Réf. : CE, 29 mai 2009, n° 300599, Mme Bourges (N° Lexbase : A3360EHW)
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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz
le 07 Octobre 2010
Les juges suprêmes rejettent le pourvoi, et considèrent que les dispositions selon lesquelles l'intégration prend effet dans le délai d'un an qui suit la réussite à l'examen professionnel d'une secrétaire de mairie n'a pas "pour objet, et ne sauraient avoir légalement pour effet, d'imposer à l'autorité territoriale dont relèvent ces fonctionnaires de procéder à cette intégration dans les effectifs de la commune lorsque celle-ci ne dispose pas d'un emploi vacant d'attaché territorial et que l'organe délibérant [...] n'a pas décidé de créer un tel emploi". Pour le Conseil d'Etat, le cas échéant, l'intégration d'une secrétaire de mairie ayant réussi l'examen en cause "peut avoir lieu par voie de mutation dans une autre collectivité disposant d'un tel emploi vacant". Le verdict du Conseil d'Etat illustre bien les difficultés rencontrées par le juge pour assurer l'équilibre entre deux principes a priori antinomiques, le principe constitutionnel de libre administration qui reconnaît aux autorités territoriales la maîtrise du recrutement et de la gestion de leurs fonctionnaires, et la garantie de l'emploi, assurée à ces derniers par le système de la carrière (II). Les fonctionnaires territoriaux relèvent des mêmes droits et obligations que les fonctionnaires d'Etat et hospitaliers, mais leur recrutement présente immanquablement un caractère particulier ce dont témoigne la décision d'espèce (I).
I - Une décision qui rappelle le caractère particulier du recrutement des fonctionnaires territoriaux
Le raisonnement du juge se fonde, en l'espèce, sur deux éléments essentiels de la particularité du recrutement des fonctionnaires territoriaux : la spécificité du caractère de la notion de "cadre d'emploi" (A), et le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales dans la gestion individuelle des agents (B).
A - Un rappel de la spécificité du cadre d'emploi dans la fonction publique territoriale
L'unité, la comparabilité et la spécificité constituent les trois fondements théoriques de la fonction publique territoriale. L'unité s'exprime, sur le terrain du droit, par l'assujettissement de l'ensemble des fonctionnaires des collectivités territoriales à un statut commun. La comparabilité s'explique par la nécessité de pouvoir comparer les deux fonctions publiques en termes de métiers et de carrières des fonctionnaires. Il s'agit de penser la fonction publique territoriale sur le modèle de la fonction publique d'Etat, afin que toutes les deux atteignent les mêmes buts et offrent les mêmes garanties. La notion est synonyme d'égalité et répond, justement, à une revendication de reconnaissance statutaire et pécuniaire identique par rapport à la fonction publique d'Etat (7).
La fonction publique territoriale est pourtant caractérisée par une grande diversité d'employeurs (8) tout comme de catégories professionnelles (9), et il peut paraître, en ce sens, difficile d'appliquer ces principes d'unité et de comparabilité. Malgré cette diversité, le législateur a voulu, dès le début, instituer cette sorte de parité entre la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale. La notion de "cadre d'emplois" n'existait pas aux origines de la loi statutaire du 26 janvier 1984, relative à la fonction publique territoriale (10), puisque le modèle retenu était le même que celui de la fonction publique d'Etat, à savoir le corps. Mais sont apparus, assez rapidement, la marge et le risque d'erreur à transposer un système unifié conçu pour la fonction publique de l'Etat où, malgré la diversité apparente des ministères et des services extérieurs, il existe un employeur seul et unique, l'Etat, à la fonction publique territoriale, dont les membres sont au service de quelques dizaines de milliers d'employeurs qui sont autant de personnes publiques indépendantes. Pour cette raison, l'exigence de comparabilité a progressivement laissé la place, puis disparu, au profit du principe de spécificité. Ce principe propre à la fonction publique territoriale réside dans le fait que le législateur a souhaité maintenir les agents sous l'autorité des employeurs territoriaux, tout en cherchant à unifier leur gestion dans le cadre d'un statut unique. En ce sens, c'est la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 (11), qui, tout en préservant les acquis essentiels de la loi statutaire du 26 janvier 1984, a assoupli les structures de gestion pour affirmer davantage l'autonomie des autorités territoriales.
C'est ainsi que le système de "corps" est remplacé par le système de "cadre". Comme le corps, le cadre constitue un regroupement de fonctionnaires soumis au même statut particulier et titulaires d'un grade leur donnant vocation à occuper un ensemble d'emplois. Mais le cadre d'emploi est une sorte de "corps éclaté", dans la mesure où chaque collectivité et chaque établissement gèrent les cadres d'emploi qu'ils créent (12). Cette nouvelle organisation marque avec force l'abandon du principe de comparabilité au profit de la spécificité. Ainsi, les fonctionnaires territoriaux appartiennent à des cadres d'emplois régis par des statuts particuliers (13). Ces statuts particuliers ont un caractère national et sont communs à tous les agents des communes, des départements, des régions et de leurs établissements publics (14).
Le cadre d'emploi regroupe les fonctionnaires soumis au même statut particulier, titulaires d'un grade leur donnant vocation à occuper un ensemble d'emplois. Chaque titulaire d'un grade a vocation à occuper certains des emplois correspondant à ce grade. Pour ce faire, chaque statut particulier définit la hiérarchie des grades, le nombre d'échelons dans chaque grade, les règles d'avancement d'échelon et de promotion au grade supérieur afférent au cadre d'emplois (15). Il précise, également, les conditions d'accès soit par concours, soit par promotion interne, ainsi que les dispositions particulières liées au détachement du fonctionnaire.
C'est le cas, en l'espèce, du décret n° 2001-1197 du 13 décembre 2001, qui a mis en place un dispositif progressif d'intégration des membres du cadre d'emplois des secrétaires de mairie dans le cadre d'emplois des attachés territoriaux. Les secrétaires de mairie qui souhaitent bénéficier de ces intégrations doivent réussir un examen professionnel, sur titre avec épreuves pour ceux qui justifient des titres requis pour l'inscription au concours d'attaché territorial, et sur épreuve sans condition de diplôme pour les autres fonctionnaires (16).
Les cadres d'emploi sont édictés par décret en Conseil d'Etat, sur proposition, ou après avis, du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). Ces statuts particuliers sont d'application nationale, de sorte que les collectivités territoriales ne peuvent ni créer, ni modifier les cadres d'emplois. Un conseil municipal ne peut délibérer en contradiction avec les textes régissant le statut de la fonction publique territoriale et les statuts particuliers de chaque cadre d'emploi, élément qui aurait pu être pris en considération par le juge à travers la disposition visant l'intégration dans le cadre d'emploi des attachés territoriaux, au plus tard dans le délai d'un an qui suit la date à laquelle ils sont déclarés lauréats de l'examen professionnel (17). Toutefois, ce n'est pas ce qu'a retenu le juge, ce dernier privilégiant le principe de libre administration dans la gestion individuelle des agents.
B - Un rappel quant au respect du principe de libre administration dans la gestion individuelle des agents
Quasiment ignorée sous la IVème République, la notion de libre administration n'a été utilisée durant les vingt premières années de la Vème République que comme règle de répartition des compétences entre la loi et le règlement national. Puis la notion est progressivement devenue une règle de fond protégeant les collectivités. Le changement est définitivement acquis avec la décision du Conseil constitutionnel du 23 mai 1979, relative à la Nouvelle-Calédonie (18). Pour la première fois, le juge n'opère plus un partage de compétence mais exerce un contrôle de fond sur la loi. Principe de valeur constitutionnelle (19), la libre administration permet de contrôler l'action du législateur et de contrôler ses pouvoirs en matière de collectivités territoriales. Si cette conception des choses n'avait certainement pas été imaginée par les rédacteurs de la Constitution, le Conseil constitutionnel a, par la suite, rappelé dès 1984 que le législateur devait veiller à ce qu'un seuil minimum de compétences reste dévolu aux employeurs territoriaux (20). En ce sens, le législateur doit concilier l'établissement de garanties statutaires pour les agents territoriaux et la libre gestion de leur personnel par les autorités locales. Si la plupart des limitations que la loi apporte sont justifiées, il y a certaines dispositions jugées non justifiées qui présentent une contrainte excessive de nature à porter atteinte au principe de libre administration (21).
L'accès des citoyens à la fonction publique territoriale est donc caractérisé par la liberté dont jouit "l'autorité territoriale" dans la sélection des candidats à la nomination. Cette liberté est comparable à celle dont dispose les employeurs privés dans les relations contractuelles qu'ils engagent avec les demandeurs d'emploi. Ayant pris acte de cet état de fait, l'article 4 de la loi du 26 janvier 1984 précitée dispose que "les fonctionnaires territoriaux sont gérés par la collectivité ou l'établissement dont ils relèvent ; leur nomination est faite par l'autorité territoriale". L'article 40 de cette même loi dispose, en outre, que "la nomination aux grades et emploi de la fonction publique territoriale est de la compétence exclusive de l'autorité territoriale". Pour identifier "l'autorité territoriale", il faut relever qu'il y a une compétence de principe des collectivités dans la gestion de leur personnel qui se répartit entre exécutif territorial et assemblée délibérante. La première se voit reconnaître un rôle important en matière de gestion individuelle des agents. La seconde a plutôt un rôle d'organisation générale des services, qui encadre largement les possibilités d'action de l'autorité territoriale en matière de gestion de personnel. L'autorité exécutive territoriale a compétence exclusive pour prendre les principales décisions affectant la carrière des agents : la nomination (22), comme la plupart des autres décisions individuelles (les mutations internes, la notation, l'avancement d'échelon, l'avancement de grade ou encore l'exercice du pouvoir disciplinaire). Elle tire son pouvoir d'une double légitimité : une légitimité politique, le maire étant élu au suffrage universel direct par le peuple pour gérer une collectivité, il doit pouvoir conserver une certaine liberté dans la gestion et le recrutement de ses agents, sans pour autant aller à l'encontre des garanties statutaires ; et une légitimité institutionnelle, le maire, comme les organes exécutifs des autres collectivités étant "le chef de l'administration" (23), il est au sommet de l'organigramme et dispose de la légitimité pour prendre les décisions en dernier ressort intéressant la gestion des services et des agents y travaillant.
Les assemblées délibérantes des différentes collectivités territoriales ont, en revanche, compétence pour fixer l'organisation générale des services. A ce titre, il appartient à l'assemblée délibérante, et à elle seule, de décider de l'organisation des différents services publics gérés par la collectivité et, notamment, de décider de leur mode de gestion, public ou privé. Or ce choix a une incidence évidente sur la gestion des personnels fonctionnaires et sur la politique de recrutement que l'autorité territoriale devra mener. C'est l'article 34 de la loi du 26 janvier 1984 précitée (N° Lexbase : L4045E39), qui pose le principe selon lequel "les emplois de chaque collectivité ou établissement sont créés par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement". Ce dernier procède librement à la création et à la suppression des emplois dans l'intérêt du service, sous réserve de l'application de règles spécifiques de seuils démographiques ou de quotas. Ce pouvoir d'organisation des services revêt une importance particulière en matière de gestion des personnels. Il conditionne, en effet, les décisions de l'autorité territoriale en matière de recrutement ou de gestion individuelle de la carrière des agents. En ce sens, le rôle des deux autorités est complémentaire et leur accord est nécessaire à la création d'un emploi vacant, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.
II - Une décision qui confirme la recherche, par le juge, d'un équilibre entre liberté de gestion et garanties liées au système de carrière
Le juge n'hésite pas, dans sa recherche d'équilibre entre la liberté de gestion et les garanties de carrière, à s'opposer, en l'espèce, à la volonté du pouvoir réglementaire d'un recrutement par l'employeur d'origine (A). Ce faisant, il fait prédominer le principe de libre administration et rappelle l'interdiction subséquente et classique des nominations pour ordre (B).
A - Un équilibre matérialisé par l'opposition, en l'espèce, à la volonté du pouvoir réglementaire d'un recrutement par l'employeur d'origine
Malgré la réforme importante dont il a bénéficié et qui a, notamment, fait passer le cadre d'emplois de la catégorie A à la catégorie B (24), le cadre d'emplois des secrétaires de mairie a continué de connaître des difficultés importantes. Elles tiennent, pour l'essentiel, au caractère atypique du statut qui ne différencie pas grade et emploi (25), et ne favorise pas suffisamment la fluidité des déroulements de carrière et la mobilité fonctionnelle des agents. Le décret précité du 13 décembre 2001, qui avait obtenu un avis favorable du CSFPT, a entendu y remédier et offrir, en particulier, des possibilités de gestion et de déroulement des carrières plus complètes à ces fonctionnaires. Il a, ainsi, été prévu une possibilité d'intégration de ces fonctionnaires dans celui du cadre d'emplois des fonctionnaires territoriaux, et une mise en extinction conséquente du cadre d'emploi des secrétaires de mairie. Une intégration progressive assortie d'un mécanisme de sélection a, néanmoins, été justifiée par une série de considérations qui tiennent autant à la variété des niveaux de qualification et de recrutement des secrétaires de mairie qu'au souci de veiller à un équilibre avec les agents relevant du cadre d'emplois des attachés territoriaux, voire encore aux éventuelles possibilités d'avancement aux grades d'attaché principal et de directeur territorial. Indispensable au regard des perspectives de carrière nouvelles ainsi offertes, le mécanisme de sélection (26) doit permettre à l'essentiel des membres du cadre d'emplois des secrétaires de mairie d'intégrer le cadre d'emplois des attachés durant les cinq premières années et comme dit précédemment, les intégrations prononcées au premier grade d'attaché devront l'être au plus tard dans l'année suivant la date de réussite à l'examen professionnel (27). A terme, on le rappelle, le cadre d'emploi des secrétaires de mairie est appelé à disparaître, absorbé par le cadre d'emploi des attachés territoriaux.
Il est clair que l'intention des auteurs du décret était donc que l'intégration soit prononcée par l'employeur d'origine, c'est-à-dire celui qui emploie l'agent en tant que fonctionnaire du cadre d'emploi des secrétaires de mairie, sans que cela contredise, a priori, le principe de libre administration des collectivités territoriales. Le Conseil d'Etat s'est même prononcé en ce sens dans un cas assez similaire, à propos de dispositions prévoyant l'intégration de certains fonctionnaires dans le cadre d'emplois des attachés territoriaux (28). Le juge suprême rappelant, notamment, que les dispositions en cause avaient eu "pour objet de permettre l'intégration directe de fonctionnaires dans le cadre d'emplois des attachés territoriaux au titre de la constitution initiale de ce cadre d'emplois", qu'elles avaient été prises en application l'article 38 b de la loi du 26 janvier 1984 (N° Lexbase : L6947AHR), selon lequel les fonctionnaires peuvent, par dérogation, être recrutés sans concours "lors de la constitution initiale d'un corps ou d'un cadre d'emplois ou de la création d'un emploi par transformation de corps, de cadres d'emplois ou d'emplois existants" et que, par suite, elles ne méconnaissent pas le principe de libre administration des collectivités territoriales (29). Ainsi, les dispositions du décret du 13 décembre 2001, elles aussi prises en application de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984, avaient pour objet de permettre "l'intégration totale ou partielle des fonctionnaires d'un cadre d'emplois dans un autre cadre d'emplois classé dans la même catégorie" (art. 38 e), et que, établies en ce sens et conformément à la décision de 2001, elles ne méconnaissaient pas davantage le principe de libre administration.
Il était peut-être logique de revendiquer, en ce sens, l'intégration de droit d'un secrétaire de mairie, lauréat de l'un des examens professionnels précités, mais encore fallait-il qu'un emploi d'attaché soit réellement créé ou libéré pendant la période d'un an au sein de la collectivité dont relève l'agent concerné. C'est en ce sens que le Conseil d'Etat revient sur sa jurisprudence initiale, indiquant que les dispositions en cause sont contraires au principe de libre administration. On peut citer, à cet égard, la décision prise dans le même sens et le même jour par le juge suprême dans des faits assez similaires, le tribunal administratif ayant juste, dans ce cas d'espèce, fait droit à la demande de l'intéressée en se fondant sur son droit à l'intégration dans l'année suivant la réussite à l'examen professionnel (30). L'interprétation effectuée par le Conseil d'Etat marque, ainsi, les limites de cette recherche d'équilibre entre le principe de libre administration et les garanties accordées au fonctionnaire. C'est le principe de libre administration qui est donc mis en avant, au détriment des garanties règlementaires. L'exercice, par les intéressés, de leur droit à être intégrés en qualité d'attaché territorial dans les communes dont ils relèvent est subordonné à l'existence d'un emploi vacant que le conseil municipal n'est pas tenu de créer. La nomination hors de la création d'un emploi vacant relèverait d'une nomination pour ordre qui, de manière constante, est interdite dans le droit de la fonction publique.
B - Un équilibre matérialisé par le rappel à l'interdiction subséquente des nominations pour ordre
Le principe selon lequel une nomination n'est régulière que si elle a pour objet exclusif de pourvoir à un emploi vacant a été dégagé par la jurisprudence (31), puis repris dans les statuts généraux successifs (32). Il est actuellement énoncé par l'article 12 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L5205AHA), où, selon les termes du troisième alinéa, "toute nomination, ou toute promotion, dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d'exercer les fonctions correspondantes est nulle". Rappelée en l'espèce, la règle ainsi énoncée prohibe de manière absolue toutes les nominations fictives, qualifiées de "nominations pour ordre", qui n'ont pas pour objet de pourvoir effectivement aux besoins de l'administration dans le poste dont l'intéressé devrait remplir les fonctions. Le fait de savoir si l'agent nommé dans ces conditions en retire un avantage personnel, même si c'est fréquemment le cas, est ici sans importance. De semblables nominations sont donc entachées d'irrégularité, en vertu d'une jurisprudence constante depuis l'arrêt de Section du 30 juin 1950, "Sieur Massonaud" (33). Ces décisions sont juridiquement inexistantes et leur caractère "nul et non avenu" peut être reconnu à toute époque sans que soient opposables les délais de recours. L'autorité administrative peut et doit, en conséquence, retirer à toute époque ces décisions qui ne sont jamais créatrices de droits.
Le caractère décisif de la nomination pour ordre est le caractère fictif de la mesure et dépend donc uniquement du point de savoir si celle-ci a eu, ou non, pour objet de pourvoir réellement aux besoins de l'administration, c'est-à-dire dans le poste dont l'intéressé doit remplir les fonctions. Le caractère nul et non avenu de la nomination, qui doit être relevé d'office (34), entraîne la nullité des mesures subséquentes rendues possibles par cette nomination.
La qualification de nomination pour ordre est appliquée à divers types de situation dans lesquelles la nomination n'a pas pour objet exclusif de pourvoir à un emploi vacant. Il en va ainsi, par exemple, des nominations qui n'ont d'autre but que de permettre aussitôt une promotion (35) (ce qui rejoindrait le cas d'espèce), un détachement (36), ou une mise à disposition (37).
Sont, également, des nominations pour ordre celles qui concernent des agents en réalité maintenus dans leur position d'origine : détachement ou emploi de chargé de mission (38). Ces agents n'occupent pas des emplois sur lesquels ils sont nommés. Enfin, a de même été qualifiée une nomination à un emploi de directeur de cabinet du maire qui visait, en réalité, à pourvoir l'emploi de directeur général des services, lequel n'était pas vacant (39), ou l'avancement de grade d'un directeur d'établissement territorial d'enseignement artistique de première catégorie prononcé pour occuper un emploi qui n'était pas, en réalité, vacant, même si son titulaire en avait été écarté par une mesure de suspension (40). L'ensemble de cette jurisprudence souligne l'attention portée par le juge administratif à la régularité des nominations dans l'administration, ainsi que la rigueur avec laquelle il sanctionne les nominations fictives. Celles-ci ne sont à l'abri d'aucune contestation, fut-elle très tardive, et leur apparente régularité n'est pas forcément un gage de leur longévité.
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