La lettre juridique n°362 du 10 septembre 2009 : Sécurité sociale

[Textes] Fraude aux assurances sociales : nouveau régime de sanctions

Réf. : Décret n° 2009-982 du 20 août 2009, relatif aux pénalités financières prévues à l'article L. 162-1-14 du Code de la Sécurité sociale et à diverses mesures intéressant la lutte contre la fraude (N° Lexbase : L6550IEC)

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de la Sécurité sociale"

le 07 Octobre 2010

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 (1) avait mis en place des dispositions relatives au contrôle et à la lutte contre la fraude assez complètes, à la révision de la procédure des pénalités financières, à l'annulation du bénéfice d'exonérations sociales en cas de dissimulation partielle de rémunération, à l'amélioration du recouvrement des indus et extension de la procédure de contrainte, au développement des échanges d'informations entre organismes de Sécurité sociale des Etats de l'Union européenne et, enfin, à la limitation du dispositif de régularisation des arriérés de cotisations pour majorer la durée d'assurance à l'assurance vieillesse. Ces pénalités devaient être complétées par des mesures réglementaires pour devenir effectives et opérationnelles, le pouvoir réglementaire ayant fait preuve d'une certaine célérité, comme le démontre le décret n° 2009-982 du 20 août 2009. Les sanctions retenues sont calculées en fonction de la gravité des infractions avec des amendes s'élevant jusqu'à 50 % des sommes indues. Les peines planchers sont confirmées. Enfin, le montant de la pénalité encourue est porté à 200 % des sommes en cause si la fraude est établie (usage de faux, falsification, actes fictifs, trafics de médicament...). La mise en place de ces nouvelles procédures, présentées comme plus simples et plus efficaces, parce que plus faciles à mettre en oeuvre, a pour objectif de permettre aux caisses de Sécurité sociale de prononcer des sanctions plus rapidement (notamment pour les fraudes d'un petit montant) sans avoir à suivre de longues procédures judiciaires. Lors du vote de la LFSS pour 2009, les travaux parlementaires (2) pointaient déjà la lourdeur de la procédure, des cas de recours très limités, son coût pour l'organisme, le montant des pénalités et leur inadéquation aux réalités (dans certains cas, le coût de la lutte contre les infractions dépassait celui des sommes contestées). Commentaire

I - Définition de la fraude et nature des sanctions

La loi n° 2004-810 du 13 août 2004, relative à l'assurance maladie (N° Lexbase : L0836GT7), avait réformé la procédure des pénalités financières en cas d'abus ou de fraude des professionnels, des établissements de santé et des assurés (3). Mais ce dispositif avait montré des limites : en 2006, 48 pénalités ont été prononcées pour un montant total de 66 000 euros, alors que, pour la même année, 4 661 cas de fraude ont été détectés. En 2007, le nombre de pénalités prononcées s'élève à 207, pour un montant total de 307 000 euros (4). La LFSS pour 2009 a ainsi réformé le régime des pénalités financières en cas d'abus ou de fraude des professionnels, des établissements de santé et des assurés : ces dispositions législatives ont été rendues opératoires par le décret n° 2009-982.

A - Définition générale

La définition de la fraude, contenue à l'article L. 162-1-14 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3029IC8), introduit par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 (art. 23-1), est complétée par le décret n° 2009-982, introduisant dans le Code de la Sécurité sociale un nouvel article R. 147-11 (N° Lexbase : L6581IEH), selon lequel sont qualifiés de fraudes les faits commis dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un avantage ou le bénéfice d'une prestation injustifiée au préjudice d'un organisme d'assurance maladie ou, s'agissant de la protection complémentaire en matière de santé, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé ou de l'aide médicale de l'Etat, lorsqu'aura été constatée l'une des circonstances suivantes :

- l'établissement ou l'usage de faux, la notion de faux étant caractérisée par toute altération de la vérité sur toute pièce justificative, ordonnance, feuille de soins ou autre support de facturation, attestation ou certificat, sous forme écrite ou électronique, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de permettre l'obtention de l'avantage ou de la prestation en cause ;

- la falsification, notamment par surcharge, la duplication, le prêt ou l'emprunt d'un ou plusieurs documents originairement sincères ou enfin l'utilisation de documents volés de même nature ;

- l'utilisation par un salarié d'un organisme local d'assurance maladie des facilités conférées par cet emploi ;

- le fait d'avoir bénéficié, en connaissance de cause, des activités d'une bande organisée, sans y avoir activement participé ;

- ou la facturation répétée d'actes ou prestations non réalisés, de produits ou matériels non délivrés.

B - Typologie des fraudes

  • Fraudes commises par les assurés sociaux

Le décret n° 2009-982 complète les dispositions législatives issues de la LFSS pour 2009 (CSS, art. L. 162-1-14) en introduisant dans le Code de la Sécurité sociale un nouvel article R. 147-6 (N° Lexbase : L6555IEI). Désormais, peuvent faire l'objet d'une pénalité :

- les assurés sociaux qui, dans le but d'obtenir, de faire obtenir ou de majorer un droit aux prestations d'assurance maladie, d'invalidité, d'accident de travail, de maternité, de maladie professionnelle ou de décès ou un droit à la protection complémentaire en matière de santé, à l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé ou à l'aide médicale de l'Etat, fournissent de fausses déclarations relatives à l'état civil, la résidence, la qualité d'assuré ou d'ayant droit ou les ressources, omettent de déclarer la modification d'une ou plusieurs de ces mêmes déclarations ;

- les assurés sociaux qui, dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un avantage injustifié, procèdent à la falsification, y compris par surcharge, à la duplication, au prêt ou à l'emprunt, de tout document conditionnant la prise en charge d'un acte, produit ou prestation, ou à l'utilisation de documents volés de même nature ; abusent de leur qualité d'assuré social ou de bénéficiaire de l'aide médicale de l'Etat pour obtenir des produits de santé sans lien avec leur état de santé ; se font rembourser une prestation alors qu'ils font l'objet d'un refus de prise en charge ; obtiennent la suppression de la participation (prévue aux 3° et 4° de l'article L. 322-3 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L4517H98) par le non-respect du protocole ; ne respectent pas le caractère personnel de la carte (mentionnée à l'article L. 161-31 du même code N° Lexbase : L7916G7C) et les obligations qui en découlent ; ne respectent pas, pour bénéficier d'indemnités journalières, la condition d'être dans l'incapacité de continuer ou de reprendre son travail ;

- ou les assurés sociaux ayant empêché ou tenté d'empêcher l'exercice des activités de contrôle d'un organisme d'assurance maladie par le refus d'accès à une information, l'absence de réponse ou la réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d'information, d'accès à une information, ou à une convocation, émanant de l'organisme local d'assurance maladie ou du service du contrôle médical, dès lors que la demande est nécessaire à l'exercice du contrôle ou de l'enquête.

  • Fraudes commises par les employeurs

Peuvent faire l'objet d'une pénalité les employeurs :

- qui portent des indications erronées sur les attestations (mentionnées aux articles R. 323-10 N° Lexbase : L6803ADC et R. 441-4 N° Lexbase : L0815HHN du Code de la Sécurité sociale), ayant pour conséquence la majoration du montant des indemnités journalières servies ;

- dont la responsabilité a été reconnue dans le bénéfice irrégulier par un assuré d'indemnités journalières ;

- qui n'ont pas procédé à la déclaration d'accident du travail (selon les modalités prévues aux articles R. 441-1 N° Lexbase : L7280ADY, R. 441-2 N° Lexbase : L7281ADZ et R. 441-4) ;

- ou qui n'ont pas respecté l'obligation de remise de la feuille d'accident, prévue à l'article L. 441-5 (N° Lexbase : L5288AD9) (CSS, art. R. 147-7 N° Lexbase : L6573IE8 et R. 147-7-1 N° Lexbase : L6579IEE).

  • Fraudes commises par les professionnels de la santé, fournisseurs et prestataires

Les pénalités financières prononcées à l'égard des professionnels de santé, fournisseurs et prestataires de services et laboratoires de biologie médicale sont définies par le décret n° 2009-982 aux articles R. 147-8 (N° Lexbase : L6565IEU) et R. 147-8-1-I (N° Lexbase : L6567IEX) du Code de la Sécurité sociale.

Peuvent faire l'objet d'une pénalité les professionnels de santé libéraux, fournisseurs et prestataires de services, laboratoires de biologie médicale et praticiens statutaires à temps plein des établissements publics de santé dans le cadre de leur activité libérale :

- ayant obtenu ou tenté d'obtenir, pour eux-mêmes ou pour un tiers, le versement d'une somme ou le bénéfice d'un avantage injustifié en ayant présenté ou permis de présenter au remboursement des actes ou prestations non réalisés ou des produits ou matériels non délivrés ;

- n'ayant pas respecté les conditions de prise en charge des actes produits ou prestations soumis au remboursement dans certains cas (non-respect des conditions de prise en charge ou prescription prévues lors de l'inscription au remboursement par l'assurance maladie des actes, produits ou prestations ou, encore, non-respects des conditions de prescriptions spécifiques ; non-respect, de manière répétée, de l'obligation de mentionner le caractère non remboursable des produits, prestations et actes qu'ils prescrivent en dehors des indications ouvrant droit à prise en charge ; non-respect, de manière répétée, des obligations pour le prescripteur, de mentionner le nom du pharmacien chargé de délivrer les soins ou traitements susceptibles de faire l'objet de mésusage, d'un usage détourné ou abusif et, pour le pharmacien, de ne procéder à la délivrance que si son nom est mentionné sur la prescription s'agissant des soins ou traitement en cause ; non-respect, de manière répétée, de l'obligation faite au pharmacien de délivrer le conditionnement le plus économique compatible avec les mentions figurant sur l'ordonnance ; utilisation abusive de la feuille d'accident consistant dans l'inscription sur celle-ci d'actes ou de délivrances ne relevant pas du livre IV ; non-respect, de manière répétée, de l'obligation de conformité des prescriptions avec le protocole ; non-respect du mode de transport prescrit ou des modalités de facturation des frais de transport ; facturation par une entreprise de transports sanitaires terrestres réalisés avec des moyens en véhicules et en personnels non conformes ; facturation par une entreprise de taxi à l'assurance maladie de transports réalisés sans être titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique ou d'une carte professionnelle en cours de validité) ;

- ayant empêché ou tenté d'empêcher l'exercice des activités de contrôle d'un organisme d'assurance maladie par le refus d'accès à une information, l'absence de réponse ou la réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d'information, d'accès à une information ou à une convocation émanant de l'organisme local d'assurance maladie ou du service du contrôle médical, dès lors que la demande est nécessaire à l'exercice du contrôle, de l'enquête ou de la mise sous accord préalable ;

- n'ayant pas respecté, de manière répétée, certaines formalités administratives, comme la présentation des documents auxquels sont subordonnées la constatation des soins et l'ouverture du droit aux prestations de l'assurance maladie ; l'obligation de mentionner le caractère non remboursable des produits, prestations et actes qu'ils prescrivent ; l'obligation de faire figurer sur la feuille d'accident les actes accomplis au titre du livre IV ; l'obligation de mentionner, sur les documents destinés au service du contrôle médical, les éléments d'ordre médical justifiant les arrêts de travail, y compris les heures de sortie, et les transports qu'ils prescrivent ; ou, encore, l'obligation d'apposer sur l'ordonnance les mentions relatives aux délivrances des médicaments relevant des listes I et II et des médicaments stupéfiants ;

- ou pour lesquels l'organisme aura constaté, après deux périodes de mise sous accord préalable, un niveau de prescriptions ou de réalisations du même acte, produit ou prestation ou groupe d'actes, produits ou prestations, significativement supérieur à la moyenne régionale et pour une activité comparable.

  • Fraudes commises par les établissements de santé

Le décret n° 2009-982 complète les dispositions législatives de la LFSS pour 2009, en fixant un nouveau régime de pénalités financières prononcées à l'égard des établissements de santé (CSS, art. R. 147-9 N° Lexbase : L6582IEI et R. 147-9-1 N° Lexbase : L6560IEP). Peuvent faire l'objet d'une pénalité les établissements de santé :

- ayant obtenu ou tenté d'obtenir, pour eux-mêmes ou pour un tiers, le versement d'une somme ou le bénéfice d'un avantage injustifié en cas de facturation d'actes ou de prestations de soins de suite ou de réadaptation, de psychiatrie ou de soins de longue durée, non réalisés ; de facturation d'un acte, produit ou prestation déjà pris en charge par l'une des dotations (CSS, art. L. 174-1 N° Lexbase : L0265DPI et L. 162-22-13 N° Lexbase : L5265IEQ) ou par le forfait annuel (CSS, art. L. 162-22-8 N° Lexbase : L3099ICR) ;

- n'ayant pas respecté les conditions de prise en charge des actes, produits ou prestations soumis au remboursement en cas de manquement aux règles de facturation et de cotation des actes et prestations de soins de suite ou de réadaptation, de psychiatrie ou de soins de longue durée ; d'inobservation des règles de prise en charge (CSS, art. L. 162-1-7 N° Lexbase : L3019ICS) ;

- ayant empêché ou tenté d'empêcher l'exercice des activités de contrôle d'un organisme d'assurance maladie par le refus d'accès à une information, l'absence de réponse ou la réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d'information, d'accès à une information, ou à une convocation, émanant d'un organisme local d'assurance maladie ou du service du contrôle médical, dès lors que la demande est nécessaire à l'exercice du contrôle, de l'enquête ou de la mise sous accord préalable ;

- n'ayant pas respecté les formalités administratives de facturation ou n'ayant pas respecté, de manière répétée, l'obligation faite à tout établissement de santé délivrant des médicaments relevant des listes I et II et des médicaments stupéfiants d'apposer sur l'ordonnance les mentions relatives aux délivrances ;

- ou pour les faits mentionnés à l'article R. 147-8 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6565IEU) du fait de leurs salariés.

  • Fraudes commises par les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes

Peuvent faire l'objet d'une pénalité les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes :

- qui ne respectent pas le caractère forfaitaire de la prise en charge des actes, prestations et produits couverts par le forfait de soins partiel ou global du tarif journalier, lorsqu'il aura été constaté des facturations individuelles répétées de prestations d'assurance maladie déjà couvertes par les forfaits ;

- ayant empêché ou tenté d'empêcher l'exercice des activités de contrôle d'un organisme d'assurance maladie par le refus d'accès à une information, l'absence de réponse ou la réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive, à toute demande de pièce justificative, d'information, d'accès à une information, ou à une convocation, émanant d'un organisme local d'assurance maladie ou du service du contrôle médical, dès lors que la demande est nécessaire à l'exercice du contrôle ou de l'enquête ;

- n'ayant pas respecté les formalités administratives relatives à la transmission des éléments prévus à l'article R. 314-169 du Code de l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L6644G79), dès lors que cette transmission n'a pas été effectuée dans un délai de quinze jours après relance par le directeur de l'organisme local concerné ; l'obligation d'établir la demande de prise en charge prévue au c de l'article R. 174-15 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3378HWZ) ou la transmission du tableau prévu à l'article D. 174-3 du même code (N° Lexbase : L9082ADQ) ;

- ou pour les faits mentionnés à l'article R. 147-8 (N° Lexbase : L6565IEU) du fait de leurs salariés (CSS, art. R. 147-10 N° Lexbase : L6583IEK).

II - Prononcé des sanctions

A - Recouvrement des indus et procédure de contrainte

Afin d'améliorer l'efficacité de la lutte contre la fraude, le législateur (LFSS, art. 118, créant un article L. 161-1-5 au Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L2949IC9) a, en 2008, étendu à tous les organismes de Sécurité sociale le droit de recourir à la procédure de la contrainte pour récupérer des prestations indues et autorisé les organismes débiteurs de prestations familiales à récupérer l'indu d'une prestation sur les autres aides versées à l'allocataire même si cette compensation se fait sur une prestation qui est financée sur un autre fonds que le Fonds national des prestations familiales, dont l'objet est de financer les prestations familiales.

La procédure de la contrainte existe depuis de nombreuses années pour recouvrer les dettes de cotisations sociales. Elle est utilisée très fréquemment par les Urssaf qui disposent ainsi d'un mécanisme simplifié de recouvrement. L'article L. 244-9 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4979ADR) permet au directeur d'une Urssaf, après avoir envoyé au débiteur de cotisations sociales une mise en demeure resté sans effet, d'émettre un titre exécutoire dans des conditions dérogatoires au droit commun. L'article L. 161-1-5 reprend la même rédaction pour définir les effets juridiques de la contrainte que celle déjà existante pour la branche du recouvrement. L'ensemble des organismes de Sécurité sociale peuvent désormais recourir à cette procédure d'exécution pour recouvrer les prestations indues.

Il existe deux autres procédures permettant aux caisses de Sécurité sociale de recourir à la procédure de la contrainte. Cette possibilité est offerte, tout d'abord, pour le recouvrement des pénalités administratives qui visent à sanctionner les infractions commises par les bénéficiaires des prestations familiales, des prestations de l'assurance vieillesse et des prestations de l'assurance maladie, pour chercher à obtenir des prestations indues. Elle est aussi possible pour recouvrer les prestations indues auprès des professionnels de santé ou des établissements de soins lorsqu'ils n'ont pas respecté les règles de tarification ou de facturation. Cette extension de la procédure de contrainte permet d'éviter aux organismes de Sécurité sociale, en cas d'échec de la procédure amiable de recouvrement des indus, de devoir saisir le tribunal des affaires de Sécurité sociale pour obtenir un titre exécutoire et exercer le recouvrement selon les voies de droit commun, ce qui induit des frais de gestion, un allongement des délais de recouvrement et un encombrement des tribunaux.

B - Procédure des pénalités financières

L'article 115 de la LFSS 2009 a réformé la procédure des pénalités financières introduite par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004. Ces pénalités financières visent à sanctionner les abus, les fraudes, les omissions volontaires permettant de percevoir un montant majoré de prestations et tout autre manquement délibéré aux prescriptions du Code de la Sécurité sociale commis soit par les bénéficiaires de l'assurance maladie, les professionnels de santé et les établissements de soins. La sanction est prononcée par le directeur de l'organisme local de l'assurance maladie après une procédure contradictoire et l'avis d'une commission constituée par des administrateurs de l'organisme qui apprécie la responsabilité du contrevenant et module la pénalité selon la gravité des faits. L'objectif recherché était de disposer d'une procédure de sanction administrative qui soit dissuasive en prévoyant une pénalité financière modulable, mais qui soit moins lourde que le recours à une procédure pénale ou à une procédure ordinale dans le cas des professionnels de santé.

Trois ans après la mise en oeuvre effective de cette procédure, il apparaît qu'elle a été peu utilisée en raison de la lourdeur du dispositif et du caractère peu dissuasif du montant des pénalités. La LFSS 2009 a donc procédé à une réécriture de l'article L. 162-1-14 du Code de la Sécurité sociale.

Ces mesures ont été complétées par le décret n° 2009-982. Désormais, l'organisme local d'assurance maladie compétent pour mener la procédure et prononcer la pénalité financière est celui qui a ou aurait supporté l'indu ou le préjudice résultant des abus, fautes ou fraudes en cause. En l'absence d'indu ou de préjudice, l'organisme compétent est alors celui dans lequel les contrôles, la procédure de mise sous accord préalable ou la bonne gestion des services ou du contrôle médical ont été affectés ou empêchés ; dans le ressort duquel exerce, à titre principal, le professionnel qui a récidivé après deux périodes de mise sous accord préalable ; dans le ressort duquel exerce, à titre principal, le professionnel (visé au 8° du II de l'article L. 162-1-14) ; auquel est affilié l'assuré pour lequel l'employeur n'a pas respecté les obligations mentionnées à l'article R. 147-7 ; auquel est rattaché le bénéficiaire de la protection complémentaire en matière de santé, de l'aide médicale de l'Etat ou de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé (CSS, art. R. 147-1-I).

Lorsque des faits de même nature, commis par l'une des personnes mentionnées au premier alinéa du VI de l'article L. 162-1-14, ont causé un préjudice à plusieurs organismes locaux d'assurance maladie, les organismes compétents peuvent mandater l'un d'entre eux pour mener l'ensemble de la procédure (CSS, art. R. 147-1-II). L'organisme mandaté prononce la pénalité, recouvre et conserve la totalité de son montant au titre de ses frais de gestion, sauf mention contraire dans le ou les mandats.

Surtout, le décret donne des indications précieuses sur le régime du prononcé des sanctions (CSS, art. R. 147-2-I). Lorsqu'il a connaissance de faits susceptibles de faire l'objet de la pénalité financière, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie adresse à la personne physique ou morale en cause la notification par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Lorsque ces faits ont donné lieu à l'engagement de la procédure mentionnée à l'article L. 315-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4682H9B), la notification ne peut intervenir qu'à l'issue de cette procédure. Cette notification précise les faits reprochés et le montant de la pénalité encourue et indique à la personne en cause qu'elle dispose d'un délai d'un mois à compter de sa réception pour demander à être entendue, si elle le souhaite, ou pour présenter des observations écrites. Lorsque la procédure de sanction est engagée à l'encontre d'un établissement de santé, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie en informe simultanément la commission exécutive de l'agence régionale de l'hospitalisation.

Après que le directeur de l'organisme local d'assurance maladie ou son représentant, accompagné par un représentant du service du contrôle médical, a présenté ses observations, et après avoir entendu la personne en cause, la commission rend un avis motivé, portant notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, la responsabilité de la personne et le montant de la pénalité ou de chacune des pénalités susceptible d'être appliquée. La commission doit adresser son avis au directeur de l'organisme local, ainsi qu'à la personne en cause dans un délai maximum de deux mois à compter de sa saisine (CSS, art. R. 147-2-II).

A compter de la réception de l'avis de la commission ou de la date à laquelle celui-ci est réputé avoir été rendu, le directeur peut soit décider d'abandonner la procédure, auquel cas il en informe la personne dans les meilleur délais, soit décider de poursuivre la procédure, auquel cas il dispose d'un délai d'un mois pour notifier la pénalité à la personne en cause par une décision motivée et par tout moyen permettant de rapporter la preuve de la date de réception. Cette notification de payer précise la cause, la nature, le montant des sommes réclamées au titre de la pénalité ou de chacune des pénalités prononcées et mentionne l'existence d'un délai d'un mois, à partir de sa réception, imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées, ainsi que les voies et les délais de recours (CSS, art. R. 147-2-III).


(1) Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour 2009, art. 114 à 120 (N° Lexbase : L2678IC8), lire nos obs., LFSS 2009 : de quelques réformes des branches maladie, accident du travail/maladie professionnelle et famille, Lexbase Hebdo n° 332 du 7 janvier 2009 - édition sociale (N° Lexbase : N2160BIT).
(2) Y. Bur, Assemblée nationale, Rapport 1211, 23 octobre 2008, tome I, Recettes et équilibre général.
(3) Lire nos obs., Réforme de l'assurance maladie (1ère partie) : le contexte institutionnel et financier, Lexbase Hebdo n° 132 du 31 août 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N2659AB4) et Réforme de l'assurance maladie (2ème partie) : principales mesures adoptées, Lexbase Hebdo n° 133 du 8 septembre 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N2729ABP).
(4) J.-J. Jégou, Avis Sénat n° 84, 2008-2009, p. 210 ; A. Vasselle, Rapport Sénat n° 83, 2008-2009, tome VII, examen des articles, p. 305-319 ; J.-J. Jégou, Avis Sénat n° 84, 2008-2009, p. 213-222.

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