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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Je lui dis, alors, que la loi sur le travail dominical (loi n° 2009-974, 10 août 2009, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires) avait été promulguée et que les touristes -puisque ce sont eux qui semblaient être visés par les motivations de la loi- pouvaient, enfin, faire leurs emplettes dominicales. Mais attention ! Sous certaines conditions afférentes à la zone géographique concernée, aux protections sociales, etc. comme nous le rappelle, cette semaine, Sébastien Tournaux, Maître de conférences à l'Université de Montesquieu Bordeaux IV.
A vrai dire, je sentais que la perspective de pouvoir acheter un sac à main de grande marque ou la dernière compilation du feu roi de la "pop", le dimanche, sans passer pour un bourreau social aux yeux de la loi française, ne l'émouvait pas plus que cela...
Aussi, je lui contais qu'il fut beaucoup question de pandémies, sur fond d'un ersatz d'histoire belge, comme seuls les français sont capables de les inventer ; une de ces histoire où, avec Benjamin Constant, dans Cécile, on risquait de conclure que "les précautions [...] pour que ce pressentiment ne se réalisât point furent précisément ce qui le fit se réaliser".
Mal des pays riches, pour la première fois, le juge judiciaire, par une ordonnance des référés du tribunal de grande instance de Créteil, du 11 août 2009, intimait à une société de télécommunication, non pas de démonter une installation-relais pour la téléphonie mobile, mais de ne pas l'édifier, malgré l'autorisation administrative préalablement délivrée à cet effet. Et, pour la première fois, également, le juge judiciaire se prononçait pour l'application du principe de précaution en faveur des habitants d'un immeuble riverain représentés par leur syndic de copropriété. Et, Anne-Laure Blouet-Patin, Directrice de notre rédaction, de vous proposer un entretien avec Sébastien Palmier et Laurent Frölich, avocats, Cabinet Palmier & Associés, avocats des demandeurs.
Ce faisant, depuis près d'un an, on ne compte plus les décisions judiciaires arguant du principe de précaution, principe international conventionnel de l'article 174 du Traité d'Amsterdam, repris dans notre législation sur l'environnement, pour la protection des riverains et le démantèlement de plusieurs antennes-relais. Mais, les juges judiciaires marquent, désormais, le pas, faisant fi des expertises contradictoires relatives aux risques sanitaires afférents à ces antennes, et appliquent le principe de précaution pour éviter, jugements après jugements, une pandémie qui serait liée à la nocivité des ondes électromagnétiques.
Alors qu'ils aient lu Platon ("Je ne sais qu'une seule chose, c'est que je ne sais rien") ou Bossuet ("La santé dépend plus des précautions que des médecins"), les juges en déduisent, presque, étymologiquement, qu'il s'agit de prendre garde (praecautio est tiré de cavere) à l'éventualité d'un risque. Le prochain opus est attendu le 23 septembre, auprès du tribunal de grande instance de Quimper qui devra se prononcer, dans une affaire où tous les experts écartent le risque d'éventuels dysfonctionnements de la valve régulant le liquide céphalorachidien de la plaignante, dus au rayonnement électromagnétique d'une antenne-relais.
L'affaire devrait se corser, encore, pour les magistrats, lorsque l'on sait qu'une étude française, publiée en avril dernier, montre que l'exposition aux ondes est maximale à environ 280 mètres de l'antenne-relais de téléphonie mobile et non en dessous de l'antenne elle-même (étude pilotée par Jean-François Viel, CNRS et université de Besançon, et publiée par la revue britannique Occupational & Environmental Medicine). Sans que l'on sache encore quels sont les risques. Mais, au moins, les hommes -et, au demeurant les magistrats- semblent avoir le pouvoir d'enrayer cette possible pandémie, à coup d'ordonnances... non remboursées par la Sécurité sociale.
Par ailleurs, mal des pays pauvres, sur toutes les ondes nocives ou pas -je ne sais-, la France s'est inquiétée, tout l'été, après que l'OMS ait relevé son niveau d'alerte en phase 6, des risques d'une pandémie de la grippe A (H1N1). Et, le Gouvernement de publier circulaires (notamment, la circulaire 2009/16 du 3 juillet 2009) et arrêtés, sur lesquels notre édition sociale revient cette semaine, aux fins d'alerter et d'encourager les administrations publiques, comme les entreprises privées, à se prémunir contre le développement du virus et à en limiter les effets sur la continuité des services publiques ou l'activité économique par l'adoption d'un PCA (plan de continuation de l'activité). Tout risque courant sur la santé, déjà fragile, des entreprises ou activités rescapées de la pandémie financière de l'été 2008 étant jugée inacceptable par nos responsables politiques. D'où les milliards d'euros déjà dépensés, en France, pour la gestion prévisionnelle de ce risque de pandémie... Mais, c'est que l'on avait tous en mémoire les vers de La Fontaine, dans Les animaux malade de la peste :
"Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre".
Tels Janus, le même été, les français devaient maudire les ondes électromagnétiques... qui portent les informations et les conseils de prévention nécessaires à la gestion de la crise sanitaire. C'est à croire, avec Kipling, que, finalement, "il faut toujours prendre le maximum de risques avec le maximum de précautions". Et, mon ami étranger, un brin sarcastique, de me rappeler l'épilogue du fabuliste :
"Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir".
*L'auteur remercie Jean d'Ormesson, pour cet emprunt à Manger son chapeau, lu dans Le Figaro du 27 août 2009
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