La lettre juridique n°319 du 25 septembre 2008 : Éditorial

Contrat de partenariat : des vessies, des lanternes et une réforme

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N1911BHA

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


Les sceptiques diront qu'avec un déficit budgétaire de 2,9 %, cette année, et de 3,3 %, en 2009, selon l'analyse concordante de la plupart des experts économiques, une réforme du contrat de partenariat présenterait une aubaine pour masquer le véritable montant des dépenses publiques. C'est que l'on appelle la déconsolidation de la dette de l'Etat, qui peut ainsi répondre aux critères maastrichtiens, tout en continuant de dépenser hors bilan, ou des collectivités territoriales, qui procèderaient à d'importantes dépenses sous l'apparence d'un endettement faible. Une aubaine dont les Etats auraient toutes les facilités à se dédouaner, encouragés aux partenariats public-privé par la Banque mondiale, l'OCDE sans oublier la Banque européenne d'investissement. De plus, si 0,7 point de croissance est tiré par le seul secteur de l'immobilier, en berne aujourd'hui, une reprise de l'investissement dans la construction publique permettrait, à n'en pas douter, d'assurer une croissance "molle" -qualificatif emprunté par le ministre de l'Economie- et d'éviter la récession pour les prochains trimestres. "Etre riche ce n'est pas avoir de l'argent - c'est en dépenser" écrivait Sacha Guitry, dans ses Mémoires d'un tricheur. Mauvaises langues que tout cela...

Sur un plan purement juridique, une refonte du régime des contrats de partenariat, par la loi du 28 juillet 2008, était nécessaire, tant les obstacles juridiques et fiscaux s'amoncelaient devant cette voie d'exception de la commande publique, à tel point que les pouvoirs publics ont jugé son développement, sur les quatre dernières années, "timoré" (de "timor", la crainte en latin). Mais, quelle crainte, au juste, pouvait bien inspirer le recours au contrat de partenariat issu de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 ?

Tout d'abord, rappelons, à toutes fins utiles, que le contrat de partenariat est "un contrat administratif par lequel l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics confient à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale relative au financement d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, à la construction ou transformation de ces ouvrages, équipements ou biens immatériels, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, et, le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée". Le propos est long, mais il se doit d'être précis, tant il s'agit de distinguer ce type de contrat, du recours à un marché public ou à celui de la délégation de service public.

Rapidement, le contrat de partenariat permet de gérer globalement un projet avec un seul partenaire sans passer par l'allotissement, et, surtout, il permet une réalisation plus rapide du projet et l'intégration d'un ratio performance/qualité du service, dans le mode de détermination de la rémunération du partenaire privé ; une rémunération non pas relative à la rentabilité du service comme ce peut être le cas dans une délégation de service public. Cette rémunération est, en effet, lissée sur une longue période d'amortissement des investissements (en général sur 20 ans).

Seulement, force est de constater qu'avec 29 projets menés ou en cours (la majorité est afférente à l'éclairage des voies publiques), le recours à ce contrat de partenariat ne semble pas aller de soi pour les administrations centrales et territoriales.

Tout d'abord, le contrat de partenariat est concurrencé par d'autres partenariats public-privé pour lesquels les procédures de passation et d'exécution du contrat sont beaucoup plus aisées. Ensuite, les critères d'ouverture restrictifs -complexité et urgence- ont également freiné le recours aux contrats de partenariat, les personnes publiques ne souhaitant pas risquer de voir leurs projets contestés sur ce point et préférant, dès lors, renoncer à ce nouvel outil de la commande publique (cf. le contrat en vue de la construction d'un collège à Villemandeur annulé par un tribunal administratif d'Orléans, le 29 avril 2008). Enfin, le recours au contrat de partenariat n'est pas, non plus, favorisé par son régime fiscal et juridique qui le rend par certains aspects moins attractif que les marchés publics.

C'est à l'ensemble de ces obstacles que la loi du 28 juillet 2008, sur laquelle revient, cette semaine, dans nos colonnes, François Brenet, Maître de conférences à l'Université de Poitiers, entend s'attaquer. Mais, comme le souligne les parlementaires eux-mêmes, malgré les avancées notables qui rendent le contrat de partenariat indéniablement plus attractif, cet outil ne pourra, à l'avenir, représenter une part significative de la commande publique que s'il fait l'objet d'une politique ambitieuse de suivi et d'accompagnement. Cette démarche doit s'appuyer sur le renforcement des capacités d'expertise des décideurs publics, sur une évaluation honnête et sans complaisance du recours à ce mode contractuel, ainsi que sur une réflexion portant sur l'intelligibilité et l'accessibilité du droit de la commande publique. Toujours est-il que "la plus coûteuse des dépenses, c'est la perte de temps" selon Théophraste. A voir donc si le temps de l'analyse préalable n'empiète pas sur celui de la réalisation du projet, consumant par là même l'un des avantages certains du contrat de partenariat : la réactivité du secteur privé. Les 15 % d'investissements publics réalisés par ce type de partenariat, en Grande-Bretagne, demeurent un horizon encore lointain.

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