La lettre juridique n°374 du 3 décembre 2009 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Jurisprudence] TVA : notion d'"opération accessoire immobilière" pour le calcul du prorata de déduction

Réf. : CJCE, 29 octobre 2009, aff. C-174/08, NCC Construction Danmark A/S c/ Skatteministeriet (N° Lexbase : A5607EMM)

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par Thierry Lambert, Professeur à l'Université Paul Cézanne Aix-Marseille III

le 07 Octobre 2010

Que sont des activités accessoires immobilières ? Voilà la question à laquelle a eu à répondre la Cour de justice des Communautés européennes, dans un arrêt en date 29 octobre 2009. Une entreprise danoise ayant une activité dans le secteur du bâtiment, en qualité de maître d'oeuvre, réalise des travaux de construction, incluant des activités d'ingénierie, de planification, de conseil et de main-d'oeuvre, dans le secteur du génie civil, pour le compte de tiers comme pour le sien. La loi danoise relative à la TVA exonérant de cette taxe la vente d'immeubles réalisés pour le compte de l'entreprise, pour le calcul du prorata de déduction, l'entreprise n'avait pas retenu le chiffre d'affaires résultant de la vente des immeubles construits pour son propre compte. La société a considéré que cette activité de vente immobilière devait être qualifiée d'"opération accessoire immobilière". L'administration danoise contestait cette interprétation considérant que la TVA ayant grevé en amont ses frais communs n'était déductible que partiellement. La vente de biens immobiliers qu'elle a construits pour son propre compte ne constitue pas l'activité principale de la société, mais une activité dérivée de son activité de personne assujettie à la TVA en matière de construction. La loi danoise relative à la TVA exonérant de la TVA la vente d'immeubles réalisés pour le propre compte de la société, celle-ci était tenue en qualité d'assujettie mixte de calculer un prorata pour déterminer le montant sur lequel portait le droit à déduction de la TVA auquel elle pouvait prétendre sur les frais généraux communs aux deux activités.

La 6ème Directive-TVA (art.19 § 2 N° Lexbase : L9279AU9) précise que pour le calcul du prorata de déduction, dans l'hypothèse de biens et services utilisés à la fois pour des activités taxées et des activités exonérées, il est fait abstraction du montant du chiffre d'affaires afférent aux opérations accessoires immobilières.

Dans l'arrêt "Régie dauphinoise", la Cour de justice s'était bornée à écarter la qualification d'opérations accessoires car n'était pas respecté le critère qualitatif tiré de l'absence de lien direct, permanent et nécessaire avec l'activité taxable (CJCE, 11 juillet 1996, aff. C-306/94, Régie dauphinoise - Cabinet A. Forest SARL c/ Ministre du Budget N° Lexbase : A7255AH8, RJF, 1996, 8-9, comm. 1112). Puis dans l'arrêt "EDM", la Cour retient l'existence d'un critère quantitatif concernant la notion d'opération financière accessoire, refusant de considérer le montant du chiffre d'affaires afférent aux opérations financières comme un critère déterminant, mais acceptant l'idée que ce montant puisse être un indice du caractère non accessoire des opérations financières. Cet élément est secondaire par rapport à l'appréciation des opérations financières impliquant une utilisation plus ou moins limitée de biens ou services grevés de TVA (CJCE, 29 avril 2004, aff. C-77/01, Empresa de Desenvolvimento Mineir o SGPS SA (EDM), anciennement Empresa de Desenvolvimento Mineiro SA (EDM) c/ FazendaPública N° Lexbase : A9953DBA, RJF, 2004, 7, comm. 827).

En l'espèce, la Cour de justice des Communautés européennes rappelle, à titre liminaire, que pour déterminer la portée d'une disposition du droit communautaire il y a lieu de tenir compte à la fois de ses termes, de son contexte et de ses finalités. L'analyse finaliste prévaut. La Cour observe que "l'article 19, paragraphe 2, de la sixième directive ne comporte aucun renvoi exprès au droit des Etats membres pour déterminer son sens et sa portée, et que ses termes ne permettent pas, par eux-mêmes, de considérer, avec certitude, qu'il vise une activité telle que celle en cause au principal". Elle en tire une conséquence : "il importe, dans ces conditions, de prendre en compte le contexte et les finalités de cette disposition".

Au sens des dispositions précitées la Cour a jugé que la vente par une entreprise de construction d'immeubles réalisés pour son propre compte ne saurait être qualifiée d'opération accessoire immobilière au motif que cette activité constitue le prolongement direct, permanent et nécessaire de son activité taxable.

Par conséquent, il n'y a pas lieu d'apprécier concrètement dans quelle mesure cette activité de vente, pris isolément, implique une utilisation de biens et services pour lesquels la TVA est due. En outre, le principe de neutralité fiscale ne saurait s'opposer à ce qu'une entreprise de construction qui acquitte la TVA sur les prestations de service, qu'elle effectue pour son propre compte, ne puisse pas déduire intégralement la TVA afférente aux frais généraux engendrés par la réalisation de ces prestations, dès lors que le chiffre d'affaires résultant de la vente de constructions réalisées en est exonéré.

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