La lettre juridique n°269 du 19 juillet 2007 : Responsabilité

[Jurisprudence] Accidents de la circulation : la Cour de cassation confirme l'appréciation extensive de la notion d'implication au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985

Réf. : Cass. civ. 2, 4 juillet 2007, n° 06-14.484, Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF), FS-P+B (N° Lexbase : A0822DXQ)

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[Jurisprudence] Accidents de la circulation : la Cour de cassation confirme l'appréciation extensive de la notion d'implication au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209276-jurisprudenceaccidentsdelacirculationlacourdecassationconfirmelappreciationextensivedel
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

le 07 Octobre 2010

L'occasion a, à quelques reprises déjà, été donnée de signaler l'importance du contentieux en matière d'accidents de la circulation et les difficultés suscitées par la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 1985 (loi n° 85-677 N° Lexbase : L7887AG9) tendant, précisément, à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, applicables, aux termes de l'article 1er de la loi, "même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres". Ainsi, très récemment, répondant au point de savoir si peut être opposée à la victime d'un accident de la circulation sa faute constituée par le fait d'avoir un taux d'alcoolémie supérieur au taux légalement admis, deux arrêts rendus en Assemblée plénière, abandonnant des solutions antérieures admises par la deuxième chambre civile considérant que le dépassement du taux d'alcoolémie autorisé faisait présumer le lien causal, ont jugé qu'un taux d'alcoolémie excessif n'est pas constitutif d'une faute nécessairement causale d'un accident de la circulation (1). A côté de ces difficultés tenant au régime de la loi, ce sont, également, en amont, des questions relatives aux conditions d'application du dispositif légal qui se posent, particulièrement lorsque l'on se demande si le véhicule est ou non "impliqué" dans l'accident.

Evidemment, la loi n'est pas applicable à l'hypothèse d'un accident dans lequel ne serait impliqué qu'un seul véhicule.

La Cour de cassation l'a assez récemment encore affirmé, dans un cas dans lequel une automobiliste avait été renversée par son propre véhicule parti en marche arrière alors qu'elle en était descendue pour fermer la porte du garage de son domicile et, blessée, avait demandé à son assureur l'indemnisation de son préjudice : "le gardien d'un véhicule terrestre à moteur, victime d'un accident de la circulation, ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 à l'encontre de son propre assureur, pour obtenir l'indemnisation de son dommage, en l'absence d'un tiers conducteur du véhicule, débiteur d'une indemnisation à son égard" (2). Mais les hésitations sont plus sérieuses lorsque plusieurs véhicules sont intervenus dans l'accident. Plus de vingt ans après son entrée en vigueur, la notion d'implication continue se soulever des interrogations, comme en témoigne, encore, un récent arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 4 juillet dernier, à paraître au Bulletin.

En l'espèce, circulant de nuit, un véhicule de police s'était engagé à la poursuite d'un véhicule volé et avait heurté le muret d'une autoroute pour, finalement, se retourner. Le conducteur, gardien de la paix, avait été blessé, et deux de ses collègues passagers sont décédés des suites de l'accident. L'assureur du véhicule volé reprochait aux juges du fond de l'avoir condamné à indemniser les victimes ou leurs ayant droits, alors que, selon lui, ledit véhicule ne pouvait pas être considéré comme impliqué dans l'accident, l'implication d'un véhicule dans un accident de la circulation supposant, selon le pourvoi, "qu'il ait objectivement eu une influence sur le comportement de la victime ou du conducteur d'un autre véhicule, qu'il l'ait heurté, gêné ou surpris".

Assez classiquement, cette argumentation n'a pas convaincu la Cour de cassation qui relève que "l'arrêt retient exactement qu'est impliqué au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 tout véhicule qui est intervenu à un titre quelconque dans la survenance de l'accident et qu'en l'espèce, la MACIF [l'assureur] ne saurait valablement contester l'implication du véhicule Subaru [le véhicule poursuivi], dès lors que malgré l'absence de contact, l'accident s'est produit durant la poursuite du véhicule des malfaiteurs". L'arrêt confirme, ainsi, l'appréciation très large faite de la notion d'implication par la jurisprudence, et sans doute voulue par le législateur, même s'il n'a pas défini cette notion. Nul n'ignore, en effet, que la jurisprudence a non seulement abandonné une distinction à laquelle on avait pu, dans un premier temps, songer selon que le véhicule est ou non en mouvement, décidant ainsi que le fait qu'un véhicule heurté soit en stationnement sans perturber la circulation n'exclut pas son implication dans un accident (3), mais encore considéré qu'un véhicule pouvait être impliqué dans un accident même en l'absence de contact, dès lors qu'il est intervenu d'une manière ou d'une autre dans cet accident (4).

Ces solutions paraissent justifiées par l'objectif poursuivi par la loi, figurant au demeurant dans son intitulé même. Au fond, l'une des rares hypothèses dans lesquelles l'implication est écartée est celle dans laquelle le véhicule est immobile est qu'est seul en cause dans l'accident un élément d'équipement du véhicule étranger à sa fonction de déplacement (5). Cette solution pourrait d'ailleurs être discutée (quid du dommage causé par le rétroviseur ou l'antenne radio d'un véhicule ?), mais c'est là un autre débat...


(1) Ass. plén., 6 avril 2007, 2 arrêts, n° 05-81.350, M. Daniel Duboust c/ Mme Patricia Pipon, P+B+R+I (N° Lexbase : A9501DUG) et n° 05-15.950, MACIF Provence-Méditerranée c/ M. Stéphane Devos, P+B+R+I (N° Lexbase : A9499DUD) ; et nos obs., Un taux d'alcoolémie excessif n'est pas constitutif d'une faute nécessairement causale d'un accident de la circulation, Lexbase Hebdo n° 259 du 10 mai 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N0432BBM).
(2) Cass. civ. 2, 13 juillet 2006, n° 05-17.095, Mme Florence Joseph-Adolphe, épouse Bandry, FS-P+B (N° Lexbase : A4602DQI) et nos obs., La loi du 5 juillet 1985 et le cas du véhicule seul impliqué dans un accident de la circulation, Lexbase Hebdo n° 229 du 28 septembre 2006 - édition privée générale (N° Lexbase : N3090ALZ) ; comp. Cass. civ. 2, 7 décembre 2006, n° 05-16.720, Société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (MATMUT), FS-P+B (N° Lexbase : A8341DSQ) et nos obs., Impossibilité pour le conducteur gardien de demander la réparation de son dommage sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 en l'absence d'un tiers débiteur d'une indemnisation, Lexbase Hebdo n° 243 du 11 janvier 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N7209A9U) ; et voir déjà, antérieurement, dans le même sens, Cass. civ. 2, 19 novembre 1986, n° 85-13.760, M. Betton et autre c/ M. Rabineau et autres (N° Lexbase : A6478AA8), Bull. civ. II, n° 166 ; Cass. civ. 2, 24 mai 1991, n° 90-11.805, M. Voisin c/ M. Colotto (N° Lexbase : A5130AHH), Bull. civ. II, n° 153.
(3) Cass. civ. 2ème, 23 mars 1994, n° 92-14.296, Consorts Fourdrin c/ M. Cailleux et autres, publié (N° Lexbase : A6597AXM), JCP éd. G, 1994, II, 22292, note P. Jourdain, D. 1994, p. 299, note H. Groutel.
(4) Cass. civ. 2, 18 mars 1998, n° 96-13.726, Fonds de garantie automobile (FGA) c/ Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France (MACIF) et autres (N° Lexbase : A2686ACH), Bull. civ. II, n° 88.
(5) Voir not. Cass. civ. 2, 19 octobre 2006, n° 05-14.338, Gan encourtage IARD, FS-P+B (N° Lexbase : A9648DRR), à propos d'un dommage causé par la pompe d'un camion citerne immobile à l'occasion d'un ravitaillement en gaz liquide.

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