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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction
le 27 Mars 2014
Pour mémoire, certaines conceptions du droit civil français, à commencer par celles de la propriété -de caractère absolu- et du patrimoine -unique et indivisible-, ont longtemps conduit à considérer comme inenvisageable l'insertion d'une telle institution dans notre ordre juridique. Ces obstacles expliquent pour partie l'échec des tentatives pour mettre en place un mécanisme fiduciaire en droit français. Mais, constatant la nécessité d'instituer un mécanisme fiduciaire permettant de faire concurrence au trust anglo-saxon, le législateur a entendu faire de la fiducie "à la Française" un instrument juridique attractif et sûr. Pour ce faire, il s'est agi d'interdire toute utilisation de la fiducie à des fins de libéralités (successions ou donations) ; de réserver la qualité de fiduciaire à des personnes soumises à des règles de contrôle, de solvabilité et de transparence strictes ; de donner au constituant la faculté de nommer un "protecteur" de la fiducie chargé de s'assurer de la préservation de ses intérêts ; de limiter au seul patrimoine fiduciaire le droit de poursuite des créanciers dont les droits sont nés de la conservation ou de la gestion des biens de ce patrimoine ; d'instaurer des mécanismes de contrôle et de sanction efficaces contre les utilisations de la fiducie à des fins illicites ; et de prévoir un régime de stricte neutralité fiscale. L'opération fiduciaire est donc, en principe, totalement transparente sur le plan fiscal. Le constituant est en quelque sorte toujours réputé fiscalement titulaire des droits mis en fiducie, et est donc redevable de l'impôt à ce titre, pour éviter le risque d'utilisation de la fiducie aux fins d'évasion fiscale.
Toutefois, force est de constater que l'institution du trust anglo-saxon s'est considérablement développée ces dernières années. L'Ecosse, le Lichtenstein, l'Afrique du sud, l'Ethiopie, Israël, Porto Rico, le Japon, la Fédération de Russie, la Chine et l'Uruguay se sont ainsi dotés, plus ou moins récemment, de mécanismes identiques ou similaires au trust anglais ou nord-américain. Sa version "civiliste", la fiducie, fait également légion au Luxembourg, au Québec, au Liban ou en Italie. La nécessité d'introduire formellement la fiducie en France permettrait d'éviter que, pour des opérations purement françaises, des droits étrangers soient utilisés. Pour autant à force de neutralité, et en l'absence de fiducie-libéralité, l'introduction à contrecoeur de la fiducie en France ne faisant guère de doute, ce régime "à la Française" nouvellement institué sera-t-il compétitif ? "Le parti de la neutralité qu'embrassent le plus souvent les princes irrésolus, qu'effraient les dangers présents, le plus souvent aussi les conduit à leur ruine" écrivait Machiavel. Cependant, les princes florentins, pourtant bien conseillés, ont toujours préféré ménager la chèvre et le chou (entre la France, l'Empereur et la Papauté), jusqu'à l'extinction de Gian Gastone en 1737... le Grand duché de Toscane passant finalement... aux mains des Habsbourg. A savoir si la "combinazione" de la fiducie "à la Française" sera de première efficacité, notamment, au regard des multiples contrats innomés, certes très circonscrits, mais qui en présentent, cependant, les éléments caractéristiques (vente à réméré, cession-Dailly, prise à pension, remise d'instruments financiers, compensation de créances...).
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