La lettre juridique n°357 du 2 juillet 2009 : Éditorial

Garantie de passif, acquéreur comme vendeur : mieux vaut assurer ses... devants !

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


"La crainte de perdre engendre les mêmes passions que celle d'acquérir, car les hommes ne tiennent pour assuré ce qu'ils possèdent que s'ils y ajoutent encore" (Machiavel, Pensées).

Il n'est point besoin d'être cynique pour constater que la vie des affaires, loin d'être bâtie sur la confiance ou le gentlemen agreement, est entachée de la plus grande suspicion à l'égard de tous et de tout. Assurément, cela ne relève jamais de l'appréciation personnelle, mais les aléas de la vie, les catastrophes naturelles, l'économie chahutée ou, tout simplement, une gestion imprudente obligent les acteurs économiques à s'assurer toujours plus contre le risque. La négation du risque, voilà l'enjeu d'un développement économique, et plus singulièrement entrepreneurial, sain au XXIème siècle -jusqu'à la négation de l'esprit d'entreprise ?-.

Alors, rien d'étonnant à ce que la traditionnelle garantie de passif accordée par le vendeur, lors de la cession de son entreprise, au profit d'un acquéreur soucieux de ne pas "découvrir un lièvre", notamment, social ou fiscal, quelques mois voire quelques années après avoir repris l'affaire, ne suffise plus à la sérénité bien ordonnée du nouveau chef d'entreprise ou simple actionnaire majoritaire. Ce dernier se souvient de ses lectures shakespeariennes, et lui qui a sans doute emprunté pour acquérir l'affaire qu'il croit florissante, n'a pas envie de se retrouver comme le marchand de Venise, Antonio, victime de la perte en domino de ses navires bondés d'épices et d'étoffes, et n'ayant comme seule garantie que de livrer une livre de sa chaire à l'usurier Sherlock... Morale (économique) de cette histoire, qui se déroule à la fin du XVIème siècle, c'est que ce marchand bien imprudent eut mieux fait d'assurer son affaire, le principe de réassurance ou de contre-garantie étant parfaitement développé en Italie depuis le XIVème siècle !

Et, à la manière de ces marchands italiens qui répartissaient les valeurs transportées sur plusieurs navires contre-garantissant une partie des marchandises par l'émission de titres payables par les acheteurs, en cas d'aléa ou de disparition totale du bateau, ou de ces assureurs cherchant la garantie d'un tiers pour couvrir la partie du trajet la plus exposée aux conditions climatiques ou politiques dangereuses, le cessionnaire d'une affaire cherchera l'assurance que le cédant pourra honorer la garantie de passif. C'est l'essor de la garantie de garantie de passif dont les tenants revêtent plusieurs formes.

La plus classique tient dans la contractualisation de sûretés personnelles (caution ou garantie à première demande), voire de sûretés réelles (gages et autres hypothèques) ; mais comme "à mauvais payeur, mauvaises garanties" (Homère, l'Odyssée), la garantie de garantie de passif consistera, bien souvent, en la souscription d'une assurance ad hoc, par le vendeur (actionnable par l'acquéreur) ou par le l'acquéreur (actionnable à première demande). C'est sur ce dernier mécanisme que Lexbase Hebdo - édition privée générale a souhaité revenir avec Raphaël Piotraut, souscripteur, Département Fusions et Acquisitions, AIG Europe.

Certes depuis le Code d'Hammourabi (premières esquisses de la réassurance), la souscription d'une telle garantie de garantie nécessite des trésors d'audit, une cartographie des risques, et de savants calculs de probabilité pour prévoir... l'imprévisible. Mais, "rien n'assure aussi vite la prospérité des uns que les erreurs des autres" (Francis Bacon).

Au final, il s'agit, tout en évitant le séquestre, sur plusieurs années, du prix de cession, de favoriser les reprises d'entreprise, quel que soit le contexte économique, en minimisant le risque rationnel, pour ne s'attacher qu'au risque inhérent à toute activité économique : la rencontre d'une offre satisfaisante et d'une demande identifiable.

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