La lettre juridique n°298 du 27 mars 2008 : Social général

[Evénement] Mobilité internationale : aspects techniques et opportunités d'optimisation de la rémunération des cadres dirigeants

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N3534BEM

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par Charlotte Figerou, Juriste en droit social

le 07 Octobre 2010

Le 7 février dernier, Ernst and Young organisait, à Bordeaux, un atelier dédié à la mobilité internationale des salariés, plus spécifiquement axé sur ses conséquences dans les domaines du droit du travail, du droit de la Sécurité sociale et du droit fiscal. Cyril Crugnola, avocat de la ligne de services Human Capital, menait les débats, accompagné d'Anne France Oulié, avocat de la ligne de services Droit social, et de Virginie Téchené, juriste en droit social, du bureau de Bordeaux. Cet atelier visait à sensibiliser son public aux problématiques liées à la mobilité internationale des salariés et, tout particulièrement, à mettre en exergue les outils qui sont à la disposition des employeurs et qui servent de levier à la motivation des salariés, en l'occurrence cadres, pour une mutation hors de nos frontières. Cyril Crugnola appartient à l'équipe pluridisciplinaire "Human capital" d'Ernst and Young, composée de 80 professionnels en France (avocats et advisors) et présente dans plus de 130 pays, laquelle poursuit plusieurs objectifs : anticiper et optimiser la gestion des salariés en situation de mobilité internationale ; contribuer à la stratégie de ressources humaines à l'international ; diagnostiquer les risques fiscaux et sociaux inhérents à la situation de mobilité internationale des salariés ; définir la couverture sociale des salariés expatriés et, enfin, optimiser la rémunération des salariés et des cadres dirigeants à l'international. La branche "Human capital" intervient dans cinq domaines en particulier, que sont le droit du travail, le droit de la Sécurité sociale, le droit fiscal, le droit de l'immigration et, enfin, les ressources humaines. I. Aspects techniques de la mobilité internationale
  • Droit du travail

L'employeur désireux de proposer une mutation à l'étranger à l'un de ses salariés doit, avant toute chose, s'attacher au formalisme juridique qui fera vivre cette relation de travail.

En droit du travail, il n'existe pas de définition légale du détachement ou de l'expatriation.

Le salarié détaché, outre le fait qu'il continue à travailler pour le compte de la société d'origine, est celui qui est mis à disposition à l'étranger pour une durée limitée par une entreprise ayant son siège social en France.

Ainsi, en principe, le salarié conserve un lien juridique avec son entreprise d'origine. Autrement dit, il reste salarié de son entreprise. Il appartient à l'effectif de la société, reste rémunéré par la société d'origine et bénéficie exclusivement de l'application du contrat de travail initialement conclu avec l'employeur d'origine, bien que son contrat s'exécute à l'étranger dans une autre société.

La notion d'expatriation est, quant à elle, généralement employée pour des salariés envoyés à l'étranger pour une mission de longue durée. Le lien de subordination avec l'entreprise d'origine est, en outre, très atténué, voire rompu, et un contrat local est conclu avec l'entreprise d'accueil.

La loi applicable à la relation de travail est choisie selon le principe de l'autonomie de la volonté. Autrement dit, les parties choisissent, en principe, librement, la loi qu'elles souhaitent voir appliquée au contrat. Une limite, toutefois, est posée à ce principe d'autonomie de la volonté des parties : l'ordre public du pays d'accueil, auquel il est impossible de déroger. En outre, si les parties ont recours à la loi française, les conventions collectives afférentes devront, également, recevoir application.

Le contrat de travail doit contenir un certain nombre de clauses obligatoires et prendre la forme d'un écrit. Au titre des clauses devant figurer dans ce contrat, on relèvera, tout particulièrement, l'identité des parties, le lieu de travail, le titre du salarié ou la description sommaire du travail, la date de début du contrat, sa durée prévisible, la durée des congés payés ou les modalités d'attribution de ces congés, la durée du préavis, les divers éléments de rémunération et la périodicité de versement de cette rémunération, la durée du travail journalière et hebdomadaire et, le cas échant, les conventions et accords collectifs applicables.

Le contrat de travail des expatriés, dont la durée d'expatriation est supérieure à 1 mois, devra, en outre, contenir des clauses relatives à la durée de l'expatriation, à la devise servant au paiement de la rémunération, aux avantages en espèce et en nature et, enfin, aux conditions de rapatriement.

Les situations de détachement, dans leur généralité, sont régies par la Directive européenne du 14 octobre 1991 (Directive du Conseil 91/533/CEE du 14 octobre 1991, relative à l'obligation de l'employeur d'informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail N° Lexbase : L7592AUQ).

Puis, si certaines clauses ne sont pas obligatoires, elles sont, selon Cyril Crugnola, largement recommandées. Sont, ici, visées les clauses relatives au droit applicable et à la juridiction compétente, l'objet du contrat de travail et les conditions suspensives (obtention des titres de séjour et de travail), le sort du contrat d'origine, le cas échéant, les conditions d'exécution de la mission à l'étranger, le salaire de référence du salarié, éventuellement la prévision d'un mécanisme dit d'égalisation fiscale et/ou sociale, lui permettant de ne pas supporter un montant de charges sociales ou d'impôt supérieur à celui qu'il supporterait s'il était resté en France, le statut social et fiscal du salarié, les différents frais liés au voyage, au déménagement et au rapatriement et, enfin, tout ce qui concerne la rupture du contrat de travail.

Peuvent, bien entendu, s'ajouter à cette liste, la clause d'exclusivité, la clause relative au secret professionnel et la clause de non-concurrence. Cette dernière est importante dans la mesure où l'employabilité de certaines catégories de salarié (notamment ingénieurs) augmente compte tenu de l'expérience internationale acquise dans le cadre de la mission à l'étranger.

  • Protection sociale

L'employeur doit assurer au salarié candidat à la mobilité une couverture sociale adéquate et identifier les optimisations réalisables en ce qui concerne le coût et l'étendue de la couverture sociale.

C'est en droit de la Sécurité sociale que les notions de détachement et d'expatriation prennent tout leur sens juridique.

En vertu du principe de territorialité en matière de Sécurité sociale, l'expatriation est la règle. En ce sens, le salarié est normalement assujetti au régime de Sécurité sociale du lieu d'exercice de son activité.

En cas de détachement, le salarié bénéficie du maintien au régime de Sécurité sociale de son pays d'origine. Ce maintien s'effectue soit par le jeu de dispositions communautaires (et, notamment, le Règlement CE n° 1408/71 du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de Sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté N° Lexbase : L4570DLT), si le salarié est envoyé en Europe, soit par le biais de conventions bilatérales de Sécurité sociale éventuellement conclues entre les pays, soit par celui de dispositions de droit interne français.

Le détachement ne doit pas excéder une certaine durée, qui est variable selon le pays au sein duquel le salarié est détaché. Ainsi, la durée maximale d'un détachement d'un salarié d'un Etat membre de l'Union européenne vers un autre Etat membre de l'Union européenne est, en principe, de douze mois, renouvelable une fois si la mission n'a pas été achevée à la suite de circonstances exceptionnelles. Cette durée peut, également, être supérieure pour les détachement dits exceptionnels, en vertu de l'article 17 du Règlement CE précité.

La durée maximale d'un détachement d'un salarié d'un Etat membre de l'Union européenne vers un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne est souvent prévue par des traités bilatéraux de Sécurité sociale. A titre d'exemple, aux Etats-Unis, le détachement est d'une durée de cinq ans en application de la convention bilatérale conclue avec la France. En l'absence de convention bilatérale avec la France, les dispositions du droit français sont applicables.

Par application des articles L. 761-2 (N° Lexbase : L5701ADI) et R. 761-1 (N° Lexbase : L8371ADE) du Code de la Sécurité sociale, la durée maximale du détachement est de 3 ans renouvelable une fois, soit une durée maximale de 6 ans.

En revanche, si le salarié est expatrié, il est, alors, assujetti au système de Sécurité sociale du pays d'accueil et pourra opter, pour compléter l'étendue de sa couverture le cas échéant, pour une affiliation volontaire à des organismes tels que la Caisse des Français à l'Etranger (CFE).

Contrairement au détachement, l'expatriation n'est soumise à aucune limitation de durée.

En pratique, l'expatriation est souvent plus avantageuse pour l'employeur compte tenu du coût que représente la Sécurité sociale en France. Si l'employeur opte effectivement pour une expatriation, alors il peut recomposer la protection sociale de son salarié en adhérant à certains organismes proposant des solutions intéressantes dans ce domaine qui peuvent aller du contrat groupe au contrat individuel, chaque risque pouvant faire l'objet d'un contrat d'assurance indépendamment de tous les autres. Le salarié peut lui-même souscrire des contrats d'assurance à titre individuel, sans participation de son employeur.

  • Droit fiscal

En matière de fiscalité, l'analyse procède d'une toute autre démarche. Dans ce domaine, il n'existe pas, par exemple, de "choix" en ce qui concerne le statut applicable au salarié. Seule compte la résidence fiscale de celui-ci afin de déterminer l'étendue de ses obligations tantôt "illimitées", s'il est résident fiscal du pays concerné, tantôt "limitées", s'il est non-résident.

Là encore, le jeu des conventions internationales prend toute son importance. En effet, elles permettent, notamment, de trancher les éventuels conflits de résidence entre plusieurs pays dans lequel le salarié exercerait, par exemple, une activité.

Ensuite, ces conventions permettront, au besoin, de déterminer à quel pays appartient le droit d'imposition de telle ou telle catégorie de revenu.

Enfin, en cas de double imposition d'un même revenu, les conventions permettront d'en éliminer ou d'en atténuer les effets selon deux méthodes : l'octroi d'un crédit d'impôt ou le taux effectif.

Que cela soit en matière fiscale ou sociale, la combinaison de ces dispositions avec celles de droit interne pourra offrir, le cas échéant, un certain nombre d'opportunités de réduction du coût fiscal et/ou social de la situation de mobilité du salarié.

II. Illustrations en ce qui concerne les mécanismes d'optimisation

A titre d'illustration, il est, ainsi, possible de citer les exemples suivants sans que ceux-ci n'aient forcément de lien entre eux :

- La mise en place de contrats multiples ou "split contracts" / "split payroll" :

Cette technique consiste à éclater la rémunération entre différents pays, dans lesquels les salariés exercent une activité effective et peuvent être rémunérés. Elle s'adresse le plus souvent à des cadres dirigeants. Afin que le mécanisme soit efficace au plan fiscal, il convient, notamment, que la rémunération versée au titre de l'activité exercée à l'étranger soit imposable à l'étranger en vertu de la convention fiscale applicable, que la méthode d'élimination prévue par la convention soit favorable au contribuable (mécanisme du taux effectif), et que le taux d'imposition dans le pays étranger soit moins élevé que dans le pays d'origine.

En raison de l'organisation parfois fastidieuse résultant de la mise en place ou de la gestion du mécanisme (existence de plusieurs contrats, systèmes de paie, etc.), cette technique doit seulement être envisagée pour des personnes ayant une rémunération significative.

- Pluri-activité dans un contexte communautaire :

De par le jeu des dispositions du Règlement communautaire n° 1408/71, et notamment l'article 14.2 b) ii), la rémunération d'un salarié, bien que celui-ci réside dans un pays où le montant des cotisations sociales est important, pourra être intégralement assujettie à un régime de protection sociale plus favorable en terme de coûts. Ce sera le cas, par exemple, d'une personne qui réside en France, mais qui exerce une activité professionnelle sur le territoire de plusieurs Etats membres (par exemple l'Italie et l'Allemagne) autres que celui de sa résidence, pour le compte d'un seul employeur localisé par exemple au Royaume-Uni. Dans ce cas, la rémunération afférente à cette activité devra être soumise au régime de Sécurité sociale du lieu du siège de l'employeur, à savoir le Royaume-Uni.

L'octroi de jetons de présence dans un contexte France / Royaume-Uni

Selon des circonstances bien particulières et en l'état actuel de la convention fiscale conclue entre les deux pays, ce mécanisme peut présenter un intérêt significatif en termes d'impôt et de cotisations sociales.

- L'octroi de primes dites "d'expatriation" ou "de mobilité" au sens de l'article 81A II du Code général des impôts (N° Lexbase : L2447HNX)

Selon le cas, et sous réserve de respecter un certain nombre de conditions, ces dispositions permettent de faire échapper à l'impôt sur le revenu une partie non négligeable de la rémunération octroyée.

- L'exonération d'éléments de rémunérations liés à une situation d'impatriation en France (CGI, art. 81 B N° Lexbase : L2448HNY) :

Sous réserve de respecter un certain nombre de conditions, ces dispositions permettent à des cadres impatriés en France de bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu sur certains éléments de leur rémunération.

L'utilisation de ces dispositions peut présenter un certain intérêt pour les entreprises dans le cadre de négociations salariales en net après impôt.

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