après un arrêté de suspension. Fondé sur les mêmes faits que l'arrêté, le décret de révocation d'un maire n'a, alors, pas à être précédé d'une nouvelle procédure contradictoire (25). Le contrôle juridictionnel de la motivation de la décision reste purement formel. Il s'agit de vérifier que l'acte exprime explicitement et suffisamment les raisons pour lesquelles il a été édicté.

Sur le fond, le juge opère normalement un contrôle restreint de la légalité des motifs invoqués à l'appui d'une sanction disciplinaire visant un maire ou ses adjoints, contrôle plus précisément fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation. Cependant, suivant en cela la jurisprudence relative aux sanctions disciplinaires visant les agents publics qui tend à évoluer vers un contrôle normal (26), le Conseil d'Etat renforce son contrôle dans l'arrêt d'espèce. En effet, l'application d'un contrôle normal à la sanction infligée se justifie pleinement par le fait que, pour les fonctionnaires, l'autorité disciplinaire a le choix entre plusieurs fonctions, ce qui justifie le contrôle de l'adéquation de la sanction à la gravité des faits. En revanche, les sanctions prononcées par un maire ou un adjoint son très peu nombreuses, le contrôle juridictionnel de la mesure décidée devant donc être opéré pleinement. C'est donc un contrôle normal qui est exercé en l'espèce, qui se manifeste, notamment, par le fait que le maire avait fait état d'actions pour remédier au déséquilibre financier de la commune, actions jugées par le Conseil d'Etat comme ne répondant pas à l'objectif de mise en oeuvre d'un plan de redressement, la responsabilité du maire étant donc engagée en la matière.

Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz


(1) Voir, notamment, l'adoption de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures (N° Lexbase : L1612IEG), JO, 13 mai 2009, p. 7920.
(2) CAA Bordeaux, 2ème ch., 16 décembre 2008, n° 07BX02641, Réseau Ferré de France c/ Fédération nationale des associations d'usagers des transports (N° Lexbase : A3804EPL).
(3) L'on notera que cette lecture est, également, celle de la cour administrative d'appel de Lyon dans un arrêt du 11 juin 2009 (CAA Lyon, 4ème ch., 11 juin 2009, n° 07LY00315, Association "chemin de fer Bort-Neussargues" N° Lexbase : A2263EKZ, AJDA, 2009, p. 2190), d'où il ressort que le conseil général ne peut pas déléguer à sa commission permanente la totalité de ses attributions.
(4) CE, 16 janvier 1998, n° 172268, Département d'Indre-et-Loire (N° Lexbase : A6110AS4).
(5) Voir, par exemple, CE Contentieux, 22 avril 1970, n° 75717, Commune de Saint-Barthélemy et autres (N° Lexbase : A5147B87), Rec. CE, p. 270, où la délégation consentie à la commission départementale par le conseil général peut porter, non seulement sur une affaire déterminée, mais aussi sur une catégorie d'affaires de même nature.
(6) Voir, par exemple, de manière générale sur les délégations de compétences, CE Sect., 2 mars 1990, n° 84590, Commune de Boulazac (N° Lexbase : A5551AQN), Rec. CE, p. 57, RFDA, 1990, p. 621, concl. R. Abraham ; CE Contentieux, 27 mai 1991, n° 104723, Ville de Genève (N° Lexbase : A9917AQD), AJDA, 1991, p. 690, chron. C. Maugüé et R. Schwartz ; CE, 2 juin 1993, n° 64071, Besnard et Commune de Rochefort-sur-Loire (N° Lexbase : A0059ANI), Rec. CE, p. 560.
(7) Décret n° 2008-1078 du 22 octobre 2008, portant création du comité pour la réforme des collectivités locales (N° Lexbase : L6891IBT), JO, 24 octobre 2008, p.16202.
(8) Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal (N° Lexbase : L6533AG3), JO, 18 juillet 1978, p. 2851.
(9) CADA, 4 février 1993, Maire de Ceton.
(10) CADA, 19 novembre 1998, Serinet c/ Syndicat CFDT Interco.
(11) CADA, 7 mai 1998, Manfroi c/ Syndicat CFTC des agents des collectivités territoriales.
(12) CADA, 6 février 1992, Directeur de la maison départementale de l'enfance de la Drôme.
(13) CADA, 25 juin 1992, Lombard c/ Syndicat CFDT Interco des communaux de Maubeuge.
(14) Arrêté du 15 juin 2004, portant suspension des fonctions de maire (N° Lexbase : L8278IGP).
(15) Décret du 28 mai 2009, portant révocation de M. Gérard Dalongeville, maire de la commune de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) (N° Lexbase : L8281IGS), JO, 29 mai 2009, p. 8901.
(16) Décret du 2 août 2005, portant révocation du maire de la commune de Makemo (Polynésie française) (N° Lexbase : L2365HB9), JO, 6 août 2005, p. 12907, "pour négligences graves et répétées dans l'accomplissement des fonctions qui lui incombent en tant que chef de l'administration communale et, plus particulièrement, dans la gestion financière et comptable, ainsi que dans le fonctionnement des services administratifs de la commune" ; décret du 11 septembre 1986, portant révocation de l'adjoint au maire de la commune de Saint Vivien de Monségur (Gironde) (N° Lexbase : L8282IGT), JO, 13 septembre 1986, p. 11093.
(17) Arrêté du 15 juin 2004, portant suspension des fonctions de maire (N° Lexbase : L8278IGP), JO, 22 juin 2004, p. 11225.
(18) Cf. CE, 7 juillet 2004, n° 268974, Nöel Mamère (N° Lexbase : A3536EUI), AJDA, 2004, p. 1445, qui rejette le pourvoi contre l'arrêté de suspension d'un mois ; TA Bordeaux, 9 juillet 2004, n° 0402303, Nöel Mamère c/ Ministre de l'Intérieur (N° Lexbase : A2368EUA), AJDA, 2004, p. 1281.
(19) CE Ass., 27 février 1981, Wahnapo, n° 14361 (N° Lexbase : A3811AKD) et n° 12112 (N° Lexbase : A3812AKE), Rec. CE, p. 52.
(20) CE Contentieux, 27 février 1987, n° 78247, Georges Perrier (N° Lexbase : A4507APM).
(21) CE Contentieux, 12 juin 1987, n° 78114, Chalvet (N° Lexbase : A3806APN), Rec. CE, p. 119.
(22) CE Contentieux, 22 mars 1978, n° 5721, Petit (N° Lexbase : A2911AIN).
(23) CE, 5 novembre 1952, Le Moigne, Rec. CE, p. 496.
(24) CE, 1er avril 1960, Ramelot, Rec. CE, p. 245.
(25) CE Ass., 27 février 1981, n° 14361 et n° 12112,Wahnapo, précité.
(26) Cf. CE 1° et 6° s-s-r., 27 mai 2009, n° 310493, M. Hontang (N° Lexbase : A3389EHY), où le juge adopte un contrôle normal sur le choix de la sanction infligée à un magistrat du Siège, même s'il a pu réaffirmer depuis son contrôle restreint en matière de répression disciplinaire dans la fonction publique, dans sa décision en date du 27 juillet 2009 (CE 1° et 6° s-s-r., 27 juillet 2009, n° 313588, Ministre de l'Education nationale c/ Mlle Boullonnois N° Lexbase : A1332EKK, DA, octobre 2009, n° 10, comm. n° 132 de M. Guyomar).

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