Réf. : Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance (N° Lexbase : L6035HU3)
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N1457BBL
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le 07 Octobre 2010
I. Un nouveau dispositif de prévention de la délinquance
A. La reconnaissance symbolique du rôle du maire et la promotion de nouveaux intervenants
L'article 1er de la loi institue, symboliquement, le maire comme le coordinateur et l'animateur de la politique de prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune (4). C'est une disposition qui consacre, certes, un rôle déjà bien souvent exercé par les maires dans la pratique (5), mais qui bénéficiera, désormais, d'une légitimité incontestable. C'est aussi une disposition qui entérine la forte montée en puissance des municipalités dans le champ de la sécurité locale au cours des vingt dernières années. De véritables "politiques de police municipale" se mettent en place qui ne se limitent plus à la mise en oeuvre des pouvoirs de police administrative classiques du maire (6). Cette fonction de pilote devrait se cristalliser au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) (7) malgré leur bilan en demi-teinte. L'article 1er de la loi tend, par conséquent, à faire figurer dans la loi les CLSPD et à les rendre obligatoires dans les communes de plus 10 000 habitants (8).
Outre le maire, la loi affirme la compétence de plusieurs acteurs en matière de prévention de la délinquance. L'article 1er de la loi reconnaît au département une compétence en matière de prévention de la délinquance. Il y procède en faisant de la prévention de la délinquance l'un des aspects de l'action sociale dont le département est le principal maître d'oeuvre (9). L'article 7 de la loi consacre le rôle du procureur de la République en matière de prévention. En effet, plusieurs des compétences confiées au ministère public (10) et, plus généralement, les effets dissuasifs de l'exercice de l'action publique à l'égard de telle ou telle forme de délinquance peuvent s'inscrire dans le cadre d'une politique de prévention. L'article 6 de la loi tend à créer, lui, à la charge des autorités organisatrices de transports collectifs de voyageurs, une obligation de concourir aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des usagers. Il est aussi créé un service volontaire citoyen de la police nationale (article 30 de la loi). Ouvert à presque chaque citoyen français ou européen, ce service volontaire citoyen aurait deux objectifs : renforcer le lien entre la nation et la police nationale et permettre à chacun d'accomplir quelques jours par an des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi, à l'exclusion de toutes prérogatives de puissance publique (11).
B. La mise à disposition de nouveaux moyens et de nouveaux outils
Le pendant nécessaire de la multiplication des acteurs de la prévention de la délinquance est l'organisation de leur coordination. L'article 1er confie au maire la coordination et la mise en oeuvre de la prévention de la délinquance. D'autres solutions sont proposées pour fédérer les actions. A l'échelon intercommunal, la loi dispose que, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre exerce la compétence relative aux dispositifs locaux de prévention, son président anime et coordonne les actions qui concourent à l'exercice de cette compétence (12). Dans les relations entre la commune et le département, deux instruments de coordination sont créés (13). Enfin, un troisième niveau de coordination, assuré par l'Etat, est prévu (14).
Ensuite, si le législateur a déjà reconnu au maire un droit à l'information en matière d'infraction à l'ordre public, aucun cadre légal n'existe en matière d'action sociale ou éducative. La loi propose d'y remédier en autorisant le partage d'information à deux niveaux : le premier se situerait entre professionnels de l'action sociale (15) ; le second permettrait la communication au maire d'informations à caractère confidentiel nécessaires à l'exercice de ses compétences en matière d'action sociale, éducative et sanitaire. De plus, comme il n'existe plus de réponse simple et unique à un problème social ou éducatif, la loi met en place "un continuum de prise en charge" (16). En ce sens, la loi crée dans les communes de plus de 10 000 habitants, un nouvel organe de la commune : le conseil pour les droits et devoirs des familles (17). Ce conseil aura pour mission de dialoguer avec les familles, de leur adresser des recommandations et de proposer des mesures d'accompagnement parental. Le maire peut, d'une part, proposer un accompagnement parental si l'ordre, la sécurité ou la tranquillité publiques sont menacés par un défaut de surveillance ou d'assiduité scolaire et, d'autre part, demander à la caisse d'allocations familiales concernée de mettre en place un dispositif d'accompagnement des familles.
II. L'application de sanctions plus adaptées : l'exemple du stationnement irrégulier des gens du voyage
A. Les lourdeurs actuelles du régime des occupations illicites de terrains par des gens du voyage
S'agissant des occupations illicites de terrains par des gens du voyage, l'article 9 de la loi n° 2000-614, du 5 juillet 2000, relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage (18) (modifiée par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure (19)), prévoit une procédure d'expulsion spécifique simplifiée et rapide. Il est également prévu la possibilité pour le maire de se substituer à une personne privée propriétaire lorsque l'occupation illicite du terrain est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique. En outre, l'article 5 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a créé une nouvelle incrimination pénale qui sanctionne l'installation sans autorisation sur un terrain appartenant à autrui (20). A la différence, notamment, des terrains appartenant à des personnes privées, l'application de ces deux dispositifs est soumise, pour les terrains appartenant aux communes, à la réalisation, dans un cadre communal ou intercommunal, de terrains prévus au schéma départemental d'accueil. Ces deux dispositifs sont régulièrement mis en oeuvre par les forces de l'ordre.
S'agissant de la réalisation des aires d'accueil, l'article 201 de la loi n° 2004-809, du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (21), a prorogé de deux ans le délai initialement prévu par la loi du 5 juillet 2000 pour bénéficier des aides financières significatives que l'Etat met à la disposition des collectivités locales pour réaliser des aires d'accueil. La construction de celles-ci en sera ainsi facilitée. Par ailleurs, par une circulaire adressée le 8 juillet 2003, les ministres chargés de l'Equipement et de l'Intérieur ont insisté sur l'importance qui s'attache à la désignation d'un médiateur départemental pour favoriser le dialogue avec les gens du voyage (22) (23).
Les dispositifs en vigueur ont accru les pouvoirs du maire, mais beaucoup d'entre eux appellent, aujourd'hui, à un complément de la législation pour leur offrir une capacité de coercition. En dépit de la mise en oeuvre des dispositions relatives à la tranquillité et à la sécurité publiques posées par la loi du 18 mars 2003, pour la sécurité intérieure, modifiant la loi du 5 juillet 2000, relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, les propriétaires de terrains publics ou privés rencontrent, encore, de grandes difficultés pour mettre fin aux occupations illicites de gens du voyage. La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure avait abordé le problème sous l'angle pénal : s'installer sur un terrain sans autorisation dans une commune qui a satisfait à ses obligations peut être puni de six mois d'emprisonnement, d'une amende et d'une confiscation des voitures. C'est un outil que l'autorité judiciaire a commencé à utiliser mais le Gouvernement pense qu'il est nécessaire d'aller au-delà, non pas dans le domaine pénal, mais dans celui des procédures d'évacuation.
B. L'évolution vers une plus grande coercition du régime des occupations illicites de terrains par des gens du voyage
137 sénateurs ont déposé, le 13 septembre 2007, un amendement au projet de loi de prévention de la délinquance à la suite de Pierre Hérisson, président de la commission consultative des gens du voyage et sénateur (Haute-Savoie) et destiné à faciliter les expulsions des gens du voyage. Cet amendement se matérialise à travers les articles 12 ter et 12 quater et modifie la loi du 5 juillet 2000 concernant l'accueil des gens du voyage en créant une nouvelle procédure administrative d'évacuation forcée en cas de stationnement illicite de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique.
Le Sénat avait réservé le bénéfice de cette procédure aux communes s'étant dotées d'une aire d'accueil des gens du voyage conformément au schéma départemental. L'Assemblée nationale l'a toutefois étendue aux communes qui bénéficient du délai supplémentaire accordé par la loi du 13 août 2004 pour réaliser leur aire d'accueil, ainsi qu'aux communes qui disposent d'un emplacement provisoire agréé par le préfet pour une durée de six mois. Il est ainsi proposé d'instituer une nouvelle procédure d'évacuation forcée décidée d'office par le préfet, sans autorisation préalable du juge et entourée des garanties fondamentales attendues pour les destinataires de ces mesures de police.
Aux termes de ce dispositif, le préfet, saisi par le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage d'un terrain privé dont l'occupation porte atteinte à la sécurité, à la tranquillité ou à la salubrité publique, peut mettre en demeure les occupants de quitter les lieux dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Ces dispositions habilitent le préfet, sous conditions, à procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles.
Cet amendement est intéressant dans la mesure où il vise à modifier la procédure. Jusqu'à présent, il appartenait au maire d'engager l'assignation en référé, processus long, coûteux et qui n'était pas très efficace (24). L'amendement permettra au préfet, dorénavant, de faire évacuer les contrevenants en cas d'occupation illicite de terrains. C'est une avancée considérable. C'est une procédure simple, rapide et peu onéreuse qui est mise en place. Par ailleurs, il tend à garantir les droits des gens du voyage en leur ouvrant la possibilité d'introduire un recours suspensif devant le tribunal administratif contre la décision du préfet, le juge ayant, alors, l'obligation de statuer dans un délai de soixante-douze heures (25).
La mise en oeuvre de ces dispositions reste subordonnée, conformément aux dispositions de la loi du 5 juillet 2000, à l'application des prescriptions du schéma départemental. Par conséquent, il est attendu de ces mesures qu'elles incitent les communes et les établissements publics de coopération intercommunale qui n'ont pas satisfait à leurs obligations à entreprendre, dans les meilleurs délais, la réalisation de ces équipements afin d'être en mesure de bénéficier des moyens de coercition mis à leur disposition. Ces dispositions s'appliquent, en effet, uniquement aux collectivités qui ont satisfait à leurs obligations légales de mise en oeuvre du schéma départemental d'accueil et de stationnement des gens du voyage.
Le dispositif proposé n'en suscite pas moins plusieurs interrogations. En premier lieu, on peut se demander si cette nouvelle procédure n'est pas contraire à l'article 66 de la Constitution (N° Lexbase : L1332A99), aux termes duquel l'autorité judiciaire est la gardienne des libertés individuelles, en l'espèce le droit de propriété et la liberté d'aller et venir (26). En deuxième lieu, bien souvent, les difficultés rencontrées par les maires pour obtenir l'évacuation des terrains faisant l'objet d'une occupation illicite ne tiennent pas seulement à la longueur de la procédure, puisque le président du tribunal de grande instance statue en référé, mais sont liées également au refus des préfets de prêter le concours de la force publique. Il importe, donc, que, à l'avenir, les préfets soient moins timorés qu'aujourd'hui.
Christophe De Bernardinis
Maître de conférences à l'université de Metz
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