Réf. : Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (N° Lexbase : L7392IAZ)
Lecture: 20 min
N1808BHG
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Le volet de la loi du 20 août 2008 relatif au temps de travail s'ouvre sur un article 18 ayant trait aux heures supplémentaires. C'est la deuxième fois que le régime de ces heures de travail effectuées au-delà de la durée légale est sensiblement modifié (1). L'esprit de la présente réforme est, pourtant, différent de celui qui avait présidé à la précédente. Il ne s'agit plus de défiscaliser les heures supplémentaires, mais de modifier différentes règles relatives, principalement, au contingent d'heures supplémentaires et aux compensations des heures effectuées.
L'article 18 modifie la rédaction de l'article L. 3121-11 du Code du travail (N° Lexbase : L3752IBL) et lui adjoint quatre nouveaux alinéas. Le premier alinéa du nouvel article dispose que des "heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche". Dans son ancienne rédaction, le texte prévoyait que le contingent était défini par décret, l'article L. 3121-12 (N° Lexbase : L0302H93) ménageant la possibilité, pour les accords de branche ou les accords d'entreprise, de prévoir un autre contingent. Il y a donc un renversement complet de logique dans le nouveau texte. Désormais, le contingent est, par principe, déterminé par accord collectif d'entreprise. A défaut de négociation d'entreprise ou d'établissement, c'est au niveau de la branche que sera déterminé le contingent des heures supplémentaires (2). Et ce n'est qu'en dernier lieu, si aucun accord d'entreprise ou de branche n'est applicable aux salariés de l'entreprise, que le troisième alinéa de l'article L. 3121-11 du Code du travail confère cette compétence au pouvoir réglementaire (3).
A la première lecture, on pourrait se demander quelle est l'utilité de prévoir que l'accord de branche ne s'applique qu'en l'absence d'accord d'entreprise ou d'établissement. En effet, depuis la loi du 4 mai 2004 (loi n° 2004-391, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8), les relations entre accords de branche et accords d'entreprise ont été remodelées au profit d'un principe dit de proximité, impliquant que l'accord d'entreprise prime sur un accord de branche lorsque ces textes comportent des dispositions portant sur le même objet, cela sans égard au principe de faveur (4). Dès lors, l'articulation prévue par le nouvel article L. 3121-11 pourrait paraître redondante et superflue.
En réalité, cette précision est loin d'être dépourvue d'effet. On se souviendra, ainsi, que la loi du 4 mai 2004 avait ménagé, en faveur des partenaires sociaux, au niveau de la branche, la possibilité d'introduire des clauses de fermeture dans les accords de branche. Ces clauses interdisaient aux accords d'entreprise de déroger in pejus aux accords de branche et neutralisaient, ainsi, le principe de proximité (5). La précision introduite par la loi du 20 août 2008 s'oppose, désormais, en matière de fixation du contingent d'heures supplémentaires, à ce que le principe de proximité soit écarté par ces clauses. La décentralisation de la négociation collective trouve, ici, une illustration des plus profondes, sans qu'il soit certain, d'ailleurs, que la légitimité acquise par les acteurs au niveau de l'entreprise sera suffisante pour leur permettre d'assurer une telle mission (6).
Le second alinéa du nouvel article L. 3121-11 concerne les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent. Jusqu'à présent, ces heures supplémentaires ne pouvaient être travaillées dans l'entreprise qu'à condition que l'employeur ait obtenu l'autorisation de l'inspecteur du travail (7). Cette autorisation n'est, désormais, plus nécessaire. L'employeur, pour faire effectuer des heures supplémentaires hors contingent à ses salariés, devra seulement se conformer aux conditions déterminées, à nouveau, par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par un accord collectif de branche.
L'accord aura, en outre, pour mission de déterminer "les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos" pour ces heures hors contingent. Cette disposition a été, en partie, censurée par le Conseil constitutionnel, les Hauts magistrats ayant considéré que le législateur ne pouvait déléguer aux partenaires sociaux la fixation de la durée minimale de ces repos (8). Cette censure implique, néanmoins, une incertitude, puisque le texte ne prévoit nullement une durée minimale de repos compensateur pour ces heures hors contingent.
La seule certitude est que ces heures donneront bien lieu à repos compensateur obligatoire, ce qui n'est plus le cas pour toute heure supplémentaire. En effet, la dernière phrase du second alinéa de l'article L. 3121-11 laisse à l'accord déterminant le contingent et les conditions des heures hors contingent la possibilité de fixer un repos compensateur pour les heures effectuées dans le cadre du contingent.
Si l'on met cette disposition relative au repos compensateur pour les heures hors contingent en parallèle avec l'abrogation du paragraphe 3 de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie, relatif aux repos compensateurs obligatoires pour les heures dans le contingent, on comprend qu'il n'existe plus, par principe, de repos compensateur obligatoire pour les heures effectuées dans le contingent.
Ce constat appelle deux types d'observations.
La première observation est que cette suppression du repos compensateur obligatoire donne une importance fondamentale à la fixation du contingent d'heures supplémentaires, puisque les heures hors contingents demeurent compensées par un repos obligatoire. Il ne faut pas se le cacher, le risque majeur tient à ce que l'établissement de ce contingent dépendra des employeurs et des syndicats dans l'entreprise. Même si la légitimité des accords collectifs a été renforcée par le volet "démocratie sociale" de la loi du 20 août 2008, on peut craindre que les délégués syndicaux, sur qui reposeront cette négociation, n'aient pas la même force dans cette négociation avec l'employeur que l'auraient eu les organisations syndicales au niveau national, dans le cadre d'une négociation de branche.
La seconde observation est que la suppression du repos compensateur obligatoire constitue une réduction du coût des heures supplémentaires pour l'employeur sans que cela n'implique, en contrepartie, une majoration plus importante de la rémunération de ces heures pour le salarié. L'antienne de l'exécutif "travailler plus pour gagner plus" est totalement travestie. D'une certaine manière, on peut même estimer que les salariés travailleront plus, mais pour gagner moins, puisqu'ils perdront la compensation en repos des heures supplémentaires qui, si elle ne peut évidemment pas être qualifiée de rémunération, constituait, à n'en pas douter, un avantage lié au travail au-delà de la durée légale.
L'article 18 de la loi insère, ensuite, un nouvel article L. 3121-11-1 (N° Lexbase : L3829IBG) au Code du travail, texte relatif à l'information des représentants du personnel au sujet des heures supplémentaires dans l'entreprise (9). Le texte distingue selon qu'il s'agit d'heures effectuées dans le cadre du contingent annuel ou hors de celui-ci.
Dans le premier cas, le texte dispose que "les heures supplémentaires sont accomplies [...] après information du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel". Dans le second, il précise que "les heures supplémentaires sont accomplies [...] après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel" (10). Il y a donc une gradation dans l'information des représentants du personnel même si, dans un cas comme dans l'autre, l'employeur n'est pas tenu par leur avis. S'il s'agit d'une formalité procédurale supplémentaire, il faut, par conséquent, retenir que, sur le fond, l'une ou l'autre de ces deux procédures comportent des conséquences bien proches.
Si la distinction entre information et consultation des représentants du personnel est, somme toute, classique, la rédaction du texte laisse, en revanche, l'interprète bien perplexe s'agissant de déterminer la périodicité à laquelle ces procédures devront être respectées. A lire le texte, on pourrait avoir l'impression que l'employeur doit informer ou consulter à chaque fois que des salariés vont effectuer des heures supplémentaires, ce qui paraît aussi irréaliste qu'improbable. Mais alors quand seront-ils informés ou consultés ? L'ancien article L. 3121-14 (N° Lexbase : L0304H97), abrogé par la loi, parlait d'une consultation "au moins une fois par an", ce qui paraît un délai bien raisonnable. Difficile d'être plus précis, mais gageons que les employeurs diligents s'astreindront au respect d'un tel délai.
L'article 18 de la loi redessine, également, l'article L. 3121-24 du Code du travail (N° Lexbase : L3735IBX), relatif à la possibilité de substituer un repos compensateur à la majoration des heures supplémentaires. Cette disposition ne fait qu'être adaptée au principe de proximité, les aménagements devant en priorité être mis en place par l'accord d'entreprise ou d'établissement et à la disparition du repos compensateur obligatoire des heures effectuées dans le cadre du contingent. S'il est probable qu'il faille se féliciter du maintien d'une telle faculté d'adaptation, entreprise par entreprise, il faut, également, reconnaître que le maintien de cette faculté d'aménagement constitue un nouveau coup de canif dans l'objectif d'amélioration du pouvoir d'achat des salariés par le jeu des heures supplémentaires.
Ces aménagements peuvent, également, être institués dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ayant la faculté de négocier un accord. Dans cette hypothèse, les représentants élus du personnel, comité d'entreprise ou, à défaut, délégués du personnel, seront à nouveau saisis par l'employeur. Mais il ne s'agira cette fois plus d'une simple consultation mais d'une véritable autorisation puisque les aménagements ne pourront être mis en place si ces élus s'y opposent. Il ne faut pas se leurrer, il faudra beaucoup de cran aux élus du personnel de petites structures, par définition dépourvues du soutien d'une organisation syndicale, pour résister à une telle volonté de l'employeur.
Enfin, le paragraphe IV de l'article 18 fixe la durée du repos compensateur obligatoire pour les heures supplémentaires effectuées hors contingent en cas d'absence d'accord. Elle est fixée "à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés". Ces dispositions n'ont, étonnamment, pas été codifiées.
Cette précision ne concernant que l'hypothèse d'un contingent déterminé par décret, la censure du Conseil constitutionnel n'a pas été totalement prise en compte. Quelle est la limite de durée minimale en dessous de laquelle les conventions ne pourront pas descendre ? Cette absence de détermination pourrait constituer un véritable casse-tête chinois pour le juge judiciaire : d'un côté, le législateur ne fixe pas de durée ; de l'autre, le Conseil constitutionnel exige que la fixation de cette durée soit le fait du législateur, si bien que les conventions ne devraient pas pouvoir fixer cette durée. Mais, alors, quelle durée minimale sera retenue ? Parions que le juge imposera le respect d'un délai raisonnable ! Et parions qu'il sera proche de celui prévu par le paragraphe IV en l'absence de convention !
II - Les conventions de forfait
L'article 19 de la loi du 20 août 2008 revoit de fond en comble la section 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la troisième partie du Code du travail, relative aux conventions de forfait. Jusqu'alors, une première sous-section concernait les cadres alors qu'une seconde, comportant un article unique, s'appliquait aux salariés non-cadres, itinérants ou disposant d'une grande autonomie (11).
La philosophie de la nouvelle section est particulièrement claire et saute aux yeux dès le tout premier article de la première sous-section, relative à la mise en place des conventions de forfait. Celui-ci modifie l'article L. 3121-38 du Code du travail (N° Lexbase : L3861IBM) et dispose que "la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois". "Tous au forfait !" pourrait-on y lire en filigrane, en forçant le trait.
La loi intègre donc au Code du travail la faculté de conclure une convention individuelle de forfait avec tout salarié, sans qu'il soit nécessaire qu'un accord collectif préalable en prévoit la possibilité. Seuls des forfaits sur la semaine ou sur le mois pourront, ainsi, être mis en place, les forfaits à l'année demeurant réservés aux cadres et aux salariés disposant d'une autonomie particulière.
La Cour de cassation avait déjà eu l'occasion de reconnaître la validité d'une forfaitisation des heures supplémentaires sur la semaine avec tout salarié (12). Cette convention nécessitait un accord du salarié, quand bien même la convention collective aurait prévu un tel forfait (13). Comme la nouvelle convention individuelle prévue par la loi du 20 août 2008, elle ne devait pas mener à ce que la rémunération du salarié soit moins favorable que celle qu'il aurait perçu en dehors de toute forfaitisation (14). Dans une certaine mesure, le texte ne fait donc que légaliser une pratique déjà avalisée par le juge (15).
Il y a, cependant, un véritable changement de philosophie. Les forfaits de rémunération des heures supplémentaires, qui existaient jusqu'ici, avaient vocation à forfaitiser la rémunération et non le temps de travail. Or, la rédaction du nouvel article L. 3121-38 du Code du travail (N° Lexbase : L3861IBM) est sans ambiguité. C'est bien le temps de travail qui est forfaitisé. Même si, en pratique, la forfaitisation de la rémunération des heures supplémentaires ou du temps de travail mènent à un résultat similaire, cette négociation de gré à gré de la durée hebdomadaire du travail est certainement l'atteinte la plus sérieuse faite à la durée légale de 35 heures. Il ne reste guère, désormais, que les limites posées par les articles L. 3121-35 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L0329H93), c'est-à-dire, potentiellement, une limite de 48 heures par semaine.
La décentralisation de la négociation n'a, bien heureusement, pas été jusqu'à son ultime limite puisque, bien qu'aucun accord collectif ne soit plus nécessaire pour mettre en place ces forfaits, rien n'empêcherait les partenaires sociaux de négocier des durées hebdomadaires auxquelles les conventions de forfait ne pourraient déroger, faute d'être plus favorables que l'accord (16).
L'article L. 3121-39 nouveau du Code du travail (N° Lexbase : L3942IBM) rappelle le principe, déjà présent dans l'ancienne section 4, de la nécessité d'un accord collectif préalable pour la mise en place de conventions de forfait en jours ou en heures sur l'année. On revient là à un schéma plus classique, même si, encore, le principe de proximité est mis en avant, l'accord collectif primant sur l'accord de branche et les clauses de fermeture paraissant, désormais, exclues par l'application de l'adage specialia generalibus derogant.
Ce texte précise, également, que l'accord d'entreprise ou d'établissement "détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait" là où l'accord de branche ne pouvait, jusqu'alors, que déterminer les catégories de cadres concernés. Cette précision n'est, pourtant, pas nécessairement porteuse d'une grande évolution puisque, déjà, le Code prévoyait la possibilité de mettre en place des conventions de forfait à l'année pour d'autres catégories de salariés. Une remarque s'avère, cependant, nécessaire au sujet de cette disposition, puisqu'elle paraît en conflit avec les nouveaux articles L. 3121-42 et suivants (N° Lexbase : L3963IBE) qui déterminent avec précision les catégories de salariés pouvant être soumis à un forfait sur l'année. A n'en pas douter, l'accord d'entreprise ou, à défaut, l'accord de branche, ne pourra que réduire les catégories de salariés concernés par application de l'article L. 3121-39.
L'article 19 modifie, également, l'article L. 3121-40 du Code du travail (N° Lexbase : L3883IBG) en imposant que le consentement du salarié à la convention de forfait soit fourni par écrit (17). Un tel formalisme n'était, jusqu'à présent, exigé que pour les salariés non-cadres soumis au forfait. Compte tenu du caractère renonciatif à la durée légale du travail que constitue la convention de forfait, il paraît assez naturel d'exiger un minimum de formalisme, exigence assurée par l'établissement du consentement du salarié par écrit.
Dans un même ordre d'idée de protection du salarié, l'article L. 3121-41 du Code du travail (N° Lexbase : L3932IBA) reprend un principe déjà établi par le législateur et par la jurisprudence selon lequel la rémunération perçue par le salarié en application du forfait ne peut être inférieure à celle dont il aurait bénéficié en son absence, c'est-à-dire en calculant les heures supplémentaires ainsi effectuées (18).
L'article 19 introduit une seconde sous-section dans la section 4 intitulée "Conventions de forfait sur l'année". On revient, ici, sur un terrain mieux connu, celui des conventions en heures ou en jours applicables aux différents cadres et à certains salariés particulièrement autonomes.
Le nouvel article L. 3121-42 régit les forfaits sur l'année en heures. Dans la limite de la durée annuelle de travail, peuvent, d'abord, conclure ce type de forfait les "cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés". Il s'agit, mot pour mot, de la délimitation déjà prévue à l'ancien article L. 3121-38 définissant les cadres (N° Lexbase : L0332H98). Peuvent, également, se voir appliquer ce type de forfait, "les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps".
A cet égard, les critères d'application du forfait en heures sur l'année pour les non-cadres sont légèrement modifiés. En effet, l'ancien article L. 3121-51 du Code du travail (N° Lexbase : L5760IAL) prévoyait de tels forfaits pour les salariés itinérants, dont la durée du temps de travail ne pouvait être prédéterminée ou qui disposaient d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur étaient confiées. La condition d'itinérance ayant disparu, on peut avoir la sensation d'un élargissement des catégories de salariés concernées. Cependant, l'ancien texte prévoyait un critère alternatif d'impossibilité de détermination du temps de travail ou d'autonomie dans sa détermination. La première alternative disparaît, seuls les salariés disposant de cette autonomie pouvant être soumis au forfait en heures ce qui, cette fois, restreint les catégories de salariés pouvant être concernées.
Enfin, l'article 19 modifie les articles L. 3121-43 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L3869IBW) et retouche les règles relatives aux forfaits en jours à l'année.
Ce forfait ne pourra, d'abord, pas concerner tous les cadres. En effet, le texte reprend la condition posée pour l'application d'un forfait en heures, mais il y ajoute la condition que le salarié dispose d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps. Cela devrait permettre, de facto, d'exclure du mécanisme ceux que l'on a, parfois, pu appeler les "petits cadres" et qui demeurent soumis aux contraintes horaires imposées par leurs supérieurs. S'agissant des salariés non-cadres, ensuite, la loi reprend in extenso les anciennes conditions prévues par le Code du travail, c'est-à-dire un critère cumulatif d'impossibilité de prédétermination du temps de travail et de réelle autonomie dans l'organisation de l'emploi du temps du salarié.
La loi détermine, également, un nombre de jours maximal qui ne peut être dépassé par les accords collectifs déterminant la durée annuelle pour les forfaits-jours. L'article L. 3121-44 du Code du travail (N° Lexbase : L3857IBH) impose un plafond de 218 jours aux partenaires sociaux. Cette limite correspond à peu près au nombre de jours calendaires d'une année auxquels sont soustraits les congés payés, les samedis et dimanches, les jours fériés et, enfin, une dizaine de jours de récupération. Cette limite constituant un maxima, on peut estimer qu'elle est raisonnable. Mais, là encore, il pèse une véritable responsabilité sur les partenaires sociaux dans l'entreprise car, à défaut d'accord, les règles applicables seront beaucoup moins favorables.
En effet, l'article L. 3121-45 du Code du travail (N° Lexbase : L3952IBY) prévoit que les salariés, en accord avec leur employeur, peuvent renoncer à leurs jours de repos, dans la limite fixée par l'accord collectif. Si cette possibilité pour les parties au contrat de travail doit être formalisée par un écrit, il n'est plus nécessaire, comme cela était auparavant le cas, que l'accord collectif en prévoie la possibilité. La décentralisation est, là encore, le maître mot. La rémunération des heures ainsi effectuées doit être majorée d'au moins 10 %, ce taux pouvant être accru par un avenant à la convention de forfait. Si ce taux peut paraître bien modeste, il faut, néanmoins, constater que l'ancien système ne prévoyait aucun minima, cette mission étant déléguée à l'accord collectif.
Même si cette renonciation ne doit plus nécessairement avoir été prévue par accord collectif, l'existence de l'accord fixant la durée maximale demeure, néanmoins, primordiale. En effet, le texte dispose que, "à défaut d'accord, ce nombre maximal est de deux cent trente-cinq jours". Dans cette hypothèse, les jours fériés et la dizaine de jours de repos sont exclus du calcul. C'est cette disposition qui a été vertement critiquée par les organisations syndicale catégorielles de cadres, en particulier par la CGC, et a même donné lieu à des manifestations de cadres, ce qui l'on en conviendra, n'est pas un phénomène des plus courants (19).
Il devrait, cependant, être particulièrement rare que la limite atteigne ces 235 jours, puisque l'existence même des conventions de forfait sur l'année dans l'entreprise est soumise par l'article L. 3121-39 à la conclusion d'un accord collectif préalable. Les partenaires sociaux négocieront donc nécessairement sur les conventions de forfait et il demeure peu probable qu'ils ne s'entendent pas à cette occasion sur un nombre de jours maximal. Cette limite de 235 jours est donc probablement "l'arbre qui cache la forêt", la disposition apportant le changement le plus profond demeurant la possibilité d'instituer des forfaits en heures à la semaine ou au mois pour tout salarié.
Comme dans l'ancien système, les salariés au forfait-jours ne sont pas soumis aux durées maximales hebdomadaires ou quotidiennes des articles L. 3121-24 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L3735IBX). La seule limite à cet égard est celle du respect des temps de repos obligatoires : repos quotidien, hebdomadaire, dispositions relatives aux jours fériés-chômés -c'est-à-dire au 1er mai- et respect du droit aux congés payés.
Enfin, le nouvel article L. 3121-46 (N° Lexbase : L3891IBQ) institue un entretien annuel individuel entre l'employeur et le cadre au forfait-jours. Cet entretien "porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié". Il s'agit là d'une négociation annuelle de la convention de forfait qui ne dit pas son nom. D'ailleurs, si l'idée d'un tel entretien est plutôt bonne, elle aurait pu s'accompagner d'une sanction en cas de réticences des parties à la tenue d'un tel entretien.
(1) V., déjà, lors de l'été 2007, les dispositions de la loi dite "TEPA" (loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat N° Lexbase : L2417HY8). Sur ce texte et ses incidences sur les heures supplémentaires, v., notamment, F. Favennec-Héry, Feu vert pour la détaxation des heures supplémentaires et complémentaires, JCP éd. S, 2007, 1665 ; F. Champeaux, Des incertaines vertus du nouveau régime des heures supplémentaires et complémentaires, une loi qui cherche, RDT, 2007, p. 699 ; nos obs., Les dispositions du projet de loi sur les heures supplémentaires, Lexbase Hebdo n° 270 du 26 juillet 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N9574BB9).
(2) On relèvera que, contrairement aux dispositions de l'ancien article L. 3121-12 du Code du travail (N° Lexbase : L0302H93), il n'est plus nécessaire que l'accord de branche ait été étendu.
(3) Dans cette hypothèse, le dernier alinéa de l'article prévoit la consultation annuelle des institutions représentatives du personnel dans l'entreprise.
(4) V. l'article L. 2253-1 du Code du travail (N° Lexbase : L2409H94), issu de la loi du 4 mai 2004. Sur ce thème, v. M.- A. Souriac, L'articulation des niveaux de négociation, Dr. soc., 2004, p. 579.
(5) Sur la fréquence de ces clauses dans les conventions de branche récentes, v. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Dalloz, 23ème éd., p. 966, spéc. note n° 2.
(6) Sur cette question, v. notre article, Articles 5, 6 et 7 de la loi du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : démocratisation de la désignation du DS, RSS et renforcement du statut protecteur des salariés titulaires d'un mandat syndical, Lexbase Hebdo n° 317 du 11 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N9810BGG).
(7) Règle posée par l'ancien article L. 3121-19 du Code du travail (N° Lexbase : L0310H9D), abrogé par la présente loi.
(8) V. les obs. de Ch. Radé, Commentaire de la décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008, loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : dispositions relatives à la durée du travail, Lexbase Hebdo n° 318 du 18 septembre 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N1815BHP).
(9) Alors que les articles suivants sont abrogés... Il aurait tout de même paru plus clair d'insérer ce texte à l'article L. 3121-12. Décidément, les pieux objectifs de la recodification ont bien vite été oubliés.
(10) Nous soulignons.
(11) Sur l'ancien système, v. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, préc., pp. 1060 et s..
(12) V., par ex., Cass. soc., 31 mars 1998, n° 96-41.878, Société Bristol MECI c/ M. Devilliers et autre (N° Lexbase : A9660AAZ).
(13) Cass. soc., 10 mars 1998, n° 95-44.842, M. Naegel c/ Société Promaco, publié (N° Lexbase : A2568AC4), Dr. soc., 1998, 492 , obs. J. Bathélémy ; Cass. soc., 6 juillet 1999, n° 97-41290, M. Quintana c/ M. Charpentier., publié (N° Lexbase : A3549CGK), Dr. soc., 1999, 956, obs. B. Gauriau ; Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-46.369, Société Castorama France c/ M. Roy Cerezo, FS-P+B (N° Lexbase : A4840DBU).
(14) Cass. soc., 25 novembre 1998, n° 96-43.460, M. Marc Helfter c/ Société Armbruster frères, société anonyme (N° Lexbase : A2990AGT).
(15) Dans une certaine mesure seulement puisque la jurisprudence n'a jamais eu à statuer, jusqu'à ce jour, sur une forfaitisation de la rémunération sur le mois, si bien que les conventions de forfait en heures sur le mois constituent une véritable nouveauté.
(16) En effet, si le principe de faveur a sérieusement été remis en question dans les rapports entre conventions collectives par la loi du 4 mai 2004 déjà évoquée, l'articulation entre convention collective et contrat de travail est demeurée intacte, si bien que le contrat ne saurait instituer, même par convention de forfait, une durée dérogeant in pejus à la durée conventionnelle, l'article L. 2254-1 du Code du travail ayant préservé l'application du principe de faveur entre ces deux normes.
(17) La jurisprudence a toujours exigé que le salarié ait accepté le forfait, v., notamment, Cass. soc., 6 novembre 1991, n° 88-43.669, N'Guyen Manh Hoaï c/ SARL TMD (N° Lexbase : A9311AA4) ; Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-46.369, Société Castorama France c/ M. Roy Cerezo, FS-P+B (N° Lexbase : A4840DBU) et les obs. de S. Martin-Cuenot, Condition d'effectivité d'une convention de forfait et rémunération des heures d'astreinte, Lexbase Hebdo n° 113 du 24 mars 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N0963ABB).
(18) Côté législateur, v. l'ancienne rédaction de l'article L. 3121-41 du Code du travail ; côté jurisprudence, v. Cass. soc., 25 novembre 1998, n° 96-43.460, M. Marc Helfter c/ Société Armbruster frères, société anonyme (N° Lexbase : A2990AGT).
(19) V. le site internet de la CFE-CGC.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:331808