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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
le 27 Mars 2014
Et c'est à ne rien y comprendre. Dans un arrêt rendu le 18 octobre dernier par la Cour de cassation, un salarié avait saisi les juges en contestation de sa mise à la retraite, comme refusant de cesser son activité malgré un revenu de remplacement à taux plein. La retraite peut-elle, alors, être vécue comme la bérézina ? Notamment, pour celui, pour qui, comme Kant, "le travail est l'activité vitale propre au travailleur, l'expression personnelle de sa vie". Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen, nous invite ainsi à nous pencher, cette semaine, sur cette intéressante décision. Pour dire que la mise à la retraite s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les premiers juges avaient retenu que l'employeur devait justifier du "remplacement" du salarié mis à la retraite, ce qui signifiait que le salarié embauché devait succéder au retraité dans sa fonction qu'il devait exercer à sa place. La Cour de cassation censure cette décision et précise que la mise à la retraite d'un salarié de moins de 65 ans qui peut bénéficier d'une pension vieillesse à taux plein et qui peut faire liquider sans abattement les retraites complémentaires auxquelles l'employeur cotise avec lui ne constitue pas un licenciement lorsqu'elle est suivie d'une mesure d'accompagnement. Il n'aura donc échappé à personne que la "retraite" est au coeur de l'actualité médiatique de cette semaine, donnant lieu à une véritable saga à l'appréhension parfois contradictoire.
En effet, après les batailles de Schöngraben, d'Austerlitz et de Borodino, Tolstoï s'attaque, cette semaine, dans son Guerre et Paix télévisuel, à la décrépitude de l'armée napoléonienne contrainte de repasser le Niémen, et pas forcément sur un radeau... Tout est abordé, la Russie tsariste, la question du servage, des sociétés secrètes, etc. Mais sait-on au juste pourquoi l'armée impériale recule ? L'intendance mon général ! L'armée bat en retraite car elle ne se sent plus la force ni de poursuivre, ni de progresser. La prise de conscience de ses propres limites, telle est son ennemi, bien plus que Koutousov. A Napoléon qui maugréait que "c'est dans la retraite qu'on perd les hommes", son ami Goethe pouvait bien lui rétorquer que "le talent se développe dans la retraite ; [alors que] le caractère se forme dans le tumulte du monde" (extrait de Torquato Tasso). Les points de vue sur la retraite sont partagés : d'aucuns écartant purement et simplement l'option, d'autres l'appelant de leurs voeux. Mais finalement, face au déterminisme inéluctable de Tolstoï, dans quelle mesure est-on maître du moment de sa retraite, avant que résistance ne lâche ?
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