Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 1er avril 2009, n° 323585, Communauté urbaine de Bordeaux (N° Lexbase : A5013EEE)
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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz
le 07 Octobre 2010
L'opérateur allemand Deutsche Bahn a, pourtant, contesté en référé la procédure suivie, estimant, notamment, que les formalités de publicité retenues méconnaissaient les principes de transparence et de non-discrimination à l'égard des opérateurs établis hors de France. Par ordonnance en date du 10 décembre 2008, la procédure litigieuse a été annulée sur ce fondement par le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Bordeaux, saisi en application de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L6369G9R) (TA Bordeaux, 10 décembre 2008, n° 0805028, DB Mobility Logistics AG N° Lexbase : A3578ECI). Le juge des référés estimant que "compte tenu de l'objet, du montant financier et des enjeux économiques de la délégation de service public à passer, susceptible d'intéresser des opérateurs implantés hors de France, une insertion devait, nécessairement, être assurée dans un support bénéficiant d'une diffusion européenne". La CUB et la société Kéolis, bénéficiaire du contrat de délégation de service public, se sont alors pourvues en cassation devant le Conseil d'Etat contre l'ordonnance rendue par ce juge. Le Conseil d'Etat annule l'ordonnance pour erreur de droit, dans la mesure où le juge des référés n'a pas vérifié quelle était l'audience des publications retenues. Il n'est pas nécessaire que la publication soit diffusée à l'échelle européenne comme l'a retenue le juge des référés, aucune disposition du Code général des collectivités territoriales n'exigeant de procéder systématiquement à une insertion dans un support bénéficiant d'une diffusion européenne. Une publication française peut suffire, mais il faut que cette publication ne puisse pas échapper à l'attention des opérateurs raisonnablement vigilants du secteur économique concerné, y compris si ces opérateurs sont implantés dans un autres pays européen.
Le juge suprême a, ensuite, réglé l'affaire au fond en tant que juge des référés sur le fondement de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3298ALQ), au regard de l'audience des trois supports retenus. Pour le juge, les deux premières publications (la revue Ville & Transports et le site Marchés On Line) sont des supports de référence, respectivement dans le domaine des transports publics de voyageur, et dans celui des marchés de service et des délégations de service public passés sur le territoire français, la troisième (la revue Moniteur du Bâtiment & des travaux publics) étant un support de référence dans le secteur des bâtiments et travaux publics. Compte tenu des publications intervenues, la CUB a mis en oeuvre une publicité adéquate, n'a pas méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence et n'a pas porté atteinte à l'égalité de traitement entre les opérateurs.
Il ressort de la décision du Conseil d'Etat une approche assez large du principe d'égalité de traitement des opérateurs européens et français dans la soumission aux offres de délégation de service public. La délégation de service public est, à l'origine, fondée sur le principe du libre choix du délégataire (l'intuitu personae), ce qui la place en dehors du champ du Code des marchés publics, les mesures de publicité n'ayant pour objectif, logiquement, que d'éclairer le choix de l'autorité locale. Ce n'est plus dans ce cadre qu'elle doit fonctionner mais dans l'esprit du nouveau droit de la commande publique qui amène à ce que le juge se prononce, dans son contrôle des formalités de publicité, dans une logique plus économique que formaliste (I). Se voit, ainsi, confirmée la tendance conséquente, ces derniers temps, au rapprochement des modalités de passation des contrats de marchés publics et de délégations de service public (II).
I - Un juge administratif qui se prononce dans une logique plus économique que formaliste
L'acheteur public voit, aujourd'hui, son rôle dépasser la simple passation du contrat et le respect des procédures. Il se doit de prendre en compte le droit de la concurrence et, partant, d'être le régulateur de son marché (1). En ce sens, et comme peut le relever Florian Linditch, la publicité "n'est pas simplement une étape procédurale, elle doit également être performante, pour ne pas dire séduisante" (2). Dans l'esprit du nouveau droit de la commande publique, les collectivités doivent raisonner en considérant les "opérateurs économiques" potentiellement intéressés. Dans son appréciation de cette obligation de publicité, le juge fait toujours preuve d'un certain réalisme, ce qui l'amène à dépasser le strict cadre textuel de la publicité réalisée dans les journaux d'annonces légales (A) et à contrôler la pertinence de la publicité opérée dans les revues spécialisées (B), même si cela peut parfois prêter à discussions.
A - Le dépassement du strict cadre textuel de la publicité réalisée dans les journaux d'annonces légales
Mises à part certaines publicités facultatives, l'acheteur public est soumis à une obligation de publicité qui, schématiquement, varie selon la nature et l'ampleur des prestations en cause, l'objectif de la réglementation étant d'imposer des formalités a priori proportionnelles à l'importance du contrat, notamment au regard de l'impact supposé de celui-ci sur le marché concurrentiel. Dans le cadre d'un contrat de délégation de service public, la première publicité doit être effectuée au moyen d'une "insertion dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales" (CGCT, art. R. 1411-1, précité). Cette condition ne donne pas lieu, en général, à un contentieux abondant. Le formalisme de l'habilitation à recevoir des annonces légales, de même que la liste des journaux habilités établie annuellement par la préfecture, ne laisse, en effet, que peu de place à la discussion. Tout au plus le juge administratif vérifie-t-il la qualité de journal d'annonces légales (3). A défaut de cette qualité, il refusera de considérer que la formalité d'insertion est valable, et ce même si la publicité réalisée par ailleurs est incontestablement pertinente au plan de la mise ne concurrence.
Le Conseil d'Etat refuse, cependant, de s'engager dans le contrôle de la pertinence de la publicité réalisée dans les journaux d'annonces légales, même si certains arrêts semblent conforter une certaine évolution en ce sens dans le contrôle opéré. Il a, ainsi, pu juger que la publication de l'avis d'appel public à la concurrence au Journal officiel de l'Union européenne ne saurait être considérée comme équivalente à une publication dans un journal national ou local d'annonces légales, et ne saurait se substituer à la publicité interne (4). La publication dans ce cadre étant réservée à des avis de marchés dépassant les seuils communautaires. Or, les délégations de service public ne relèvent pas, pour l'heure, des procédures de passation organisées par les Directives européennes. En ce sens, les entreprises candidates à la délégation n'iraient pas consulter cette publication. Il y a là, de la part du Conseil d'Etat, une volonté non équivoque de dépasser la lecture purement formaliste des obligations de mise en concurrence.
L'on peut s'interroger, au final, sur l'application de cette première règle législative dans la mesure où celle-ci va à l'encontre de la logique économique prédominante. Bien des journaux habilités à recevoir des annonces légales ne procurent, finalement, qu'un faible lectorat intéressé par leur contenu, d'autant plus qu'ils fusionnent des publicités aux objets les plus divers (fonds de commerce, mariages matrimoniaux, déclarations d'utilité publique, annonces de marchés publics). En l'espèce, le juge ne s'est pas penché sur la publication dans les Echos judiciaires girondins. Il est pourtant indéniable que la publicité réalisée dans ce quotidien régional, même s'il est habilité à recevoir des annonces légales, est insuffisante pour un achat "lorsque la délégation de service public est, compte tenu de ses caractéristiques, susceptible d'intéresser des opérateurs implantés sur le territoire d'autres Etats membres de l'Union européenne". Dans ce cadre, une publication au Journal officiel de l'Union européenne aurait pu se justifier, même si la réglementation nationale ou communautaire n'oblige, en aucun cas, d'agir de la sorte. Il est certain que la réglementation doit évoluer sur ce point. Il y a, au surplus, une contradiction qui résulte du texte lui-même entre la très formaliste publicité au journal d'annonces légales, et l'invitation faite aux collectivités à travailler de manière réaliste pour l'appréciation de la publicité intéressant les secteurs concernés.
B - Le contrôle de la pertinence de la publicité spécialisée correspondant au secteur économique concerné
A côté de la publicité dans un journal d'annonces légales, la personne publique est tenue de réaliser une insertion "dans une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné" (CGCT, art. R. 1411-1, précité). Par la formulation retenue, cette seconde obligation de publicité tranche avec le renvoi formaliste au journal d'annonces légales, le législateur invitant clairement ici à une appréciation in concreto de la pertinence de l'organe de presse choisi. Pourtant, l'appréciation relevant d'un pouvoir discrétionnaire de l'administration, l'on aurait pu penser que le juge administratif se refuse à entrer dans la discussion, a fortiori lorsqu'il se prononce comme juge de cassation. Or, tel n'est pas le cas, la cour administrative d'appel de Lyon ayant initié un contrôle assez poussé en la matière en considérant que la publicité au Moniteur des travaux publics et du bâtiment ne correspondait pas aux exigences réglementaires, s'agissant d'un contrat de concession de réseau câblé de télévision (5). Le Conseil d'Etat est allé dans le même sens à propos du cas d'une délégation de la gestion d'un marché d'approvisionnement (6) mais il a, à l'inverse, également été conduit à considérer que cette même publicité pouvait valablement correspondre au "secteur économique concerné" pour ce qui concerne la délégation du service public de l'eau (7), une délégation de casino municipal (8), ou encore d'une délégation du service public de l'assainissement (9). La jurisprudence reste, en définitive, incertaine, comme en témoigne le cas des réseaux câblés à propos desquels il est jugé, tantôt que le Moniteur des travaux publics et du bâtiment constitue une publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné (10), tantôt qu'il ne remplit pas cette exigence (11).
Il est, à cet égard, parfois difficile de déterminer si une publication peut être considérée comme spécialisée dans le secteur économique correspondant à la délégation de service public lorsque, par exemple, il n'existe aucune publication de ce type. Le juge fait alors preuve en la matière d'un certain réalisme, et opte pour un critère d'appréciation fondé sur la réalité et l'effectivité de la publicité. En fait, lorsqu'il n'existe pas de publication spécialisée, la publicité sera regardée comme suffisante si la publication choisie a permis une information adéquate des opérateurs économiques susceptibles d'être intéressés. Le Conseil d'Etat pose même en principe que, "lorsqu'il n'existe aucune publication spécialisée correspondant au secteur économique concerné par le service public faisant l'objet de la délégation envisagée, il lui [la collectivité] appartient de rechercher quelle autre publication, plus générale, peut assurer une information suffisante des opérateurs économiques de ce secteur" (12). Le juge vérifiera donc que la collectivité délégante a été attentive dans le choix d'une publication en mesure de toucher le plus d'opérateurs économiques susceptibles d'être intéressés en fonction de l'objet du contrat. En l'espèce, le juge a estimé que les publications étaient adéquates du fait de leurs audiences (La revue Ville & Transports était "en France l'une des revues de référence dans le domaine des transports publics de voyageurs, recueillant un nombre élevé d'annonces légales concernant des délégations de service public" ; le site Marchés On Line constituant un site largement fréquenté, "avec plus de 2 millions de pages vues par mois, environ 14 500 entreprises inscrites") et de leur caractère reconnu de source d'informations pour les avis concernant les marchés de travaux publics, mais aussi les marchés de service et les délégations de service public.
II - Un juge administratif qui confirme la tendance au rapprochement des modalités de passation des contrats de marchés publics et de délégations de service public
Aujourd'hui, la question de l'application du droit de la concurrence aux contrats se pose plus largement qu'aux simples marchés publics. Les contrats soumis à des procédures propres de passation, au titre desquelles figurent les délégations de service public, sont, en effet, plus nombreux qu'auparavant. C'est bien toute la commande publique qui est en cause lorsque se pose la question du cumul de ces procédures spécifiques, à la fois contractuelles et de mise en concurrence, et le droit de la concurrence en général. Cette approche du droit de la commande publique comme un droit de la concurrence à part entière amène, par exemple et comme en l'espèce, à une application commune du principe communautaire de transparence aux contrats de marchés publics et de délégation de service public (A). Cependant, cette approche est aussi susceptible, à plus ou moins long terme, de réduire dangereusement le champ de la concession de service public par rapport à celui des marchés publics (B).
A - L'application commune du principe communautaire de transparence et l'obligation adéquate de publicité
Au cours des processus d'adoption des Directives sur les marchés de travaux et sur les marchés de services entre 1988 et 1990 (13), un débat avait eu lieu sur le point de savoir si les concessions de travaux et de services devaient être soumises au droit des marchés publics. Le résultat est connu : les concessions de travaux sont soumises, à partir d'un certain montant, à un régime de publicité allégé par rapport au régime des marchés publics, les concessions de service ne faisant pas l'objet d'une législation communautaire. Les seuls contrats de service envisagés sont les marchés de service définis comme "les contrats à titre onéreux, conclus par écrit entre un prestataire de services et un pouvoir adjudicateur". Au vu de cette conception très générale, deux conceptions ont été retenues au sujet de la concession de service public.
Selon la conception majoritaire, le silence des Directives signifie que les concessions de service ne sont pas visées. C'est, par exemple, ce qu'a admis le Conseil d'Etat par un avis d'assemblée générale, selon lequel, "le contrat par lequel une collectivité publique charge une personne de faire fonctionner et d'exploiter un service public [...] ne constitue pas un marché de services au sens des Directives communautaires lorsque le titulaire n'est rémunéré que partiellement par les usagers, dès lors qu'il tire une part substantielle de sa rémunération du droit d'exploiter le service ou de ce droit assorti d'un prix" (14). A l'opposé, il a pu être avancé qu'aucune référence au mode de rémunération ne figurant dans la définition du marché de services, les concessions de service public sont des marchés alors même que le concessionnaire est rémunéré principalement par le droit d'exploiter le service, et non par un prix payé par le pouvoir adjudicateur. Cette thèse procède d'une interprétation purement littérale de la Directive faisant abstraction de l'intention du "législateur communautaire" telle qu'elle ressort de la genèse du texte.
Pour autant, la Commission, dans sa communication interprétative sur les concessions en droit communautaire (15), puis la CJCE, dans l'arrêt "Telaustria" du 7 décembre 2000 (16), si elles ont confirmé qu'une différence devait bien être opérée entre concession et marché de services, ont aussi considéré qu'au-delà de ses différences et en l'absence de Directives communautaires, c'est à la lumière du droit primaire et, plus particulièrement, des libertés fondamentales prévues par le Traité que doivent être examinées les conséquences du droit communautaire relatives à l'attribution des concessions de service public. Le respect du principe de non-discrimination en raison de la nationalité impose une obligation de transparence et donc de publicité adéquate, l'adéquation étant laissée à l'appréciation des Etats. Pour la CJCE, les Directives ont pour objet de coordonner les procédures de passation, et non de définir un régime exhaustif de publicité et de mise en concurrence (17). Le juge doit raisonner en fonction des fins poursuivies par les Directives et se fonder sur les principes du Traité dont elles s'inspirent.
Ces principes transcendent les termes même des Directives, lesquelles ne les instaurent pas, mais sont simplement destinées à en faciliter et à en rendre effective l'application. C'est la raison pour laquelle le principe de transparence peut venir compléter efficacement le dispositif textuel, nécessairement lacunaire à l'origine (18). Dans ce cadre, le régime français de délégation de service public est "euro-compatible" puisque ces contrats sont des concessions de services et/ou de travaux au regard du droit communautaire, et sont soumis à un régime législatif qui comporte une publicité pouvant être considérée comme adéquate. Toutefois, un acheteur public désirant mettre en oeuvre une procédure de passation doit, non seulement se référer à la législation applicable, mais, également, s'interroger sur le fait de savoir si les mesures préconisées s'avèrent suffisantes pour respecter le principe de transparence. A tout le moins, celui-ci doit prendre soin d'interpréter ces règles écrites au regard de ce dernier principe.
B - La réduction du champ de la concession de service public par rapport à celui des marchés publics et l'obligation raisonnée de publicité
Avec cet arrêt "Communauté urbaine de Bordeaux", l'on peut dire qu'un nouveau pas est franchi dans l'assimilation entre délégation de service public et marché public. Il est même permis, comme Laurent Richer, de se demander "si les partisans de l'alignement du régime de la concession sur celui des marchés ne sont pas en train de l'emporter vingt ans après" (19). D'abord, si la "loi Sapin" (20) et le Code des marchés publics ont ouvert la possibilité d'une publicité dans la presse spécialisée, la nouvelle logique de la commande publique invite les acheteurs publics, non plus à se couler dans des procédures rigides et prédéterminées, mais à perfectionner leur "fonction" achat pour mieux connaître les marchés sur lesquels ils interviennent comme demandeur. Ainsi, autant le droit des marchés publics peut-être d'une précision extrême lorsqu'il s'agit de prévoir les procédures applicables pour les appels d'offres, autant il peut faire montre d'une réelle souplesse lorsqu'il s'agit de passer des marchés selon la procédure dite "adaptée". L'idée est de donner une plus grande liberté d'action à l'acheteur public à qui il revient d'ajuster lui-même le degré de publicité nécessaire au marché qu'il souhaite passer. Cet ajustement devant simplement tenir compte "de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre, ainsi que des circonstances de l'achat" (21).
C'est la même terminologie qui est empruntée dans l'arrêt d'espèce concernant la délégation de service public, l'autorité délégante se comportant, alors, comme pouvoir adjudicateur, ce qui confirme cette tendance au rapprochement des modalités de passation des contrats de marchés publics et de délégations de service public. Toutefois, la marge d'action dont dispose les acheteurs publics n'est pas non plus sans limites dans les deux types de contrat, puisque le contrôle du juge se révèle, là encore, identique en la matière puisque ce dernier s'interroge au cas par cas sur la pertinence du choix opéré pour le marché déterminé qui lui est soumis. Son but étant de faire respecter les principes fondamentaux de la commande publique. Ainsi, à propos d'un avis d'appel à la concurrence concernant un marché public à procédure adaptée lié à l'installation de l'antenne du musée du Louvre à Lens, jugée inadéquate, le Rapporteur public Didier Casas pouvait écrire que, "l'acheteur public ne doit pas seulement tenir compte du marché, mais aussi des considérations qualitatives. Il lui incombe, notamment, de se demande si la spécialité professionnelle dont il a besoin est courante, si elle est répandue dans son environnement géographique immédiat ou si, au contraire, elle est rare ou en tout cas dispersée sur une large zone géographique" (22). Ce dernier poursuivant sur le fait que "si l'on veut réellement mettre en concurrence les entreprises, il faut encore savoir où sont celles qui intéressent, de manière à ajuster, de façon adéquate, les procédures de publicité" (23). On retrouve à la fois dans les procédures de passation de délégations de service public ou de contrats de marchés publics, cette "pratique raisonnée de la publicité et de la mise en concurrence" (24), le rapprochement étant d'autant plus significatif que la dernière réforme de 2008 a relevé les seuils dans le Code des marchés publics pour favoriser la procédure adaptée ou la conclusion de contrats sans formalités préalables de publicité (25).
Enfin, il faut relever que la jurisprudence de la CJCE conduit insensiblement, aujourd'hui, à réduire le champ de la concession par rapport à celui des marchés publics à un point tel que bon nombre de délégations de service public risquent de basculer du côté des marchés publics. Le nombre de délégations de service public qui, au regard du droit communautaire, doivent être qualifiées de marchés ne cesse d'augmenter. L'on peut citer, à cet égard, la jurisprudence communautaire relative à la rémunération par des tiers. Il y a concession de service, pour la Cour, si le prestataire prend en charge le risque lié à l'exploitation des services en cause. Pour apprécier ce risque, la CJCE se réfère à la contreprestation offerte au cocontractant. Celle-ci peut prendre différentes formes : un prix, un abandon de recette fiscale, une contrepartie en nature, voire, éventuellement, celle de recettes provenant de tiers. A travers ce dernier cas, elle a, ainsi, requalifié en marché public de travaux une convention confiant à une société d'économie mixte l'aménagement d'un quartier, du fait que la location, ou même la vente, de terrains aménagés par le cocontractant à des tiers autres que le pouvoir adjudicateur ne suffisait pas à établir que le contrat transfère sur l'entreprise le risque économique, sans lequel la Cour considère qu'il n'y a pas concession (26). Un tel transfert n'est pas opéré si d'autres clauses du contrat procurent au contractant une protection contre le risque.
La CJCE a, de même, jugé de la sorte à propos de contrats portant sur l'utilisation de la fraction résiduelle de déchets urbains après collecte sélective (27). La rémunération des cocontractants de l'administration était composée, en l'espèce, pour une part d'une redevance fixe à la tonne, et pour une part accessoire de recettes versées par des tiers en contrepartie de la vente d'électricité produite à l'occasion du traitement des déchets. Pour la Cour, l'existence de recettes provenant de tiers n'a pas d'incidence sur la qualification du contrat si elles résultent de l'exploitation d'une activité accessoire, qui n'est pas l'activité d'intérêt général concédée elle-même. Or, il est fréquent, comme le souligne Laurent Richer, "que la qualification comme délégation de service public résulte justement de l'existence de telles recettes" (28). Ainsi, il ne suffit pas que la rémunération soit tirée de l'exploitation du service, dès lors qu'une telle exploitation se ferait dans un contexte ou dans un cadre juridique tel que le prestataire ne supporte pas, en réalité, le risque économique de son activité. La démonstration de l'existence d'un risque va donc au-delà de la simple rémunération tirée de l'exploitation de la prestation.
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