La lettre juridique n°260 du 17 mai 2007 : Social général

[Evénement] Actualité sur le télétravail

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par Compte-rendu réalisé par Aurélie Serrano, SGR - Droit social

le 07 Octobre 2010


L'Atelier Droit du Travail et Nouvelles Technologies de l'Association pour le développement de l'informatique juridique (Adij) et de la commission ouverte "Marchés Emergents et Nouvelles Technologies" du Barreau de Paris s'est tenu, le 26 avril 2007, sur le thème "Le télétravail et le travail collaboratif : actualité". Lors de cette réunion, animée par Christine Baudoin, avocat au barreau de Paris, associée du Cabinet LMT Avocats, spécialiste en droit social, sont intervenus, notamment, Nicole Turbé Suetens, expert européen en nouvelles organisations du travail, et Serge Le Roux, directeur du Centre de Recherche Universitaire et Etudes Economiques. Participait, également, à cet atelier, Jean-Emmanuel Ray, Professeur à l'Université Paris I et à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.



1. Point sur le recours au télétravail en France

  • Le cadre juridique du télétravail en France

Le droit du télétravail est un droit issu d'accords collectifs. Il n'a pas de fondements légaux et s'est développé, en France, de manière largement informelle, depuis les années 1980. Il faudra attendre le 19 juillet 2005 pour qu'un accord des partenaires sociaux soit conclu sur ce thème. Cet accord a été étendu par arrêté du ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement en date du 30 mai 2006 (N° Lexbase : L9489HIB), modifié par arrêté du 15 juin 2006 (N° Lexbase : L0869HKE). Rappelons que ce texte est la transposition d'un accord-cadre européen conclu le 16 juillet 2002.

  • Définition du télétravail issue de l'accord national interprofessionnel (Ani) du 19 juillet 2005

L'Ani (préc.) définit le télétravail "comme une forme d'organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l'information dans le cadre d'un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l'employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière".

L'accord rappelle que le principe d'égalité de traitement entre les télétravailleurs et les autres catégories de travailleurs doit être strictement respecté. Ainsi, les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans l'entreprise. Ce texte impose aussi à l'employeur le respect d'un certain nombre d'obligations : celui-ci doit veiller au respect de la vie privée du salarié, lui fournir l'équipement de travail, l'informer de la politique de l'entreprise en matière de santé et sécurité au travail...

Ainsi que le souligne Nicole Turbé Suetens, cette définition du télétravail permet d'englober différentes formes de télétravail régulier répondant à un large éventail de situations et de pratiques sujettes à des évolutions rapides. Elle inclut les salariés "nomades", mais le fait de travailler à l'extérieur des locaux de l'entreprise ne suffit pas à conférer à un salarié la qualité de télétravailleur. Le caractère régulier exigé par la définition n'implique pas que le travail doit être réalisé en totalité hors de l'entreprise, et n'exclut donc pas les formes alternant travail dans l'entreprise et travail hors de l'entreprise.

  • Le télétravail en pratique : chiffres et constats

Selon une étude de la Dares intitulée "le télétravail en France", 7 % des salariés étaient, en 2004, en France, en situation de télétravail (5 % de télétravailleurs nomades et 2 % de télétravailleurs au domicile). Ce chiffre est à comparer avec la moyenne européenne qui se chiffrait à 13 % de la population active, chiffre lui-même inférieur à la moyenne américaine qui s'élevait à 25 % à la date de l'enquête.

La Dares relève, également, dans ce rapport, que les "télétravailleurs" sont très qualifiés (la moitié d'entre eux sont des cadres, un tiers d'entre eux exercent une profession intermédiaire). En outre, et contrairement aux idées reçues, les hommes ont adopté cette nouvelle pratique de travail plus fréquemment que les femmes. Les principaux secteurs d'activité utilisateurs du télétravail sont les services aux entreprises, les banques et les assurances. Enfin, les télétravailleurs semblent bien insérés dans leur entreprise et l'organisation de leur temps de travail, plus souple que pour les autres salariés, peut empiéter sur la nuit, les samedis et les dimanches, selon le choix des individus.

Un rapport parlementaire intitulé "Du télétravail au travail mobile : un enjeu de modernisation de l'économie française", présenté le 10 novembre 2006 au Premier ministre par Pierre Morel-A-Lhuissier, député de la Lozère, rappelle l'enjeu du télétravail dans la modernisation de l'économie française. Ce travail parlementaire s'inspire, notamment, de la Recommandation du Forum des droits sur l'internet sur le télétravail (sur cette recommandation, lire Christophe Radé, Publication de la recommandation du Forum des droits sur l'Internet concernant le télétravail, Lexbase Hebdo n° 147 du 15 décembre 2004 - édition sociale N° Lexbase : N3934ABC).

Selon ce rapport, les principaux obstacles au développement du télétravail en France ne viennent pas d'un retard d'équipement ou d'infrastructures, ni d'une absence de volonté des salariés ou d'un faible besoin des entreprises. Ils tiennent davantage à la nature conflictuelle de la relation entre les employeurs et les salariés qui bride le développement de cette forme d'organisation du travail. En outre, plus structurée, plus encadrée, moins flexible que dans d'autres pays, l'organisation du travail en France ne permettrait pas aux personnes de juger objectivement des avantages et des inconvénients de l'apport des nouvelles technologies par le biais du télétravail. Dans les pays nordiques où la culture du consensus et de la négociation est beaucoup plus développée, ces freins n'existent pas. Ainsi, au Danemark, un accord national a été mis en place, avant l'accord européen, pour permettre à tous les salariés en télétravail de bénéficier d'un statut protecteur général. En France, le terrain et les usages ne sont pas à un niveau suffisant pour envisager la mise en place d'un télétravail massif.

Compte tenu de ces observations, l'auteur du rapport émet plusieurs recommandations pour développer le télétravail en France, autour de deux idées centrales : faire sortir le télétravail de la "clandestinité" au sein de laquelle il est cantonné, dans les entreprises comme dans les administrations ; mettre en oeuvre tous les dispositifs permettant aux entreprises comme aux salariés ou fonctionnaires qui veulent en bénéficier d'y accéder.

  • Quelques exemples de mise en place du télétravail dans des entreprises françaises

- L'exemple d'Air France

Un premier accord, conclu pour la période 2002/2005, avait pour objectif l'amélioration de la rentabilité et la maîtrise des coûts de l'entreprise. Un nouvel accord triennal de gestion prévisionnelle de l'emploi a été conclu pour les années 2006 à 2009. Le télétravail est repris dans cet accord et figure parmi l'une des solutions de prise en charge de l'accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique. L'expérience d'Air France a montré que le télétravail constitue, pour cette entreprise, un mode d'organisation plutôt d'exception, relativement difficile à gérer. Néanmoins, il permet de répondre à la demande de salariés et de résoudre des difficultés individuelles en évitant, notamment, de se séparer de collaborateurs (exemples de fermeture de site sans possibilité de reclassement proche ou de collaborateur devant déménager pour suivre son conjoint) par des formules ponctuelles adaptées et d'accueillir des personnels handicapés. Il semble, selon les éléments communiqués, que le télétravail "partiel", qui facilite l'encadrement, constitue une voie de développement plus prometteuse.

- L'exemple d'IBM

Cette entreprise a pris l'initiative d'aborder la question du télétravail dès les années 1990. Il n'était pas question alors, à proprement parler, de télétravail et, encore moins, de travail à domicile. Il s'agissait plutôt de mettre en place, par un programme mobilité, les conditions favorables et les moyens indispensables qui permettent de travailler de "n'importe où et n'importe quand". 

Depuis 2004, IBM a mis en place le concept de "Dynamic Workplace" pour l'ensemble de ses collaborateurs : l'objectif est de "donner à tout employé d'IBM la possibilité d'accéder à l'information et de travailler de partout et à tout moment s'il le désire". En 2004, 30 % de la population d'IBM était mobile (plus de bureau attitré) et équipée ; elle devait être portée à 50 % en 2005 et à 75 % avant la fin de 2006.

Chez IBM, le développement de la mobilité visait plusieurs objectifs :
- l'augmentation de la productivité ;
- l'amélioration du service aux clients (réactivité, efficacité) ;
- l'amélioration de l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle afin de retenir et d'attirer les meilleurs éléments ;
- l'amélioration de la flexibilité des horaires pour les employés ;
- la réduction du coût des immeubles.
En pratique, la mise en place du télétravail chez IBM a abouti à la quasi-suppression de l'absentéisme et à une amélioration de la productivité du travail.

- L'exemple de Tokheim Services France SAS

Le recours au télétravail est encadré par un accord signé le 7 juillet 2005, dont le préambule souligne que le personnel français a vu son travail évoluer "vers plus de nomadisme en terme de communication et de lieux où s'effectue réellement le travail". Cet accord met en place une organisation "volontaire" du télétravail, qui peut faire partie de la description du poste dès l'embauche ou être l'objet d'un avenant qui modifie le contrat de travail initial. Le passage au télétravail est précédé d'"une période probatoire de trois mois renouvelable une fois" (avec possibilité de formation spécifique). En outre, le télétravailleur conserve la possibilité de demander à revenir, à tout moment, dans les locaux de l'entreprise. Le responsable hiérarchique assure, pour éviter l'isolement, un contact régulier et transmet des informations sur l'entreprise. Il contrôle l'activité du salarié et réalise son évaluation annuelle. L'employeur s'engage à respecter la vie privée du télétravailleur, celui-ci garantissant la confidentialité des informations reçues. L'entreprise fournit un ordinateur portable équipé, une connexion internet et un accès à l'intranet, du mobilier de bureau et assure, le cas échéant, le dépannage informatique. Le matériel demeure la propriété de Tokheim ; l'utilisation de ses équipements, pour lesquels le salarié doit s'assurer contre le vol, est réservée à l'activité professionnelle.

Les signataires utilisent une possibilité, qui est ouverte par la loi du 4 mai 2004 réformant les règles de la négociation collective (loi n° 2004-391, relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social N° Lexbase : L1877DY8) pour déroger, par accord d'entreprise, à la disposition relative au repos quotidien minimal de 11 heures entre deux journées de travail (C. trav., art. L. 220-1 N° Lexbase : L4622DZ9).

Au sein de l'entreprise Tokheim, le télétravail peut être proposé par l'employeur, dans le cadre de mesures visant à éviter des suppressions d'emplois. Une compensation financière est alors due au salarié concerné.

- L'exemple de Renault

Par un accord d'entreprise signé entre la direction et les organisations syndicales le 22 janvier 2007, Renault offre la possibilité à ses salariés de travailler à leur domicile de 2 à 4 jours par semaine. Cet accord s'inscrit dans le cadre des évolutions technologiques récentes qui permettent d'envisager de nouveaux modes d'organisation du travail et d'offrir aux salariés qui le souhaiteraient la possibilité de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. En limitant les déplacements de ses employés, Renault témoigne également de son action pour le développement durable.

L'accord sur le télétravail à domicile s'adresse aux employés, techniciens, ingénieurs et cadres. Il se met en place sur la base du volontariat et sous condition de l'accord de la hiérarchie, avec une présence minimum d'un jour dans l'entreprise. Il est, ensuite, réversible à tout moment, sous condition de respecter un délai de prévenance d'un mois. L'accord précise que le salarié conserve les droits individuels et collectifs en vigueur dans l'entreprise et que l'équipement nécessaire à l'activité du salarié à domicile est pris en charge par l'entreprise.

2. Retour sur quelques problématiques liées au télétravail

  • Le temps de travail du télétravailleur

Le télétravail pose des difficultés majeures quant au décompte et au contrôle du temps de travail.

L'arrêté d'extension de l'accord du 19 juillet 2005 précise que le recours au télétravail n'exonère pas l'employeur d'appliquer l'article L. 212-1-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5837AC8), qui dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. L'arrêté précise qu'il appartient à l'employeur de veiller au respect de la réglementation sur le temps de travail, notamment, en s'assurant de la fiabilité du système de décompte des heures supplémentaires, même si le salarié gère librement ses horaires de travail.

En pratique, le décompte des heures effectivement travaillées semble difficile. Pour se conformer à cette disposition, le moyen consistant à soumettre le télétravail à l'horaire collectif de travail, ou à contractualiser ses horaires peut paraître le plus simple. Le télétravailleur peut, également, déclarer sa durée de travail qui sera contrôlée par son employeur, notamment en cas de réalisation d'heures supplémentaires.

Jean-Emmanuel Ray précise qu'en tout état de cause, le télétravailleur ne pourra réclamer le paiement d'heures supplémentaires que si ces dernières ont été commandées par l'employeur. Ainsi que le souligne le Professeur, se pose, également, en matière de télétravail, le problème du contrôle du temps de repos quotidien qui doit être d'une durée minimale de 11 heures consécutives. En pratique, le respect des règles relatives à la durée du travail est difficile à contrôler. La durée de connexion peut constituer un indice mais, en tout état de cause, c'est la relation de confiance réciproque qui préside.

  • L'existence d'un contrat de travail

Le télétravail ne concerne pas les indépendants. Selon Jean-Emmanuel Ray, cette précision est importante. En effet, les employeurs ne peuvent profiter du télétravail pour donner à leurs salariés le statut de travailleur indépendant et se décharger, ainsi, des obligations liées au droit du travail. Rappelons que le principe qui régit, aux yeux des juges, la qualification de la relation de travail est le principe de réalité. Seule compte donc l'existence d'un lien de subordination, peu important la qualification donnée par les parties à leur relation de travail.

  • Le caractère volontaire du télétravail

Dès lors qu'elle est régulière et nécessite l'utilisation des technologies de l'information, l'exécution du travail à domicile est soumise aux dispositions de l'accord interprofessionnel étendu, selon lesquelles "le télétravail revêt un caractère volontaire pour le salarié et l'employeur concernés".

Cette solution avait été affirmée, avant même l'adoption de l'accord interprofessionnel du 19 juillet 2005 (préc.), dans l'arrêt "Abram" du 2 octobre 2001 (Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.727, M. Victor Abram c/ Société Zurich assurances, publié N° Lexbase : A6254AGQ) : "le salarié n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail [...]. L'ordre donné à M. Abram, après la suppression du bureau dont il disposait à la délégation régionale de Marseille, d'installer à son domicile personnel un téléphone professionnel et des dossiers constitue une modification unilatérale de son contrat autorisant le salarié à prendre acte d'une rupture du contrat s'analysant en un licenciement".

La Cour de cassation s'était placée sur le terrain du respect de l'intimité de la vie privée. L'acceptation du télétravail par le salarié est donc toujours nécessaire. La signature d'un avenant au contrat de travail au moment du passage en télétravail permet de formaliser cette acceptation.

L'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 31 mai 2006 (Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-43.592, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7230DPH ; sur ce sujet, lire Christophe Radé, L'organisation contractuelle du travail ne peut être modifiée sans l'accord du salarié, Lexbase Hebdo n° 219 du 15 juin 2006 - édition sociale N° Lexbase : N9530AK8) a décidé que "lorsque les parties sont convenues d'une exécution de tout ou partie de le prestation de travail par le salarié à son domicile, l'employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l'accord du salarié". La Cour de cassation a confirmé sa position dans un arrêt du 31 octobre 2006 (Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 05-41.836, F-D N° Lexbase : A2102DSN) dans lequel elle énonce que "la nouvelle proposition de mutation par laquelle l'employeur entendait mettre un terme à la situation de télétravail qui avait fait l'objet d'un accord entre les parties constituait une modification du contrat de travail que le salarié était en droit de refuser".

  • La nécessité d'une clause de réversibilité

L'article 3 de l'Ani du 19 juillet 2005 prévoit que "si le télétravail ne fait pas partie des conditions d'embauche, l'employeur et le salarié peuvent, à l'initiative de l'un ou l'autre, convenir par accord d'y mettre fin et organiser le retour du salarié dans les locaux de l'entreprise. Les modalités de cette réversibilité sont établies par accord individuel et/ou collectif".

La clause de réversibilité est celle par laquelle les parties envisagent la possibilité de mettre fin à l'exécution du télétravail au domicile, sur la demande de l'une d'elles, après un délai de prévenance raisonnable se traduisant par la poursuite du contrat de travail, selon les mêmes conditions, dans les locaux de l'employeur.

  • Les limites à l'exercice du pouvoir patronal au domicile du télétravailleur

La fixation du lieu de travail au domicile a pour conséquence de restreindre l'exercice des pouvoirs de l'employeur.

- Le contrôle de l'employeur au domicile du salarié

L'employeur ne peut jamais pénétrer au domicile du salarié afin d'y contrôler son activité sans avoir, au préalable, recueilli l'accord de ce dernier sous peine de sanctions civiles (C. civ., art. 9 N° Lexbase : L3304ABY) et pénales (C. pén., art. 226-4 N° Lexbase : L2313AMM).

Le contrôle physique du travail du salarié à son domicile étant exclu, l'exercice du pouvoir de contrôle doit donc s'effectuer à distance. Cependant, l'employeur n'est pas autorisé à installer n'importe quel équipement de contrôle.

La jurisprudence relative à l'ouverture d'armoires a donné les premières pistes en précisant que "l'employeur ne peut procéder à l'ouverture de l'armoire individuelle d'un salarié que dans les cas et aux conditions prévues par le règlement intérieur et en présence de l'intéressé ou celui-ci prévenu" (Cass. soc., 11 décembre 2001, n° 99-43.030, FS-P N° Lexbase : A6554AXZ). Elle a, ensuite, utilement affiné sa position afin de garantir l'équilibre de sa relation de travail et permettre à l'employeur d'ouvrir le fichier personnel d'un salarié en cas de risque ou événement particulier, et "en présence de ce dernier, ou celui-ci dûment appelé" (Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40.017, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2997DIT ; sur ce sujet, lire Christophe Radé, L'employeur et les fichiers personnels du salarié : la Cour de cassation révise la jurisprudence "Nikon", Lexbase Hebdo n° 169 du 26 mai 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4601AIA).

Un arrêt du 18 octobre 2006 est venu préciser que les "dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l'exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme ayant un caractère personnel, avoir un caractère professionnel de sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence", c'est-à-dire à distance s'il s'agit de télétravail, et si l'ensemble du système informatique est resté propriété de l'entreprise (Cass. soc., 18 octobre 2006, n° 04-48.025, F-P+B N° Lexbase : A9621DRR ; sur ce sujet, lire Sébastien Tournaux, La consultation des documents de nature professionnelle du salarié, Lexbase Hebdo n° 234 du 2 novembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N4508ALK).

- L'exercice du pouvoir disciplinaire

Si un contrôle de l'employeur peut effectivement s'exercer à distance, au domicile lieu de la vie privée du salarié, le pouvoir disciplinaire reste, cependant, encadré.

La cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 18 mars 2003, a relevé que le licenciement d'un cadre qui s'était connecté sur l'ordinateur professionnel, depuis son domicile, à des sites libertins et de jeux sur internet, en fin de semaine et en dehors de ses heures de travail, était sans cause réelle et sérieuse. Les juges du fond relèvent que "la société ne conteste pas que le salarié soit autorisé à emporter l'ordinateur portable à son domicile le soir et en fin de semaine [...]. En autorisant le salarié à emporter l'ordinateur portable à son domicile, la société reconnaît nécessairement un usage privé de celui-ci, sauf à étendre le temps et le lieu d'exécution du contrat de travail au domicile du salarié durant son temps de repos et de vie privée, ce qu'elle ne revendique pas" (CA Versailles, 6ème ch. soc., 18 mars 2003, n° 02/00046, Monsieur Denis Gombert c/ SA Société française de radiotéléphonie N° Lexbase : A2288C9M ; sur ce sujet, lire nos observations, L'utilisation des outils technologiques au travail : quelles sont les règles ?, Lexbase Hebdo n° 237 du 23 novembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N5011AL8).

3. Le travail collaboratif : une autre forme innovante d'organisation du travail ?

Il existe trois grandes formes de télétravail. Le télétravail fixe au domicile qui représente, selon l'étude de la Dares d'août 2004 (préc.), 0,9 % des salariés, le télétravail alterné au domicile (1,1 %) et le télétravail nomade (5,4 %). Mais, ainsi que le souligne Serge Le Roux, à côté des ces différents types de télétravail, il existe un mode d'organisation différent bien que soulevant le même type de problématiques : le travail collaboratif, appelé également communauté virtuelle (sur ce sujet, lire Serge Le Roux, La mise en oeuvre d'une approche collaborative comme facteur d'innovation dans les PME-PMI, Marché et organisations, Editions L'Harmattan, n°  4, 2007).

Le travail collaboratif pourrait se définir comme le fait, pour plusieurs personnes qui ne se connaissent pas nécessairement, de travailler sur un objet unique, chacune de ces personnes pouvant modifier l'objet sans que les autres participants le sachent. C'est ce que l'on pourrait qualifier de polyautonomie, c'est à dire d'autonomie de chacun des participants.

Le travail collaboratif a pour origine la fragilisation des collectifs de travail en raison de l'organisation internationale des entreprises, de l'individualisation et de la multiplication des contrats de travail au cours des dernières années. Pour Serge Le Roux, le travail collaboratif (ou encore le fait de travailler ensemble séparément) et les technologies de l'information qui le permettent et l'accompagnent recréent une forme de solidarité contrôlée des équipes.

Toutefois, le travail collaboratif soulève de nombreuses questions. Comment peut-on, par exemple, individualiser et contrôler les performances de chacun ? Lorsqu'il s'agit d'un projet interentreprises, comment se partage l'autorité ? Selon Serge Le Roux, l'obligation de résultat et l'autonomie des participants sont essentielles dans le travail collaboratif.

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