La lettre juridique n°369 du 29 octobre 2009 : Marchés publics

[Questions à...] Le nouveau cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : une simplification des relations entre les parties ? Questions à... Maître Elsa Sacksick, associée du cabinet AdDen

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[Questions à...] Le nouveau cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : une simplification des relations entre les parties ? Questions à... Maître Elsa Sacksick, associée du cabinet AdDen. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3212071-questionsalenouveaucahierdesclausesadministrativesgeneralesapplicablesauxmarchespublics
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par Yann Le Foll, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition publique

le 07 Octobre 2010


Après deux années de concertation au cours desquelles l'ensemble des acteurs de la construction publique a pu largement s'exprimer, le nouveau cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) vient d'être publié au Journal officiel du 1er octobre 2009, en annexe de l'arrêté du 8 septembre 2009 qui l'approuve (N° Lexbase : L8345IES). Son but est de simplifier les procédures, et d'assurer la cohérence des dispositions des nouveaux CCAG avec celles du Code des marchés publics de 2006. N'étant applicable qu'aux marchés qui s'y réfèrent, il contient, notamment, des dispositions relatives à l'accélération du processus de paiement et à l'application du mécanisme d'actualisation du prix ferme. Pour faire le point sur ce nouveau CCAG Travaux, Lexbase Hebdo - édition publique a rencontré Maître Elsa Sacksick, associée du cabinet AdDen, qui nous fait part des ses observations sur cette réforme.

Lexbase : Pouvez-vous nous présenter le contexte législatif et réglementaire dans lequel intervient ce nouveau texte, dont l'objectif déclaré est la simplification et la mise en cohérence avec le Code des marchés publics de 2006 ?

Elsa Sacksick : Annoncé de longue date, ce nouveau texte abroge et remplace le précédent CCAG Travaux, approuvé il y a plus de 30 ans par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 (N° Lexbase : L4632GU4). Du point de vue de la hiérarchie des normes, l'abrogation d'un décret par arrêté laisse perplexe, même si l'article 13 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2673HPP) (qui a, lui-même, été adopté par décret) précise que les CCAG sont approuvés par "arrêté du ministre chargé de l'Economie et des ministres intéressés".

Il n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2010, afin de permettre aux différentes personnes concernées de se familiariser avec les nouvelles clauses qu'il contient.

Comme son prédécesseur, il s'agit d'un document contractuel facultatif qui ne s'appliquera qu'aux marchés qui s'y réfèrent, mais il fait peu de doute qu'il sera adopté par la très grande majorité des acheteurs publics.

De manière générale, ce nouveau CCAG Travaux s'inscrit dans une perspective de simplification, d'accélération et de rééquilibrage du dispositif contractuel au profit des cocontractants de l'administration.

Lexbase : Quels sont les principaux apports du nouveau CCAG Travaux ?

Elsa Sacksick : L'on peut saluer l'effort de clarification du nouveau CCAG Travaux qui s'inscrit dans une démarche plus générale de cohérence rédactionnelle entre les 5 nouveaux CCAG (arrêté du 19 janvier 2009, portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) N° Lexbase : L0565IDB, arrêtés du 16 septembre 2009 approuvant les CCAG-MI N° Lexbase : L8692IEN, CCAG-PI N° Lexbase : L8693IEP, et CCAG-TIC N° Lexbase : L8694IEQ).

Mais beaucoup des ajouts sont, en réalité, une reprise des dispositions légales et réglementaires qui s'imposent aux cocontractants.

Pour ne pas faire un inventaire "à la Prévert", on citera deux exemples qui illustrent nos propos : la sous-traitance et la résiliation.

Concernant la sous-traitance, le nouveau CCAG Travaux y consacre un article et établit explicitement une distinction entre sous-traitants directs et indirects. Cette distinction n'existait pas sous l'empire de l'ancien CCAG et n'est pas mentionnée dans le Code des marchés publics. En revanche, elle provient de la loi n° 75-1134 du 31 décembre 1975, relative à la sous-traitance modifiée (N° Lexbase : L5137A8R), qui prévoit des modes de règlement particuliers pour les sous-traitants indirects. Ceux-ci ne peuvent prétendre au paiement direct par le maître d'ouvrage, mais le paiement de leurs prestations est garanti par une obligation de caution personnelle et solidaire, ou de délégation de paiement par le sous-traitant qui sous-traite à son tour certaines opérations (appelé "entrepreneur principal").

Le nouveau CCAG précise les obligations de chaque entrepreneur dans les cas de sous-traitance en chaîne. Il ne fait, en réalité, que reprendre les obligations découlant de la loi n° 75-1134, tout en insistant sur leur application à l'ensemble des sous-traitants. Le nouveau CCAG Travaux subordonne expressément l'exécution des travaux par un sous-traitant à son acceptation par le maître d'ouvrage, qui doit, en outre, produire l'agrément des conditions de paiement du sous-traitant. Par ailleurs, les transmissions de pièces justificatives des garanties de paiement des sous-traitants doivent être "effectuées par l'intermédiaire de tous les entrepreneurs principaux successifs éventuels jusqu'au sous-traitant direct concerné" (article 3.6.2.7 du CCAG travaux. Le but est clairement de lutter contre la sous-traitance occulte.

Quant à la question de la résiliation du marché, le nouveau CCAG établit, d'abord, une modification de présentation et d'organisation du chapitre "résiliation du marché interruption des travaux". En effet, l'article relatif aux "mesures coercitives", qui figurait dans un autre chapitre sous l'empire de l'ancien CCAG est maintenant intégré au chapitre sur la résiliation. L'effort d'organisation aboutit à un chapitre clair qui regroupe, dans des articles nouvellement rédigés, l'ensemble des cas de résiliation (y compris pour faute, ou en cas d'incapacité de poursuite des travaux pour une raison extérieure au marché), et les modalités de liquidation de la résiliation.

Et, bien entendu, on ne peut pas ne pas s'arrêter sur la réécriture de l'article 50 tant décrié.

Lexbase : L'article 50 prévoit de nouvelles modalités de règlement des litiges : pouvez-vous nous les expliciter et nous exposer les conséquences concrètes que cette nouvelle procédure entraînera pour les praticiens et les cocontractants ?

Elsa Sacksick : En remplacement de l'ancienne procédure longue, complexe et souvent décrite comme ne visant, en réalité, qu'à faire commettre un faux-pas à l'entrepreneur, les rédacteurs de cet article ont souhaité afficher une réelle volonté de règlement amiable des litiges.

Et, cette volonté transparaît dès la première phrase du nouvel article selon laquelle "le représentant du pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché".

Concrètement, le nouvel article prévoit une procédure simplifiée et accélérée.

Ainsi, dans l'hypothèse où un différend survient entre l'entrepreneur et le maître d'oeuvre, ou directement avec le maître d'ouvrage (l'ancienne distinction entre ces deux types de litiges n'a pas été reprise), l'entrepreneur n'est plus tenu que de transmettre un seul "mémoire en réclamation", alors qu'en ce qui concerne les litiges survenus avec le maître d'oeuvre, il était précédemment obligé de présenter deux mémoires.

Ce mémoire doit être transmis au représentant du pouvoir adjudicateur et non plus au maître d'oeuvre (mais ce dernier doit cependant en recevoir copie afin de pouvoir donner son avis). La réponse du pouvoir adjudicateur doit ensuite intervenir dans un délai de 45 jours, au lieu des 2 mois prévus auparavant.

Concernant plus particulièrement les litiges relatifs au décompte général du marché, le nouveau texte semble mettre fin aux problèmes que posait l'articulation entre les anciens articles 13 (N° Lexbase : L6912G8I) et 50 (N° Lexbase : L6954G83) du CCAG.

Le nouvel article 50.5 rappelle, par ailleurs, la possibilité pour les parties d'avoir recours à une procédure de conciliation selon les modalités qu'elles déterminent, ou à l'arbitrage dans les conditions prévues à l'article 128 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2788HPX).

A noter, également, que cette nouvelle version du texte a été l'occasion d'une mise en cohérence sémantique de l'article 50 et, plus généralement, d'ailleurs, de l'ensemble du CCAG Travaux avec son environnement juridique, la notion de "personne responsable du marché" anciennement utilisée est, ainsi, remplacée par celle de "représentant du pouvoir adjudicateur" adoptée, depuis quelques temps déjà, dans le Code des marchés publics.

En définitive, l'effort fourni dans la rédaction de ce nouveau texte dans le sens d'une plus grande sécurité juridique semble devoir être salué et permet d'espérer que, dans quelques années, l'image actuelle d'un article 50 "nid à contentieux" ait été remplacée, dans l'esprit des acheteurs publics, de leurs cocontractants et de leurs conseils, par celle d'une procédure amiable efficace et équilibrée.

Lexbase : Comment le nouveau CCAG Travaux intègre-t-il les préoccupations environnementales ?

Elsa Sacksick : Si le nouveau CCAG travaux comporte des dispositions nouvelles relatives à la protection de l'environnement, les avancées sont timides.

En premier lieu, il préconise le respect des obligations législatives et règlementaires en matière environnementale. Comme dans les cinq nouveaux CCAG, cette disposition figure au premier chapitre du CCAG Travaux, à l'article 7. L'obligation de se conformer aux prescriptions existantes en matière de protection de l'environnement paraît, de prime abord, tautologique mais, en réalité, elle n'est pas qu'un effet d'annonce, puisqu'elle est assortie de moyens de contraintes. D'abord, le titulaire devra pouvoir justifier tout le long du marché et pendant la période de garantie, de la conformité des opérations qu'il mène avec la règlementation environnementale, "sur simple demande du représentant du pouvoir adjudicateur". Ensuite, le non-respect des prescriptions en matière de protection de l'environnement peut justifier la résiliation du marché sur le fondement de faute du titulaire (article 43.3.1 a). Ces nouvelles dispositions devraient aboutir à un meilleur respect des dispositions environnementales, par des moyens contraignants propres aux marchés publics de travaux.

En second lieu, le CCAG travaux comporte des dispositions spécifiques à la gestion des déchets. D'abord, le souci de développement durable dans la gestion des déchets apparaît lorsqu'est traitée la question des démolitions de construction. Alors que, sous l'empire de l'ancien CCAG, l'entrepreneur n'était "tenu, en ce qui concerne les matériaux et produits provenant de démolition ou de démontage, à aucune précaution particulière pour leur dépôt, ni à aucune obligation de tri en vue de leur réemploi" (article 39.92 de l'ancien CCAG), le nouveau CCAG préconise, au contraire, le tri ou le réemploi des déchets issus de démolitions (article 31.10.2). Ensuite, un article général dédié à la gestion des déchets fait apparaître la question du développement durable (article 36). La gestion, la valorisation et l'élimination des déchets peuvent faire l'objet d'une contractualisation avec le titulaire du marché. Ce dernier doit aussi être garant de la traçabilité des déchets.

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