La lettre juridique n°393 du 6 mai 2010 : Fiscalité internationale

[Jurisprudence] La nature et les règles d'imposition de la plus-value d'acquisition réalisée lors de la levée de stock-option dans une situation transfrontalière

Réf. : CE 8° s-s., 17 mars 2010, n° 315831, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7969ETC)

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par Guy Quillévéré, Rapporteur public près le tribunal administratif de Nantes

le 07 Octobre 2010

Le Conseil d'Etat, par un arrêt du 17 mars 2010, censure la décision de la cour administrative d'appel de Versailles (CAA Versailles, 1ère ch., 21 février 2008, n° 05VE01006 N° Lexbase : A5271D7D) et précise la nature et les conditions d'imposition des gains d'options de souscription ou d'achat d'actions dans les situations transfrontalières, notamment en ce qui concerne la répartition du droit d'imposer entre la France et la Belgique. Les faits dans cette affaire sont les suivants : M. de R., détaché en Belgique par une société française, mais fiscalement domicilié en France, a levé, en février 2000, les options que sa société lui a attribuées en décembre 1995. M. de R. a cédé les actions résultant de la levée d'option sur actions avant le terme du délai d'indisponibilité de cinq ans courant à compter de la date d'attribution de l'option et omis de déclarer la plus-value réalisée ; cette plus-value d'acquisition étant définie comme la différence entre la valeur de l'action à la date de la levée de l'option en cas de société cotée et le prix d'exercice de l'option. L'administration a réintégré l'intégralité de la plus-value dans les revenus imposables de M. de R., dans la catégorie des traitements et salaires, au titre de l'année 2000, sur le fondement du II de l'article 163 bis C du CGI (N° Lexbase : L9241HZB). Le contribuable a contesté le montant du redressement, la plus-value n'étant, de son point de vue, imposable qu'au prorata de sa présence en France au cours de l'année du fait générateur de l'imposition et donc à hauteur des quatre douzième de son montant. Alors que sa demande avait été accueillie par les juges de première instance puis d'appel, le Conseil d'Etat a censuré la solution de la cour administrative d'appel de Versailles, par sa décision du 17 mars 2010.

L'arrêt du Conseil d'Etat précise la nature fiscale de la plus-value d'acquisition, notamment, en l'absence de respect de la durée d'indisponibilité et clarifie ainsi l'articulation des dispositions du I de l'article 80 bis (N° Lexbase : L1775HLC), et des I et II de l'article 163 bis C du CGI. Le Conseil d'Etat juge, en effet, que, en vertu de la combinaison des dispositions précitées, l'avantage égal à la différence entre la valeur réelle d'une action à la date de la levée de l'option et le prix de souscription ou d'achat de cette action correspondant à la plus-value d'acquisition réalisée par M. de R., constitue pour celui-ci un complément de salaire imposable au titre de l'année au cours de laquelle cette action a été cédée, dès lors que cette cession est intervenue avant l'expiration du délai de cinq ans alors applicable. En outre, la lecture des dispositions combinées de l'article 80 bis du CGI et des dispositions relatives aux traitements et salaires de la Convention fiscale franco-belge (N° Lexbase : L6668BHG) conduit le Conseil d'Etat à affirmer que, lorsque la période d'indisponibilité est respectée, la plus-value d'acquisition n'est imposable en France "que pour autant que l'activité que rémunère l'attribution d'option de souscription ou d'achats d'actions a été exercée sur le territoire français" ; la période et les modalités du droit d'imposer entre les Etats parties à une Convention étant ainsi déterminées.

1. La plus-value d'acquisition née d'une levée d'option postérieure au transfert de domicile du salarié a une nature fiscale différente selon qu'est respectée ou non la période d'indisponibilité

Une clarification attendue de la nature fiscale de la plus-value d'acquisition lors de la levée d'option postérieure au transfert de domicile.

1.1. La plus-value d'acquisition postérieure à la levée d'option : une nature fiscale de prime abord ambiguë

L'article 80 bis I du CGI prévoit que l'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'une option et le prix de souscription ou d'achat de cette action constitue pour le bénéficiaire un complément de salaire imposable dans les conditions prévues au II de l'article 163 bis C. Cet avantage est imposé lors de la cession des titres, mais sous des modalités différentes selon que le délai d'indisponibilité prévu par les dispositions de l'article 163 bis C II du CGI, aujourd'hui de quatre ans, et qui était de cinq ans pour M. de R., a été ou non respecté. Si l'article 80 bis I du CGI se réfère bien à une notion de complément de salaire pour qualifier la plus-value d'acquisition, les dispositions de l'article 163 bis C I offrent au bénéficiaire la possibilité d'appliquer à son gain le régime d'imposition des plus-values mobilières.

L'ambiguïté du sort fiscal réservé aux gains nés de la levée d'option prend donc racine dans la rédaction des dispositions de l'article 163 bis C, I du CGI. Il est possible de procéder, en effet, à deux lectures de ces dispositions : soit l'on estime que les dispositions du 163 bis C I du CGI qualifient fiscalement la plus-value d'acquisition, soit l'on considère que le gain a la nature d'un complément de salaire au sens des dispositions de l'article 80 bis I du CGI, les dispositions du I de l'article 163 bis C se bornant à préciser des modalités d'imposition et offrant la possibilité de soumettre le gain à un régime fiscal plus favorable.

1.2. La nature fiscale hybride de la plus-value d'acquisition en cas de levée d'option est éclairée

L'arrêt du Conseil d'Etat du 17 mars 2010 juge, tout d'abord, que, lorsque la levée d'option est effectuée avant l'achèvement du délai d'indisponibilité, la plus-value d'acquisition réalisée par le bénéficiaire a la nature d'un complément de salaire. Le Conseil d'Etat fait une application stricte des dispositions des I et II de l'article 163 bis C du CGI, et écarte la possibilité de dérogation au principe d'imposition comme salaire de l'avantage né de la cession des titres, la condition d'indisponibilité n'étant pas remplie. Par ailleurs, en précisant, dans un considérant de principe, et, alors qu'il n'avait pas à trancher ce point en l'espèce, que dans le cas où les options attribuées ne peuvent être levées qu'après l'expiration d'un délai prévu par le règlement du plan d'options ou par une lettre d'attribution des options, la plus-value d'acquisition réalisée du fait de la levée d'option est imposable selon les règles d'un prorata, le Conseil semble retenir la qualification fiscale de plus-value, lorsque la règle d'indisponibilité posée par le II de l'article 163 bis C du CGI est satisfaite.

La solution ne surprend pas puisque l'intention du législateur militait en ce sens. En effet, lors de la réforme issue de la loi de finances pour 1990 qui rendait taxable la plus-value d'acquisition auparavant exonérée, les travaux parlementaires laissaient présumer la volonté du législateur de qualifier fiscalement le gain de plus-value. L'administration, dans différentes instructions (instruction du 21 juin 1991, BOI 5 F-9-91, n° 16 et instruction du 18 juin 1998, BOI 5 F-12-98 N° Lexbase : X7888AAE), avait commenté "l'esprit de la loi", dans le sens d'une reconnaissance au plan fiscal de la nature de la plus-value pour le gain obtenu en contrepartie de la levée d'option. Par ailleurs, une lecture constructive des dispositions de l'article 13 du CGI (N° Lexbase : L1050HLH), selon lequel le bénéfice ou le revenu net de chaque catégorie de revenus est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d'elles, militait pour la même qualification au plan fiscal ; la règle de l'imposition permettant de procéder à la qualification fiscale du gain (CE 9° et 8° s-s-r., 18 mars 1994, n° 79971 N° Lexbase : A2249B8S).

Cependant, la solution retenue par le Conseil d'Etat innove lorsque la règle de l'indisponibilité n'est pas satisfaite en rejoignant, d'ailleurs, certaines analyses de l'OCDE s'agissant de la qualification fiscale de la plus-value d'acquisition qui la regardaient comme une rémunération.

Si la nature fiscale du gain est ainsi précisée, il convenait, par ailleurs, de déterminer la période de référence à retenir pour l'imposition ainsi que les règles de répartition à appliquer en présence d'une Convention internationale.

2. La période de référence et les règles relatives au droit d'imposer diffèrent selon, notamment, que le gain né de la levée d'option a la nature d'un salaire ou d'une plus-value

La nature fiscale du gain éclairée, il convient de préciser la période de référence à prendre en compte ainsi que les règles de répartition à mettre en oeuvre pour les deux Etats, lors de l'imposition du gain.

2.1. La plus-value d'acquisition est imposable en France comme salaire, si l'activité qu'elle rémunère a été exercée sur le territoire français

M. de R. ayant été détaché par sa société en Belgique et ayant, par suite, levé l'option et cédé les actions postérieurement à ce changement de domicile les droits respectifs de la France et de la Belgique à imposer la plus-value d'acquisition devaient être clarifiées. Le Conseil d'Etat précise, alors, les règles de répartition de l'imposition de la plus-value d'acquisition en cas de levée d'option avant le terme de la période d'indisponibilité, laquelle est imposable en tant que salaire et précise, notamment, la période de référence nécessaire à l'établissement de l'imposition.

La Haute juridiction administrative juge que la plus-value d'acquisition réalisée lors de la levée de stock-options n'est imposable en tant que salaire en France, lorsque ces actions ont été cédées avant l'expiration du délai de cinq ans courant à compter de la date d'attribution des options, que pour autant que l'activité, que rémunère l'attribution d'options de souscription ou d'achat d'actions, a été exercée sur le territoire français. C'est donc à tort que la cour administrative d'appel de Versailles a considéré que seule l'année du fait générateur de l'impôt devait être prise en compte pour répartir le droit d'imposer entre la France et la Belgique, en l'absence de stipulation expresse dans la Convention dérogeant au régime fiscal français du II de l'article 163 bis C du CGI. Il est vrai qu'en présence d'une Convention fiscale conclue entre deux Etats, lorsque la définition d'un élément de revenu est claire, cette définition prime sur la définition de droit interne de l'Etat appliquant la Convention. Mais, lorsque la Convention fiscale est muette, le juge applique le droit interne (CE Contentieux, 27 juillet 2001, n° 215124 N° Lexbase : A5127AUG).

En l'espèce, le gain ayant la nature d'un complément de salaire les dispositions de l'article 11 de la Convention du 10 mars 1964 conclue entre la France et la Belgique, en matière d'impôt sur le revenu, s'appliquent. Cet article 11 prévoit qu'un revenu que le droit national assimile à un salaire ou à un traitement n'est imposable en France que pour autant que l'activité qu'il rémunère a été exercée sur le territoire français. L'arrêt détermine, en application de ces dispositions, la période de référence à retenir et les règles à appliquer pour l'imposition du gain. L'activité rémunérée par l'attribution d'options est celle qui a été exercée entre la date de cette attribution et la date à compter de laquelle ce bénéficiaire d'options de souscription ou d'achats d'actions est en droit de lever ces options. La détermination de la période de référence, ainsi retenue par le Conseil d'Etat, infirme celle prise en compte par le tribunal administratif de Versailles dans son jugement du 18 décembre 2001 (TA Versailles, n° 95-2871, Copson) qui retenait l'année de l'exercice des options.

2.2. La plus-value d'acquisition, le délai d'indisponibilité respecté ou n'étant pas prévu, est imposable entre les Etats parties à une convention, selon la règle du prorata

Le Conseil d'Etat, alors même que la question ne lui était pas soumise, précise, dans un considérant de principe, les règles applicables lorsque les options ne peuvent être levées qu'après l'expiration d'un délai prévu par le règlement du plan d'options. Dans ce cas, le gain a la nature d'une plus-value et est imposable différemment selon que le règlement du plan d'options prévoit ou non un délai d'indisponibilité.

Dans le cas où les options attribuées ne peuvent être levées qu'après l'expiration d'un délai prévu par le règlement du plan d'options ou par la lettre d'attribution, la plus-value d'acquisition est imposable par chacun des Etats parties à la Convention en proportion du nombre de jours travaillés par le bénéficiaire sur le territoire respectif de chacun de ces Etats pendant la période comprise entre la date de leur attribution et la date correspondant à l'expiration de ce délai qui lui confère le droit de procéder à leur levée. Le nombre de jours travaillés sur le territoire de chacun des deux Etats partie à la convention permettant de répartir l'imposition requerra un suivi particulier de la mobilité des salariés mobiles de la part de leurs employeurs. La solution retenue par le Conseil d'Etat ne permet donc pas de regarder la levée d'option comme un fait générateur de l'imposition, mais conduit à s'appuyer sur une notion de revenu disponible. La période de référence étant précisée, la règle du prorata qui s'applique est celle de l'article 15 du modèle de Convention OCDE.

Tout au contraire, en l'absence de délai prévu par le règlement du plan d'option ou par lettre d'attribution des options, le Conseil d'Etat considère que la plus-value est entièrement imposable par l'Etat sur le territoire duquel le contribuable exerçait son activité professionnelle à la date de l'attribution des options de souscriptions ou d'achats d'actions.

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