La lettre juridique n°319 du 25 septembre 2008 : Social général

[Textes] LME : extension de la procédure de rescrit et création d'un "titre emploi-service entreprise"

Réf. : Loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie (N° Lexbase : L7358IAR)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

Participant de la politique du Gouvernement en faveur de la croissance, de l'emploi et du pouvoir d'achat, la volumineuse loi de modernisation de l'économie, adoptée le 4 août 2008 (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, de modernisation de l'économie N° Lexbase : L7358IAR), ne renferme qu'un très petit nombre de dispositions intéressant le droit social (1). Outre l'atténuation des effets de seuil pour différentes contributions sociales (2), il convient, à ce titre, de faire mention de l'extension du rescrit social et de la création d'un "titre emploi-service entreprise". Envisagées dans leur globalité, ces mesures très techniques, largement expérimentées sous des formes similaires antérieurement, se rapportent aux obligations qui pèsent sur les employeurs en matière sociale. De ce point de vue, tandis que les unes visent à donner à ces derniers plus de stabilité juridique, les autres tendent à leur fournir une aide dans l'accomplissement de ces mêmes obligations. I - L'extension du rescrit social
  • Principe

Défini comme "l'acte émanant d'une autorité consultée par une personne privée ou un organisme public sur l'interprétation ou l'application d'une norme" (3), le rescrit vise à assurer à celui qui en est à l'origine une certaine stabilité juridique. D'abord apparue en matière fiscale (4), la procédure de rescrit a été instituée, en matière sociale, par l'ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005 (ordonnance relative à la garantie des droits des cotisants dans leurs relations avec les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales N° Lexbase : L8435G8W et lire les obs. de Ch. Willmann, Opposabilité des circulaires et rescrit social en matière de cotisations sociales, Lexbase Hebdo n° 174 du 29 juin 2005 - édition sociale N° Lexbase : N5977AI9). Le rescrit social permet à un cotisant ou futur cotisant de demander à l'organisme de recouvrement dont il relève de se prononcer de manière explicite sur toute demande qu'il présente en sa qualité d'employeur. Il a, plus précisément, pour objet de connaître l'application à une situation donnée d'une réglementation spécifique ou d'une mesure d'exonération.

La décision est opposable pour l'avenir à l'organisme qui l'a prononcée, tant que la situation de fait exposée dans la demande ou la législation au regard de laquelle la situation du demandeur a été appréciée n'ont pas été modifiées. La décision explicite de l'organisme doit intervenir dans le délai de quatre mois. Si, à l'issue de ce délai, l'organisme de recouvrement n'a pas notifié au demandeur sa décision, il ne peut être procédé à un redressement de cotisations ou contributions sociales, fondé sur la législation au regard de laquelle devait être appréciée la situation de fait exposée dans la demande, au titre de la période comprise entre la date à laquelle le délai a expiré et la date de la notification de la réponse explicite (CSS, art. L. 243-6-3 [LXB=N5977AI9Q]).

Compte tenu du très grand nombre et de la complexité des dispositifs d'exonération de cotisations sociales que le législateur s'ingénie à créer depuis plusieurs années, il faut, sans doute, se féliciter de l'existence du rescrit social. D'autant plus que la procédure mise en place paraît relativement équilibrée, les intérêts des uns et des autres étant préservés.

  • Elargissement du rescrit bénéficiant aux employeurs

Jusqu'à la loi sous examen, le rescrit social ne s'appliquait qu'à un nombre très limité de mesures. Etaient, en effet, visées par l'article L. 243-6-3 du Code de la Sécurité sociale :

- les exonérations de cotisations applicables en zones franches urbaines (ZFU), zones de revitalisation urbaine (ZRU) et zones de revitalisation rurale ;

- les contributions patronales dues en matière de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire ;

- les mesures spécifiques relatives aux avantages en nature et frais professionnels.

La loi de modernisation de l'économie vient élargir de manière conséquente le champ d'application du rescrit social qui s'applique, désormais (CSS, art. L. 243-6-3, nouv. N° Lexbase : L2261IBD) :

- "aux exonérations de cotisations de sécurité sociale (5) ;

- aux contributions des employeurs mentionnées au chapitre VII du titre III du livre Ier (6) ;

- aux mesures réglementaires spécifiques relatives aux avantages en nature et aux frais professionnels prises en application de l'article L. 242-1 (N° Lexbase : L7990IA8) ;

- aux exemptions d'assiette mentionnées à l'article L. 242-1".

Relevons, encore, qu'une extension similaire du rescrit social est prévue pour les employeurs relevant du régime des salariés agricoles (C. rur., art. L. 725-24, nouv. N° Lexbase : L2346IBI). Cet élargissement du rescrit social entrera en vigueur le 1er janvier 2009 (art. 5, IV de la loi).

  • Application du rescrit aux travailleurs indépendants

La loi de modernisation de l'économie crée une procédure de rescrit social en faveur des cotisants ou futurs cotisants relevant du régime social des travailleurs indépendants (CSS, art. L. 133-6-9, nouv. N° Lexbase : L2299IBR).

Les personnes intéressées pourront interroger le régime social des indépendants pour connaître l'application, à leur situation, de la législation relative aux exonérations de cotisations de sécurité sociale dues à titre personnel et aux conditions d'affiliation au régime social des indépendants. Comme pour le rescrit social applicable aux employeurs, la demande du cotisant ne pourra être formulée lorsqu'un contrôle a été engagé par le régime social des indépendants (7). La procédure de rescrit sera, également, ouverte aux professionnels libéraux en ce qui concerne leur assurance vieillesse et, plus précisément, sur les conditions d'affiliation aux régimes concernés ou à l'une de leurs sections professionnelles (CSS., art. L. 133-6-10, nouv. N° Lexbase : L2388IB3).

Ces dispositions entreront en vigueur le 1er juillet 2009 (art. 5, IV de la loi).

  • Création d'un rescrit en matière d'aides d'emploi

Décidément inspiré par le rescrit, le législateur crée une procédure d'interrogation des administrations par les employeurs sur les aides au maintien et à la sauvegarde de l'emploi. Compte tenu du véritable maquis que constituent aujourd'hui ces aides, l'adaptation du rescrit en la matière constitue sans doute une bonne chose (8).

En application de l'article L. 5112-1-1, nouveau, du Code du travail (N° Lexbase : L2347IBK), "l'administration chargée des dispositifs en faveur de l'emploi mentionnées dans le présent livre et définis par décret doit se prononcer de manière explicite sur toute demande formulée par un employeur sur une situation de fait au regard des dispositions contenues dans le présent livre, à l'exception de celles ayant un caractère purement fiscal ou social". Cette dernière exclusion est logique dans la mesure où trouvera à s'appliquer, ici, le rescrit fiscal ou le rescrit social. Le "rescrit-emploi" ne devrait, par suite, concerner que les aides ne consistant pas en des exonérations de charges sociales. Notons qu'un décret en Conseil d'Etat définira les conditions d'application de ce nouveau dispositif et son entrée en vigueur, qui devra intervenir au plus tard le 1er janvier 2010 (9).

II - Le "titre Emploi-Service Entreprise"

  • Présentation

Créé par l'article 55 de la loi de modernisation de l'économie, le "titre Emploi-Service Entreprise" (TESE) est appelé à se substituer, à compter du 1er avril 2009, au titre emploi-entreprise (C. trav., art. L. 1273-1 à L. 1273-6 N° Lexbase : L1798H9H) et au chèque emploi pour les très petites entreprises (C. trav., art. L. 1274-1 à L. 1274-7 N° Lexbase : L1814H93). A l'instar de ces dispositifs, le TESE a pour vocation d'aider les entreprises à accomplir leurs obligations sociales.

Le TESE, dont les modalités d'application seront définies par décret, sera ouvert à toute entreprise, à l'exception des entrepreneurs de spectacles occasionnels et des employeurs dont les salariés relèvent du régime des salariés agricoles. Le TESE ne pourra, toutefois, qu'être utilisé en France métropolitaine et par les entreprises :

- dont l'effectif n'excède pas neuf salariés, quelle que soit la durée annuelle d'emploi de ces salariés ;

- ou qui, quel que soit leur effectif, emploient des salariés dont l'activité dans la même entreprise n'excède pas la limite de cent jours, consécutifs ou non, ou de 700 heures de travail par année civile.

  • Objet

Le recours au service du TESE permettra, notamment, à l'entreprise bénéficiaire d'obtenir le calcul des rémunérations dues aux salariés, ainsi que l'ensemble des cotisations et contributions obligatoires et de souscrire les déclarations obligatoires relatives aux cotisations et contributions sociales. L'organisme habilité pour recouvrer ces cotisations et contributions délivrera un bulletin de paie à l'employeur pour remise au salarié.

Bien plus, l'employeur, qui utilisera le TESE, sera réputé satisfaire, par la remise au salarié et l'envoi à l'organisme habilité des éléments du titre emploi qui leur sont respectivement destinées, aux formalités suivantes :

- les règles relatives à l'établissement d'un contrat de travail et celles concernant la conclusion d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat à temps partiel ;

- la déclaration préalable à l'embauche ;

- la délivrance d'un certificat de travail.

L'employeur ayant recours à un TESE pourra donner mandat à un tiers en vue d'accomplir l'ensemble de ces formalités.


(1) Ce dont on se réjouira, le législateur n'ayant pas été avare de réformes en la matière ces derniers mois.
(2) V., sur cette question, les obs. de Ch. Willmann, LME : neutralisation de l'impact financier du franchissement du seuil de dix et vingt salariés par les entreprises, vers un retour sur l'ordonnance n° 2005-892 du 2 août 2005 ?, Lexbase Hebdo n° 319 du 25 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1959BHZ).
(3) B. Oppetit, La résurgence du rescrit, D., 1991, chron., p. 105 et s. Cité par F. Terré, Introduction générale au droit, Précis Dalloz, 7ème éd., 2006.
(4) Rescrit fiscal, également, modifié par l'article 5 de la loi du 4 août 2008, v. les obs. de A.-L. Lonné, La loi de modernisation de l'économie : aspects de droit fiscal, Lexbase Hebdo n° 316 du 3 septembre 2008 - édition fiscale (N° Lexbase : N7334BGQ).
(5) Formule particulièrement compréhensive qui permet de regrouper, outre les dispositifs antérieurement visés par l'article L. 243-6-3 du Code de la Sécurité sociale, les dispositifs généraux d'allègement de cotisations sociales, les exonérations liées à l'accomplissement d'heures supplémentaires, celles liées à la conclusion de certains contrats, etc..
(6) Sont, notamment, concernées, la contribution sur les abondements des employeurs aux Perco, la contribution sur les avantages de préretraite d'entreprise, la contribution sur les indemnités de mise à la retraite, etc..
(7) Notons que le traitement des demandes relatives aux exonérations de cotisations de sécurité sociale sera délégué aux Urssaf, dans les matières où ces organismes agissent pour le compte et sous l'appellation du régime social des indépendants.
(8) Ce qui ne saurait interdire, bien au contraire, que le législateur s'attache un jour à effectuer un profond nettoyage au sein des dispositifs d'aides à l'emploi qui n'ont cessé de s'empiler depuis plusieurs années.
(9) On peut espérer que le texte réglementaire viendra apporter quelques précisions quant aux aides concernées et aux autorités susceptibles d'être interrogées dans des cas où interviennent une pluralité de prescripteurs.
(10) Lorsque l'effectif de l'entreprise dépasse neuf salariés, le TESE ne pourra être utilisé qu'à l'égard de ces seuls salariés.

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