Réf. : Cass. com., 23 mars 2010, n° 09-10.791, Société Logex Centre Loire, FS-P-B-R-I (N° Lexbase : A9782ETH)
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par Bernard Saintourens, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur du Centre d'études et de recherches en droit des affaires et des contrats (CERDAC)
le 07 Octobre 2010
L'observation de la jurisprudence publiée et des commentaires de la doctrine montre que les deux courants principaux de traitement de cette question ont été simultanément empruntés et, il faut bien le reconnaître, avec une confrontation d'arguments également respectables. Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence, la Cour de cassation a nettement tranché en affirmant que "le commissaire aux comptes agissant en qualité d'associé, d'actionnaire ou de dirigeant d'une société titulaire d'un mandat de commissaire aux comptes répond personnellement des actes professionnels qu'il accomplit au nom de cette société, quelle qu'en soit la forme". Certes, l'histoire nous a montré que les revirements de jurisprudence ne sont jamais à exclure, mais il semble bien qu'une orientation très nette du droit positif résulte de l'arrêt commenté et, sauf une bien hypothétique intervention législative sur ce point, les praticiens doivent prendre en compte la position de la Cour de cassation dans l'exercice de leur activité professionnelle. L'exercice en société de la profession de commissaire aux comptes ne peut avoir pour effet d'exonérer le commissaire exécutant la mission de la mise en cause de sa responsabilité personnelle pour faute. Tel est bien le premier, et essentiel, enseignement à retirer de l'arrêt en date du 23 mars 2010 (I). Au-delà, il nous apparaît qu'il ne faut pas oublier que la responsabilité personnelle du commissaire aux comptes, ainsi reconnue, ne fait pas obstacle à celle de la société de commissaires aux comptes (II).
I - Le mandat de contrôle des comptes conféré à la société de commissariat aux comptes n'exonère pas le commissaire de sa responsabilité personnelle
Si, historiquement, les commissaires aux comptes pouvaient être considérés comme des mandataires sociaux, puisque nommés par l'assemblée générale pour intervenir au sein de la société, l'évolution législative a pu conduire à douter de la pérennité de cette qualification (2). On peut notamment estimer qu'ils accomplissent une mission légale impérative, à fort contenu de préservation de l'intérêt général (associés, créanciers de la société, salariés...). Rapportée à la question de la responsabilité du commissaire aux comptes, cette interrogation relative à la qualification juridique fondant son intervention au sein de la société contrôlée a plutôt provoqué un obscurcissement du débat. Le Code de commerce fait toujours référence au "mandat" (v. not., C. com., art. L. 823-1 al. 3 N° Lexbase : L2954HCE et L. 823-3 al. 2 N° Lexbase : L2037ICG) et, lorsqu'une société se tourne vers une société de commissariat aux comptes pour confier le contrôle de ses comptes, c'est bien la société elle-même qui est titulaire du mandat et non pas l'un des commissaires associés. La question est alors de savoir si l'écran de la société cède dans l'exercice de la mission, exécutée nécessairement par un professionnel personne physique au nom de la société de commissariat aux comptes. Alors qu'un courant hostile à l'engagement de la responsabilité personnelle du commissaire aux comptes était bien représenté (A), c'est celui favorable à une telle hypothèse de responsabilité, et qui ne manquait pas non plus de partisans, qui emporte la conviction de la Cour de cassation (B).
A - Le courant hostile à la responsabilité personnelle du commissaire aux comptes
Sans doute peut-on retenir, sur le terrain doctrinal, la position fortement soutenue par le Professeur Philippe Merle (3) comme manifestant l'argumentaire le plus développé visant à écarter la mise en jeu de la responsabilité personnelle du commissaire aux comptes lorsque le contrôle des comptes a été confié à une société de commissariat aux comptes. Telle était également la position défendue par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (4).
Il est vrai que l'article L. 822-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L2023ICW) expose clairement que, dans les sociétés de commissaires aux comptes, les fonctions de commissaire sont exercées "au nom de la société", par des commissaires aux comptes personnes physiques associés, actionnaires ou dirigeants de cette société. Dans la mesure où c'est bien la société qui est titulaire du mandat et où les professionnels agissent "au nom de la société", on pourrait affirmer que c'est cette personne morale qui doit répondre des actes ainsi accomplis. Selon cette approche, l'exigence de la signature de celui qui a participé à l'établissement du rapport, imposée par l'article R. 822-94 du Code de commerce (N° Lexbase : L2245HZ8), est considérée comme seulement destinée à l'identification du commissaire qui a été en charge du dossier au sein de la société afin, notamment, de faciliter la mise en oeuvre des contrôles et inspections auxquels ces professionnels se trouvent soumis. En outre, l'exigence faite au commissaire aux comptes d'être titulaire d'une assurance (C. com., art. R. 822-98 N° Lexbase : L2249HZC), même lorsqu'il agit au sein d'une société de commissaires aux comptes, s'expliquerait par la faculté qui demeure, pour ces professionnels, d'être par ailleurs titulaires de mandats à titre personnel.
En jurisprudence, cette vision du problème a été notamment retenue par la cour d'appel de Rennes dans un arrêt en date du 16 septembre 2005 (5). Il est intéressant de noter que cet arrêt fait jouer pleinement l'effet de la personnalité morale des sociétés. La société de commissariat aux comptes s'étant vu confier le contrôle des comptes par une société, elle répond des fautes commises dans l'exercice de son activité, le commissaire personne physique ayant agi en son nom. L'autonomie de la personnalité juridique de la société de commissaires aux comptes conduirait ainsi à faire écran à l'engagement de la responsabilité personnelle du commissaire lui-même. Faisant référence à la solution jurisprudentielle qui ne retient la responsabilité personnelle des dirigeants d'une société qu'en cas de faute détachable des fonctions (6), la juridiction rennaise envisage toutefois que la responsabilité personnelle du commissaire aux comptes ayant réalisé matériellement la mission puisse être retenue dans un tel cas. Les conditions d'exercice de la mission de contrôle des comptes, ainsi que les exigences jurisprudentielles attendues pour que la faute détachable puisse être retenue, rendent peu probable une telle hypothèse de mise en jeu de la responsabilité personnelle d'un commissaire aux comptes associé.
Cette conception de l'exercice de son activité par le commissaire aux comptes lorsqu'il intervient dans le cadre d'une société de commissaires aux comptes, très protectrice de ses intérêts personnels, est toutefois contestée par un autre courant, auquel l'arrêt de la Cour de cassation commenté se rattache à l'évidence.
B - Le courant favorable à la responsabilité personnelle du commissaire aux comptes
Un courant sans doute plus fourni, tant sur le plan jurisprudentiel que doctrinal, retient au contraire que le commissaire aux comptes qui réalise la mission, alors que c'est une société qui est titulaire du mandat, peut engager sa responsabilité personnelle en cas de faute.
Il convient, en premier lieu, de relever que, s'il s'agit de sociétés de commissaires aux comptes constituées sous la forme de sociétés civiles professionnelles ou de sociétés d'exercice libéral, le problème ne se pose pas puisque les textes spécifiques à ces deux catégories de sociétés disposent, en des termes similaires, que "chaque associé répond sur l'ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu'il accomplit" (loi du 29 novembre 1966, relative aux SCP, art. 16 N° Lexbase : L3122AIH et loi du 31 décembre 1990, relative aux SEL, art. 16 N° Lexbase : L3055AIY). Le risque d'un engagement de la responsabilité personnelle du commissaire aux comptes ayant accompli la mission est dès lors légalement fondé et, à notre avis, ne saurait être discuté. En revanche, pour les autres formes de sociétés susceptibles d'être utilisées pour l'exercice de la profession de commissaire aux comptes, il n'existe aucune disposition semblable. Cette différence de cadre normatif pourrait être interprétée comme emportant l'absence de responsabilité personnelle pour les formes autres que les SCP et les SEL, en application de l'adage specialia generalibus derogant. En effet, si telle était la règle générale, il n'aurait pas été besoin de l'exprimer pour deux formes spécifiques de sociétés (7). Assez curieusement, cet argument ne semble pas avoir été invoqué par les tenants du courant hostile à la responsabilité personnelle du commissaire aux comptes associé. Plus logiquement, on comprend que les partisans du principe de la responsabilité personnelle du commissaire se soient bien gardés de s'y référer.
En écartant l'hypothèse des SCP et des SEL, pour toutes les autres sociétés de commissaires aux comptes, divers arguments peuvent certainement être avancés pour fonder une position favorable à l'engagement de la responsabilité personnelle du commissaire.
En premier lieu, l'article L. 822-17 du Code de commerce (N° Lexbase : L2952HCC) dispose, dans son alinéa 2, que "les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l'égard de la personne ou de l'entité que des tiers, des conséquences dommageables des fautes ou négligences par eux commises dans l'exercice de leurs fonctions". Aucune réserve ou restriction n'est faite pour le cas où le commissaire exerce ses fonctions au sein d'une société. Compte tenu de la clarté du libellé du texte, il ne nous paraît justiciable d'aucune interprétation. Tout commissaire aux comptes est visé, y compris s'il est associé d'une société de commissaires aux comptes, dans la mesure où, lors de l'exécution de la mission de contrôle des comptes, il s'agit bien pour lui d'exercer son activité professionnelle. Le Professeur Yves Guyon avait clairement affirmé que "le membre d'une profession libérale réglementée ou l'officier ministériel ne doit pas échapper à sa responsabilité personnelle pour la seule raison qu'il exerce au sein d'une société" (8).
Par ailleurs, et au renfort de cette position, la référence au mandat a été mise en avant pour justifier les poursuites à l'encontre du commissaire chargé d'exécuter la mission de contrôle des comptes. La position a été soutenue (9) que, si la société de commissariat aux comptes a la qualité de mandataire de la société contrôlée, le commissaire aux comptes intervient personnellement en vertu d'un sous-mandat, contrat par lequel la société de commissariat aux comptes exécute la mission ainsi confiée. Il engage donc sa responsabilité personnelle dans ce cadre pour toute faute ou négligence dans l'accomplissement de son sous-mandat.
On relèvera toutefois que, dans l'arrêt du 23 mars 2010, la Chambre commerciale ne reprend pas la référence au sous-mandat pour fonder la responsabilité personnelle du commissaire aux comptes ayant effectivement effectué la mission. En réalité, la Haute juridiction est silencieuse sur le fondement de la position qu'elle adopte. Elle fait bien référence au "mandat" dont est titulaire la société de commissariat aux comptes, mais on peut dire qu'elle ne fait ainsi que reprendre le vocabulaire utilisé par le Code de commerce. En revanche, ensuite, s'agissant de l'engagement personnel d'un commissaire aux comptes associé, elle se limite à indiquer qu'il "répond personnellement des actes professionnels qu'il accomplit au nom de cette société". Chacun est donc invité à imaginer le fondement qui lui convient le mieux.
En retenant, par l'arrêt rapporté, la responsabilité personnelle de l'associé d'une société de commissaires aux comptes, la Chambre commerciale rejoint également la position qu'elle avait adoptée, par un arrêt en date du 11 juillet 2006 (10) à propos des sanctions pécuniaires susceptibles d'être prononcées par l'Autorité des marchés financiers en cas de manquement à l'information du public. L'identité des solutions ne repose toutefois pas sur les mêmes fondements car le Code monétaire et financier autorise l'AMF à sanctionner "toute personne" (C. mon. fin., art. L. 621-15 N° Lexbase : L4918IGA) ayant diffusé une fausse information, et ce à quelque titre que ce soit, ce qui permet d'engager des poursuites personnelles à l'encontre du commissaire aux comptes agissant dans le cadre d'une société de commissariat aux comptes.
En l'absence de toute clarification quant au fondement de l'obligation personnelle du commissaire aux comptes agissant en qualité d'associé d'une société de commissariat aux comptes, il y a lieu, pour la doctrine comme pour les praticiens, de prendre en compte l'arrêt ici rapporté dès lors qu'il a des incidences non seulement pour les commissaires personnes physiques (qui ne pourront échapper à leur responsabilité personnelle au motif qu'ils ont agi au nom d'une société) mais aussi pour les sociétés constituées pour l'exercice de cette profession, susceptibles, elles aussi, de voir leur responsabilité engagée du fait des fautes commises par un commissaire aux comptes associé.
II - La responsabilité personnelle du commissaire aux comptes ne fait pas obstacle à celle de la société de commissaires aux comptes
La Cour de cassation précise que la position qu'elle adopte, s'agissant de la responsabilité personnelle du commissaire aux comptes, vaut quelle que soit la forme de la société de commissariat aux comptes. L'attention doit être également attirée sur cette incise, dès lors que cette responsabilité personnelle n'est pas exclusive de la responsabilité de la société elle-même, titulaire du mandat, et que de nombreuses formes distinctes de sociétés peuvent être utilisées pour l'exercice de la profession de commissaires aux comptes, l'article L. 822-9, alinéa 1er, du Code de commerce ne comportant sur ce point aucune restriction. Deux principales situations doivent être identifiées, en considération de la forme sociétaire. SCP et SEL (A) doivent être distinguées des sociétés commerciales (B).
A - La situation dans les sociétés civiles professionnelles et les sociétés d'exercice libéral
Dans des termes identiques, les articles 16 de la loi du 29 novembre 1966 sur les SCP et du 31 décembre 1990 sur les SEL, déclarent, à propos de l'engagement personnel de chaque associé pour les actes professionnels qu'il accomplit (voir supra), que "la société est solidairement responsable avec lui". La SCP ou la SEL au sein de laquelle le commissaire aux comptes poursuivi en responsabilité civile exerce son activité est donc susceptible d'être également tenue de répondre des conséquences dommageables des actes accomplis par le commissaire aux comptes impliqué.
Sur le plan procédural, il conviendra que soit d'abord établie la responsabilité pour faute du commissaire, personne physique, fondant le droit à réparation de la victime. Mais au-delà, en définitive, c'est la victime des agissements fautifs qui peut poursuivre, selon son choix, soit le commissaire ayant exécuté la mission, soit la société, soit encore les deux pour le versement des dommages et intérêts. L'obligation à la dette de dommages et intérêts est, en effet, supportée solidairement par le commissaire personne physique et la SCP ou la SEL au sein de laquelle il exerce son activité.
Il faut, en outre, tenir compte de la règle spécifique aux sociétés civiles professionnelles qui figure à l'article 15 de la loi du 29 novembre 1966 (N° Lexbase : L3123AII) et qu'il convient de combiner avec celle précitée de l'article 16. Selon ce texte, "les associés répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales à l'égard des tiers". En conséquence, si la SCP de commissaires aux comptes est condamnée au titre de l'article 16 par suite du préjudice subi par un tiers du fait d'un acte professionnel établi par un commissaire, tous les associés de cette société (y compris l'auteur des faits fautifs) peuvent être actionnés en paiement pour cette même dette, au titre de leur obligation solidaire vis-à-vis des dettes sociales car, en ce cas, il s'agit bien d'une dette sociale. Une situation semblable toucherait les associés commandités d'une SEL constituée sous la forme d'une commandite par actions puisque, comme le rappelle l'article 13, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1990 (N° Lexbase : L3054AIX), ils répondent eux-aussi "indéfiniment et solidairement des dettes sociales". En revanche, pour les autres formes de SEL, qui n'emportent qu'une responsabilité des associés limitée au montant de leur apport (SELARL, SELAFA, SELAS), la condamnation de la société au titre de son obligation solidaire vis-à-vis de la dette de l'associé pour les actes professionnels qu'il a accomplis, n'emporte pas pour les autres professionnels associés d'obligation à l'égard de cette dette sociale. L'effet de limitation de responsabilité, attachée à la forme sociétaire choisie, joue à plein.
B - La situation dans les sociétés commerciales
Lorsqu'une société commerciale (SA, SAS, SARL) a été adoptée pour l'exercice de l'activité de commissaire aux comptes, il n'existe aucune règle semblable à celle signalée ci-dessus à propos des SCP ou des SEL. La solidarité ne se présumant pas, la position adoptée consiste alors à recourir à la responsabilité in solidum pour établir le régime juridique des obligations respectives du commissaire aux comptes personne physique et de la société de commissariat aux comptes (11).
Telle est bien la position prise à propos d'une société de commissaires aux comptes constituée sous la forme d'une société anonyme par la cour d'appel de Paris en 1991 (12) et réaffirmée ultérieurement en 2002 et en 2003 (13). On sait qu'en matière d'obligation in solidum, les effets principaux sont assez semblables à ceux de l'obligation solidaire mais, en revanche, les effets secondaires n'existent pas car il n'y a pas de communauté d'intérêts ni de représentation mutuelle des codébiteurs. Ainsi, ni la mise en demeure, ni l'interruption de la prescription, ni l'exercice des voies de recours, ni la chose jugée envers l'un des coobligés n'ont, en principe, d'effets à l'égard de l'autre. Pratiquement, s'agissant de la situation du commissaire aux comptes et de la société commerciale de commissariat aux comptes, chacun étant tenu pour le tout, le créancier (ici la victime de la faute commise dans l'exercice de la mission de commissariat aux comptes) peut demander le paiement de l'indemnité de réparation du préjudice subi à n'importe lequel des deux débiteurs et le paiement effectué par l'un libère l'autre. En principe, le débiteur solvens dispose d'un recours contre l'autre, mais, dès lors qu'il s'agit d'une obligation in solidum, la jurisprudence opère parfois un partage de la contribution finale à la dette proportionnellement à la gravité des fautes commises respectivement par les deux personnes tenues de la dette de réparation de la victime (14). On pourrait dès lors imaginer que la société de commissaires aux comptes, poursuivie en paiement par la victime des agissements fautifs du commissaire en charge personnellement de la réalisation de la mission, se retourne contre ce dernier et obtienne du juge une condamnation du commissaire, personne physique, à supporter la charge finale de la dette en totalité dès lors que la faute, cause du dommage, ne résulte aucunement des conditions de fonctionnement de la société de commissaires aux comptes (moyens humains et matériels mis à disposition des commissaires associés, organisation interne, répartition des missions entre les commissaires...) mais seulement des négligences commises par le commissaire aux comptes ayant réalisé la mission. Dans la mesure où, en principe, en matière de responsabilité solidaire, le recours en contribution de l'article 1213 du Code civil (N° Lexbase : L1315ABC) entre les codébiteurs solidaires se fait par parts viriles (division par tête), il demeurerait sur ce point une différence (outre celles tenant à l'absence d'effets secondaires attachées à la solidarité) entre les SCP ou SEL (qui emportent la solidarité entre la société et le commissaire aux comptes associé) et les autres sociétés commerciales à risque limité pour lesquelles une obligation in solidum est actuellement retenue en jurisprudence. On peut toutefois noter que l'avant-projet de réforme du droit des obligations envisage de faire disparaitre l'obligation in solidum, le futur (et hypothétique) article 1378 du Code civil disposant alors que "tous les responsables d'un même dommage sont tenus solidairement à réparation". Si un tel projet devait aboutir, le droit spécial des SEL et des SCP de commissaires aux comptes deviendrait le droit commun applicable à tous les cas d'exercice en société de la profession de commissaire aux comptes.
En conclusion, au regard de l'arrêt rapporté, on peut retenir que si la forme de société au sein de laquelle un commissaire aux comptes exerce son activité est indifférente relativement à l'engagement de sa responsabilité personnelle, le choix de la forme de société demeure, en l'état du droit positif, un réel enjeu compte tenu des conséquences qui sont attachées à la reconnaissance d'une telle responsabilité pour la société elle-même et ses associés.
(1) Voir not., Ph. Merle, Option Finance, 6 avril 2010, p. 15 ; A. Lienhard, D., 2010, p. 889 ; BRDA, 7/10, n° 1.
(2) V. not. D. Poracchia, L. Merland et M. Lamoureux, Rep. Sociétés Dalloz, V° Commissaire aux comptes, n° 18 ; voir not., CA Nîmes 27 mars 1973, Rev. Sociétés, 1974, p. 327, qui indique que le commissaire aux comptes n'est pas un "mandataire" mais est titulaire d'une "fonction".
(3) Voir not., Ph. Merle, Bull. Joly 2003, p. 1256, note sous CA Paris, 5ème ch., sect. A^, 14 mai 2003, n° 1997/27504, Société Autocontrol c/ Monsieur Jean-Claude Lomberget (N° Lexbase : A9613C8K) ; Droit des sociétés, Précis Dalloz, 13ème éd., n° 519, note 4.
(4) V. not., Bull. CNCC, 2003, n° 132, p. 519.
(5) CA Rennes, 1ère ch., sect. B, 16 septembre 2005, n° 03/06260, SAS Rolland c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère (N° Lexbase : A4424DUE), Bull. CNCC, n° 139, p. 447, note Ph. Merle ; Bull. Joly 2005, p. 1351, note Ph. Merle.
(6) V. not., Cass. com. 20 mai 2003, n° 99-17.092, Mme Nadine c/ Société d'application de techniques de l'industrie (SATI), FS-P+B+I (N° Lexbase : A1619B9T), D., 2003, p. 2623, note B. Dondéro.
(7) Sur cette question, voir notre thèse, Essai sur la méthode législative : droit commun et droit spécial, Thèse Bordeaux, 1986, not., p. 153 et s..
(8) Y.Guyon, obs., Rev. sociétés, 1991, p. 607.
(9) J.-J. Caussain, F. Deboissy, G. Wicker, obs., JCP éd. E, 2004, II, 601, n° 8, sous CA Paris, 5ème ch., sect. A, 14 mai 2003, préc..
(10) Cass. com., 11 juillet 2006, 2 arrêts, n° 05-18.337, Autorité des marchés financiers, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4628DQH) et n° 05-18.528, M. Denis Emonard, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A5047DQY), B.-O. Becker, La responsabilité des commissaires aux comptes en matière d'information inexacte ou trompeuse, Lexbase Hebdo n° 234 du 2 novembre 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N4457ALN), D., 2006, AJ, p. 2033, obs. A. Lienhard ; RJDA, 11/06, n° 1148.
(11) V. not., Juris-Classeur Sociétés Traité, fac. 134-25, par D. Langé, n° 145 et s..
(12) CA Paris, 1ère ch., sect. B, 4 avril 1991, n° 90-7102, M. Quaglia c/ M. Jacques Frette (N° Lexbase : A8615A4T), Bull. CNCC, n° 82, 1991, p. 231, note E. du Pontavice ; Rev. Sociétés, 1991, p. 607, obs. Y. Guyon ; Bull. Joly, 1991, p. 624, note G. Lesguiller.
(13) CA Versailles, 1ère ch., 11 avril 2002, Bull. Joly, 2002, p. 919, note J.-J. Daigre ; CA Paris, 5ème ch., sect. A, 14 mai 2003, préc., et obs. préc..
(14) Voir not., F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., n° 1263.
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