Réf. : Loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008, relative aux contrats de partenariat (N° Lexbase : L7307IAU)
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par François Brenet, professeur de droit public à l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis
le 07 Octobre 2010
Ensuite, ces travaux législatifs se sont déroulés avec la certitude que le Conseil constitutionnel serait saisi, et les parlementaires avaient bien conscience qu'il leur fallait résoudre une équation difficile : promouvoir le contrat de partenariat sans le dépouiller du caractère subsidiaire ou dérogatoire que le Conseil constitutionnel lui avait attribué dans sa décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 (5). Ils n'y sont que partiellement parvenus puisque le Conseil constitutionnel a finalement censuré l'une des dispositions phares du texte dans sa décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008 (6). Il a, en effet, jugé que la disposition instaurant une présomption d'urgence dans un nombre important de secteurs d'activités était inconstitutionnelle.
Au total, la loi du 28 juillet 2008 se présente donc comme un texte qui vise à faciliter la conclusion des contrats de partenariat, mais sans doute pas autant que ne l'avait souhaité la majorité en place (I). Néanmoins, elle comporte des innovations intéressantes qui visent à renforcer l'attractivité du contrat de partenariat (II).
I - La subsidiarité du contrat de partenariat
Si la subsidiarité du contrat de partenariat est moins marquée en 2008 qu'elle ne l'était en 2004 (A), il nous semble qu'elle demeure globalement préservée (B).
A - Une subsidiarité entamée
Plusieurs éléments forts vont dans le sens d'une "normalisation" du contrat de partenariat. L'élargissement de son champ d'application organique, tout d'abord, puisque l'article 25 de la loi du 28 juillet 2008 donne la possibilité aux pouvoirs adjudicateurs mentionnés aux 1° et 4° du I de l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au Code des marchés publics (N° Lexbase : L8429G8P), aux entités adjudicatrices mentionnées à l'article 4 de ladite ordonnance, ainsi qu'aux groupements d'intérêt public de recourir au contrat de partenariat.
De la même façon, l'article 15 de la loi de 2008 étend le champ d'application de l'ordonnance du 17 juin 2004 aux établissements publics de santé et aux structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique, ainsi qu'aux organismes de droit privé ou public mentionnés à l'article L. 124-4 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4651H97). Sans doute faut-il aussi comprendre comme un élargissement du champ d'application organique du contrat de partenariat la formule selon laquelle "les contrats de partenariat sont conclus par les collectivités territoriales ou les établissements publics locaux" (CGCT, art. L. 1414-1 N° Lexbase : L1979IBW).
La création par la loi du 28 juillet 2008 d'une nouvelle procédure de passation, la procédure négociée, aux côtés de l'appel d'offres et du dialogue compétitif, favorise aussi le recours au contrat de partenariat. La procédure négociée est, désormais, utilisable pour les contrats dont le montant est inférieur à un seuil qui sera fixé par décret, lequel devrait correspondre au seuil fixé par la Directive 2004/18/CE du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU).
Plus significative, sans doute, est la création d'une nouvelle condition permettant le recours au contrat de partenariat. On se souvient qu'à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003, le Gouvernement avait fait le choix de limiter l'utilisation du partenariat public-privé à la française aux seuls cas de complexité ou d'urgence du projet, à condition que, dans l'un et l'autre cas, le recours au contrat de partenariat soit avantageux. La loi du 28 juillet 2008 modifie l'article 2 de l'ordonnance du 17 juin 2004 et l'article L. 1414-2 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L1915IBK) sur ce point, en prévoyant que les contrats de partenariat peuvent être conclus si, au regard de l'évaluation préalable, il s'avère que "compte tenu soit des caractéristiques du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique".
Est, ainsi, instaurée une sorte de condition du type bilan coût-avantage qui permet de justifier le recours au contrat de partenariat. D'ores et déjà, il ne fait aucun doute qu'elle sera prisée par les collectivités publiques et leurs partenaires potentiels, car il est toujours plus facile de justifier le bilan avantageux du recours au contrat de partenariat que le caractère complexe ou urgent d'un projet. Il n'en demeure pas moins que le juge administratif ne manquera pas, comme le Conseil constitutionnel l'a invité à le faire dans sa décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, d'exercer un contrôle serré sur le respect de cette exigence, comme il l'a déjà fait sur celle relative à l'urgence (7).
On pourrait croire, à la lecture de ces développements, que le contrat de partenariat a perdu son caractère subsidiaire pour devenir un outil contractuel de droit commun. En réalité, il n'en est rien. Si sa conclusion est, désormais, facilitée, sa subsidiarité ne nous semble pas fondamentalement remise en cause.
B - Une subsidiarité préservée
Trois éléments inclinent à penser que le contrat de partenariat n'est pas devenu, avec la loi du 28 juillet 2008, un contrat susceptible de concurrencer durablement le marché public et la délégation de service public.
De toute évidence, la censure de la présomption d'urgence sectorielle par le Conseil constitutionnel a joué un rôle décisif. Pour être certain de relancer le contrat de partenariat, la majorité en place avait, en effet, posé le principe d'une présomption d'urgence, sous réserve d'une évaluation préalable non défavorable, dans des secteurs aussi divers que l'enseignement supérieur, l'amélioration de la qualité de la recherche et des conditions d'étude et de vie étudiante, l'enseignement français à l'étranger, la sécurité intérieure, les nouvelles technologies dans la police et la gendarmerie nationale, la réorganisation des implantations du ministère de la Défense, les opérations nécessaires aux besoins de la santé, les besoins relatifs aux infrastructures de transport, la rénovation urbaine, l'amélioration de l'efficacité énergétique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre des bâtiments publics, etc..
Cette présomption d'urgence sectorielle ne devait s'éteindre qu'à la fin de l'année (électorale) 2012. Le juge constitutionnel a fort logiquement censuré une telle disposition, en considérant "qu'en présumant satisfaite la condition d'urgence sous la seule réserve que l'évaluation préalable ne soit pas défavorable, les dispositions contestées [...] ont pour effet de limiter la portée de l'évaluation préalable et d'empêcher le juge d'exercer son contrôle sur le caractère d'urgence ; que, dès lors, elles privent de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics". Cette déclaration d'inconstitutionnalité a été étendue aux dispositions prévoyant que la présomption d'urgence concernerait, également, les projets de contrat de partenariat mentionnés au III des articles 2 et 19 de la loi déférée, dont l'avis d'appel public à la concurrence aura été envoyé à la publication avant le 31 décembre 2012.
Le Conseil constitutionnel ne s'est pas contenté de censurer la présomption d'urgence sectorielle. Il a, aussi, adopté une conception restrictive de la notion d'urgence. Dès 2003, le juge constitutionnel a précisé qu'il y a urgence "lorsqu'il s'agit de rattraper un retard préjudiciable à l'intérêt général affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public". Il a ajouté, en 2008, que l'urgence peut aussi consister en un cas de force majeure, ce qui ne va évidemment pas dans le sens d'une facilitation du recours au contrat de partenariat.
Comment ne pas relever, enfin, que les débats ayant eu lieu devant l'Assemblée nationale et le Sénat, ont permis de trancher un débat récurrent. Depuis 2004, la doctrine s'interroge sur le point de savoir si le contrat de partenariat peut être utilisé comme technique de délégation de service public. Alors que la lettre de l'ordonnance du 17 juin 2004 allait clairement dans le sens d'une réponse négative, son article 1er (ainsi que l'article L. 1414-1 du Code général des collectivités territoriales) disposant que les contrats de partenariat peuvent confier à leurs titulaires "d'autres prestations de services concourant à l'exercice par la personne publique, de la mission de servie public dont elle est chargée", certains auteurs et praticiens n'ont pas manqué de défendre la thèse contraire. Si la loi du 28 juillet 2008 ne modifie pas la lettre de l'article 1er de l'ordonnance du 17 juin 2004 (et de l'article L. 1414-1 du Code général des collectivités territoriales), les propos tenus par Christine Lagarde et Hervé Novelli devant le Parlement doivent clore le débat dans le sens de l'interdiction d'utiliser le contrat de partenariat comme technique de délégation de service public (8).
II - L'attractivité du contrat de partenariat
C'est une véritable "opération séduction" qu'opère la loi du 28 juillet 2008. De nombreuses dispositions cherchent, en effet, à rassurer les collectivités publiques et leurs partenaires et visent, ainsi, à promouvoir le contrat de partenariat. Celles-ci mériteraient à elles seules une étude plus approfondie et nous nous contenterons ici de mentionner les plus remarquables.
Répondant à une demande persistante des partenaires, la loi du 28 juillet 2008 crée les conditions d'une meilleure valorisation domaniale, tout d'abord, en obligeant la personne publique à délimiter précisément les biens appartenant au domaine public (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, sur les contrats de partenariat, art. 13 et CGCT, art. L. 1414-16 N° Lexbase : L1980IBX). En donnant, ensuite, la possibilité à la personne publique d'autoriser le titulaire du contrat de partenariat "à consentir des baux dans les conditions du droit privé, en particulier des baux à construction ou des baux emphytéotiques, pour les biens qui appartiennent au domaine privé, et à y constituer tous types de droits réels à durée limitée" (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, précitée, art. 13 et CGCT, art. L. 1414-16, précité). La conclusion de ces contrats nécessitera, bien évidemment, l'accord de la personne publique et leur durée pourra même être plus longue que celle du contrat de partenariat principal. Seulement, et c'est une limite posée par le Conseil constitutionnel, lesdits contrats seront alors transférés à la personne publique au terme du partenariat.
La loi du 28 juillet 2008 s'efforce, également, de renforcer l'attrait pour le contrat de partenariat en donnant des garanties financières aux partenaires potentiels. Il est, désormais, prévu que "lorsque les demandes de la personne publique impliquent un investissement significatif pour les candidats ayant participé au dialogue compétitif, une prime doit leur être versée" (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, précitée, art. 7 et CGCT, art. L. 1414-7 N° Lexbase : L1849IB4). A cette obligation s'ajoute une faculté. Possibilité est, en effet, donnée à la personne publique de verser une prime forfaitaire à tout candidat qui lui aurait communiqué une "idée innovante" et qui aurait été suivie du lancement d'une procédure de contrat de partenariat (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, précitée, art. 10 et CGCT, art. L. 1414-1, précité).
La loi du 28 juillet 2008 renforce encore le caractère attractif du contrat de partenariat en prévoyant que celui-ci peut "prévoir un mandat de la personne publique au cocontractant pour encaisser, au nom et pour le compte de la personne publique, le paiement par l'usager final de prestations revenant à cette dernière" (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, précitée, art. 1 et CGCT, art. L. 1414-1, précité). La raison d'être de cette disposition réside, sans aucun doute, dans le souci de contourner la solution du Conseil d'Etat selon laquelle "le principe de l'exclusivité de compétence du comptable public pour procéder au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses publiques [est un] principe général des finances publiques applicable à l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs établissements publics" (9).
La volonté de valoriser le contrat de partenariat s'exprime aussi par l'adoption de toute une série de mesures visant à mettre sur le même plan le partenariat public-privé et les autres contrats de la commande publique. Ainsi, est-il prévu que "les projets éligibles à des subventions, lorsqu'ils sont réalisés sous le régime de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée (N° Lexbase : L7908AGY), sont éligibles aux mêmes subventions lorsqu'ils sont réalisés sous le régime de la présente ordonnance" (ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, précitée, art. 25-1).
Cette volonté s'est tout particulièrement concrétisée dans le domaine fiscal. Les immeubles construits dans le cadre d'un contrat de partenariat sont, ainsi, exclus de l'assiette du versement pour dépassement de plafond légal de densité (C. urb., art. L. 112-2 N° Lexbase : L1861IBK). Les mêmes immeubles sont, également, exonérés de la redevance exigée en Ile-de-France à l'occasion de la construction de locaux à usage de bureaux et de locaux de recherche, ainsi que de leurs annexes (C. urb., art. L. 520-7 N° Lexbase : L1982IBZ). Le Code général des impôts a, également, été modifié avec l'exonération de la contribution annuelle sur les revenus locatifs (CGI, art. 234 nonies N° Lexbase : L1830IBE) et de la taxe de publicité foncière en matière de cession de créances (CGI, art. 677 N° Lexbase : L1965IBE et 846 N° Lexbase : L1846IBY). Est, également, prévue la possibilité pour le partenaire de constituer en franchise d'impôt une provision au titre de l'exercice au cours duquel la cession desdites créances est opérée (CGI, art. 39 quinquies I N° Lexbase : L1973IBP).
La question, très discutée devant le Parlement, de la dispense d'assurance dommage ouvrage est réglée dans le sens qui suit. Une distinction est faite entre l'Etat et les collectivités territoriales. Alors que l'Etat et ses établissements publics sont dispensés du paiement de cette assurance, les collectivités territoriales et leurs établissements publics y restent assujettis. Le Conseil constitutionnel a validé cette différence de traitement entre l'Etat et les collectivités territoriales, en considérant qu'il existait entre eux une véritable différence de situation, celle-ci résultant de la capacité de l'Etat et de ses établissements publics à faire face au risque financier résultant de la défaillance du cocontractant (10).
On regrettera, en guise de conclusion, que la modification de l'ordonnance du 17 juin 2004 n'ait pas donné lieu à une réflexion d'ensemble sur le droit des contrats administratifs. Celle-ci est pourtant, plus que jamais indispensable, comme le Conseil d'Etat l'a souligné dans son dernier rapport annuel (11).
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