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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
le 27 Mars 2014
Effet, par une décision en date du 21 mai 2007, le Conseil d'Etat a précisé les obligations qui pèsent sur les entreprises en ce qui concerne la justification de l'exactitude de leurs écritures de charges. Les charges justifiées par des factures sont présumées déductibles. Le juge doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration. Ce faisant, comme nous l'explique, cette semaine, Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice (1ère ch.), la Haute Assemblée a adopté une interprétation souple de la solution retenue par un précédent arrêt de section du 20 juin 2003, puisque dans le cas où le contribuable justifie du caractère déductible d'une charge par une facture, il n'a pas à apporter immédiatement devant l'administration tous les éléments justificatifs complémentaires établissant la nature de la charge en cause, ainsi que l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. En effet, il n'aura à apporter ces éléments devant le juge que si l'administration a contesté le caractère déductible de la charge en cause. La décision du 21 mai 2007 constitue, ainsi, une solution favorable aux contribuables qui consacre, en outre, le rôle essentiel du juge de l'impôt dans la détermination et la mise en oeuvre de la dialectique de la charge de la preuve entre ceux-ci et l'administration fiscale. La semaine prochaine, nous vous proposerons de lire le point de vue de l'avocat-fiscaliste, à travers les observations de Jean-Marc Priol, Avocat au Barreau de Nanterre, Landwell et Associés.
Aussi, 20 ans après la loi "Aicardi", qui a incontestablement marqué une étape charnière dans la législation du contrôle fiscal, en octroyant aux contribuables nombre de droits et garanties dont le non-respect par l'administration peut aboutir à l'annulation de la procédure de contrôle, cette jurisprudence est la bienvenue. Au nom du réalisme fiscal, elle confie au juge le soin de déterminer dans quelle mesure la charge de la preuve peut être dévolue, non pas classiquement et seulement à celui qui affirme une assertion donnée, mais selon la facilité avec laquelle il est possible de prouver ou non une affirmation (adieu charge et renversement de la charge de la preuve en matière fiscale !). Elle s'intègre parfaitement dans la dynamique insufflée par la loi de 1987, suivie dernièrement par le rapport d'information sur les relations entre l'administration fiscale et les contribuables (M. Jean-Yves Cousin) de 2003, la loi de simplification du droit de 2004, et la jurisprudence du Conseil d'Etat, en faveur d'une amélioration des rapports entre contribuables et administration fiscale.
Car, chacun sait que toute contestation du principe de l'impôt entraîne, de facto, une tension fortement palpable dans les relations entre contribuables et administration fiscale. Une tension que seul le juge peut, au final, réduire en rééquilibrant la contrariété de la prérogative de puissance publique face à la présomption favorable au contribuable inhérente au système déclaratif. N'oublions pas que l'administration tire sa mission de recouvrir l'impôt dans les meilleurs conditions et délais, de l'article 13 de la DDHC (pierre angulaire du Contrat social) ; alors que l'instauration d'un système d'imposition déclaratif sous-tend une présomption de véracité des éléments ainsi déclarés et une confiance accordée au contribuable. La recherche de l'équilibre en matière de charge et d'administration de la preuve est donc de prime importance pour ne pas tomber dans un climat de suspicion kafkaïen, en attendant une relation contribuable-administration capable de dépasser l'absurdité de la confrontation si décriée par Courteline.
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