La lettre juridique n°374 du 3 décembre 2009 : Avocats/Institutions représentatives

[Evénement] Innover pour développer : congrès annuel de l'ACE des 5 et 6 novembre 2009 à Toulouse

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[Evénement] Innover pour développer : congrès annuel de l'ACE des 5 et 6 novembre 2009 à Toulouse. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212184-evenement-innover-pour-developper-congres-annuel-de-lace-des-5-et-6-novembre-2009-a-toulouse
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

le 07 Octobre 2010

Placé sous le thème de l'innovation et du développement, le 17ème congrès de l'Association des avocats conseils d'entreprises (ACE) s'est tenu, pour la seconde fois et douze ans plus tard, à Toulouse les 5 et 6 novembre 2009, faisant ainsi la fierté du barreau et de son Bâtonnier, François Axisa. Ce dernier s'est d'ailleurs montré satisfait du thème choisi cette année par l'Association. Innover... L'innovation dans la profession d'avocats est vitale, puisqu'elle caractérise la capacité de ces derniers à s'adapter à leur environnement économique et sociale et ce, pour évoluer au plus près de leurs clients. Développer... est donc le corollaire logique de l'innovation et une absolue nécessité. Et, comme l'a souligné le Bâtonnier Axisa, "c'est bien l'avenir qui est au coeur du Congrès", rappelant qu'un tel thème ne pouvait qu'enthousiasmer un barreau de 1 200 avocats, quatrième barreau français, un barreau jeune, riche de compétences nombreuses et variées, et résolument tourné vers l'avenir. La jeunesse était représentée, lors du Congrès, par Clarisse Berrebi, présidente nationale de l'ACE-JA (jeunes avocats). Et c'est presque un cri d'alarme qui retentit à l'unisson chez les jeunes avocats. Leur formation est-elle encore adaptée aux modèles de la nouvelle économie ? Prenant exemple de la société Google, symbole de cette nouvelle économie, l'avocate du barreau de la Charente (anciens barreaux de Cognac et d'Angoulême) énonce que ce "géant" s'est construit autour de plusieurs affirmations fondatrices : la reprise du pouvoir par les consommateurs ; la création en temps réel de nouvelles communautés ; et la résurgence des masses de niches au détriment des marchés de masses. Ainsi, l'avocat de demain, pour rester en lice, doit s'adapter. Il doit être "un faciliateur, le pivot d'un environnement où l'information sera relayée de plus en plus vite. Celui par lequel la requête transitera, celui qui connectera, qui mettra en relation. [...] Un avocat dont les modes d'exercice seront plus surs, plus rapide, moins couteux en temps, en énergie, en euros pour nos clients". Le ton était donc donné : changer et innover pour mieux se développer... un enjeu de taille dont les premiers jalons ont déjà été posés. Ainsi que l'a souligné Thierry Wickers, Président du Conseil national des Barreaux, la profession n'aime pas le changement, refusant le plus souvent de modifier ou d'abandonner certains concepts fondamentaux ayant bien servi dans le passé. Et de citer Alexis de Tocqueville qui, dans La démocratie en Amérique, compare la situation du juriste français et du juriste anglo-saxon dont il annonce le succès : "l'esprit des légistes et leur penchant instinctif pour l'ordre, leur amour naturel des formes". Ainsi, pour le Président Wickers, tous ces éléments les rendent peu aptes au neuf. Or, force est de constater que le changement est bel et bien là. Citons, brièvement, quelques exemples concrets : la mise en place de la dématérialisation des dossiers judiciaire, via le RPVA ; la refonte de carte judiciaire ; ou encore la prolifération des rapports, "Attali", "Léger" ou "Darrois".

Pour être un acteur de ce changement et élargir la diversification des ses activités, la profession risque de rencontrer plusieurs écueils, rappelés par le Président Wickers : la profession d'avocat ne dispose pas du même accès privilégié aux marchés ressortant du monopole des experts-comptables et des notaires ; elle est confrontée à la concurrence de multiples professionnels (réglementés ou non) qui peuvent pratiquer le conseil et la rédaction d'actes à titre principal ou accessoire ; et, surtout, elle est encore très marqué par une culture judiciaire (dans l'opinion du public l'avocat est l'homme du procès). Et ce dernier constat a été, également, rappelé par Jean-Michel Darrois, auteur du rapport éponyme, qui souligne à quel point il est dommage que l'image de l'avocat ne soit, aujourd'hui, que celle de l'homme du procès, du contentieux ou encore signe d'un précontentieux.

Afin de lutter contre ces écueils, il faut changer et innover : innover en créant un acte d'avocat ; innover en faisant en sorte que l'avocat soit plus présent en tant que conseil et négociateur ; innover en démontrant qu'il n'est pas que plaideur ; innover en modifiant l'identité de la profession -formation initiale, gouvernance et exercice- ; innover en rappelant que l'avocat doit être celui "qui murmure aux oreilles de l'entreprise", pour citer les propos de Jean-Michel Darrois. Et, Pierre Lafont, président de l'ACE, l'a bien rappelé : l'ACE a justement "l'ambition de rassembler le barreau d'affaires". Pour ce faire, l'Association a pris parti, seule, pour une modification des structures d'exercices et pour la suppression de la soumission des dividendes à cotisations sociales ; en phase avec la profession, elle défend la création de l'acte d'avocat.

De nombreuses tables rondes ont donc été organisées par l'ACE en amont du Congrès et de l'ensemble de ces travaux ont pu être dégagées des idées force rappelées par le Bâtonnier Thierry Carrère, ancien Bâtonnier de Toulouse :

- former un juriste innovant,
- exercer la profession de façon innovante,
- et travailler en équipe pour mieux porter les projets.

Et de conclure par cette phrase d'Epictète, "je voudrais avoir la force de changer ce qui peut être changé, le courage de supporter ce qui ne peut être changé et l'intelligence pour distinguer les deux".

Ce 17ème Congrès était également l'occasion pour l'ACE d'adopter de nouvelles motions, dont voici les plus importantes.

Concernant l'acte d'avocat, l'ACE rappelle que la Commission "Darrois" a proposé que l'acte sous seing privé contresigné par un avocat ait une force probante renforcée. Une telle mesure serait de nature à réduire substantiellement le nombre de procès qui trouvent leur origine sur le défaut d'information des parties au contrat. En effet, le contreseing de l'avocat établit que chacune des parties est clairement informée sur les conséquences juridiques de l'acte. Ainsi, un tel acte n'a pas vocation à concurrencer l'acte authentique, puisque, d'une part, il ne sera obligatoire dans aucune circonstance et, d'autre part, il ne lui sera pas conféré la force exécutoire. L'acte contresigné par l'avocat permettra à l'avocat français d'exercer dans des conditions de concurrence normale avec les autres avocats européens, et particulièrement les avocats anglo-saxons.  Au final, l'ACE demande aux parlementaires le soutien de cette réforme contenue dans la proposition de loi d'Etienne Blanc, déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 21 juillet 2009 (pour aller plus loin lire, Le point sur l'acte contresigné par un avocat - questions à Maître Michel Bénichou, président de la Fédération des Barreaux d'Europe, Lexbase Hebdo n° 1 du 1er octobre 2009 - édition professions N° Lexbase : N9384BL7).

Concernant la modernisation de la structure d'exercice des cabinets d'avocats, l'ACE souhaiterait que la profession d'avocat puisse utiliser les sociétés de droit commun, civiles ou commerciales, tout en s'appuyant sur une corpus déontologique distinct. A cet égard, elle propose une modification des dispositions de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L7649AHR). L'ACE, s'appuyant sur un récent arrêt de la Cour de cassation qui reconnaît à l'expert désigné en application de l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L2018ABD) une complète liberté de choix des méthodes d'évaluation des droits sociaux (Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17.465, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7605EGR), aimerait également que les accords statutaires de valorisation ou de non valorisation des droits sociaux soient respectés et tiennent lieu de loi à ceux qui les ont passés.

En matière fiscale, l'ACE demande l'abrogation de l'article 2 du décret n° 2009-874 du 16 juillet 2009 (N° Lexbase : L4874IEA) énumérant une série de seize situations de fait censées permettre aux professionnels de détecter une fraude fiscale dont est issu un blanchiment d'argent et de déposer auprès de TRACFIN ou du Bâtonnier une déclaration de soupçon.

Dans le domaine du droit des sociétés, est demandée la modification des seuils imposés par le décret du 25 février 2009 pour la nomination d'un commissaire aux comptes (décret n° 2009-234, portant diverses mesures destinées à simplifier le fonctionnement de certaines formes de société N° Lexbase : L9693ICY).

A propos de la prévention des difficultés, l'ACE demande au Conseil national des Barreaux d'engager une réflexion pour instituer un centre d'information de prévention et de détection des avocats en difficulté au niveau national.

Au niveau de la transmission d'entreprises, il est demandé que soit précisé dans l'article 787 B a, alinéa 2, du Code général des impôts (N° Lexbase : L3703IC7) que l'engagement post mortem puisse être, le cas échéant, souscrit du chef des héritiers légataires par une société interposée.

Enfin en matière internationale, l'ACE, par la voix de son président de section, Christian Connor, après avoir constaté l'insuffisance de coordination des opérateurs français devant les avancées de la common law au plan international, appelle l'Etat et les organisations professionnelles concernées à agir ensemble afin que la France puisse, à l'instar d'autres pays, valoriser les mérites du droit continental, notamment du droit français et de ses praticiens.

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