Réf. : Circulaire Unedic, n° 2007-05, du 14 février 2007, abrogation de l'article L. 321-13 du Code du travail à compter du 1er janvier 2008 relaif à la contribution supplémentaire (N° Lexbase : L4507HUH)
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N3566BAC
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le 07 Octobre 2010
A l'origine, l'objectif du dispositif était de faire obstacle aux licenciements des salariés âgés qui, compte tenu des difficultés particulières de reclassement dont ils sont victimes, se retrouvent au chômage de longue durée et dont le coût élevé de la prise en charge est assuré par l'Unedic.
1.1. Les politiques de vieillissement actif : définition, consécration législative
Les politiques de vieillissement actif ont été initiées et consacrées par le législateur (loi n° 2003-775, du 21 août 2003, portant réforme des retraites N° Lexbase : L9595CAM ; loi n° 2006-1770, du 30 décembre 2006, préc.), le pouvoir réglementaire (décret n° 2006-1070, du 28 août 2006, aménageant les dispositions relatives au contrat à durée déterminée afin de favoriser le retour à l'emploi des salariés âgés N° Lexbase : L6779HKB) et les partenaires sociaux (Ani du 13 octobre 2005).
Conformément aux obligations fixées par la loi "Fillon" du 21 août 2003, organisations professionnelles et syndicats ont engagé des négociations interprofessionnelles sur l'emploi des seniors, ayant débouché sur l'Ani du 13 octobre 2005. Cet accord traite de l'emploi des travailleurs vieillissants en ses deux composantes : les dispositions visant, d'une part, les salariés âgés en situation d'activité (productivité et performance économique, gestion de l'emploi et des carrières, condition de travail et pénibilité, formation) et, d'autre part, ceux, sans activité, qui sont demandeurs d'emploi (critère de l'âge dans les offres d'emploi, contrat de professionnalisation, travail à temps partagé, aménagement d'un contrat a durée déterminée spécialement dédié aux travailleurs vieillissants). Lors de la signature de l'Ani du 13 octobre 2005, les partenaires sociaux ont invité les pouvoirs publics à dresser un bilan de cette contribution Delalande, dont on ne mesure pas très bien les effets sur la politique de "vieillissement actif", c'est-à-dire une politique d'emploi des seniors.
Le décret n° 2006-1070 du 28 août 2006, aménageant les dispositions relatives au contrat à durée déterminée afin de favoriser le retour à l'emploi des salariés âgés traduit, en termes opérationnels, l'Ani du 13 octobre 2005 (3). L'objet de ce contrat est d'inciter les employeurs à recruter des salariés âgés, appartenant à la classe d'âge des bénéficiaires des conventions AS-FNE, en facilitant le recours au contrat à durée déterminée, dont le régime juridique se trouve assoupli. Le décret n° 2006-1070 constitue, donc, une participation du pouvoir réglementaire aux politiques de vieillissement actif.
L'article 50 de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social supprime, à compter du 1er janvier 2008, la contribution Delalande.
1.2. Contribution discutée des cotisations Delalande aux politiques de l'emploi
La contribution Delalande, mise en place par loi n° 87-518 du 10 juillet 1987, modifiant le Code du travail et relative à la prévention et à la lutte contre le chômage de longue durée (N° Lexbase : L6433HEY), était destinée à financer le régime d'assurance chômage et à dissuader les employeurs de licencier les travailleurs âgés, selon une logique du "vieillissement actif" (C. trav., art. L. 321-3 N° Lexbase : L8925G7P).
Le montant de cette contribution est variable selon l'âge du salarié et la taille de l'entreprise. Son produit est versé à l'Unedic qui, depuis 1999, en reverse la moitié à l'Etat afin de financer les préretraites AS-FNE. Mais le dispositif, à l'usage, s'est montré très complexe (réformé à de nombreuses reprises) et peu dissuasif (en raison du nombre important de cas d'exonérations).
Cette sanction pécuniaire ne concernait, à l'origine, que les licenciements économiques des salariés de 55 ans et plus. Elle a été étendue, par la loi n° 89-549 du 2 août 1989 (loi modifiant le Code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion N° Lexbase : L7352HUT), à quelques exceptions près, à toute rupture du contrat de travail de salariés âgés de 55 ans et plus, ouvrant droit aux allocations d'assurance chômage. Pour éviter des phénomènes d'anticipation, cette contribution a été élargie par la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 (loi portant adaptation de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle N° Lexbase : L7461AI8) aux salariés âgés de 50 ans et plus.
Son montant a été augmenté par le décret n° 98-1201 du 28 décembre 1998 (décret modifiant l'article D. 321-8 du Code du travail N° Lexbase : L6447HEI). La loi n° 99-570 du 8 juillet 1999 (loi tendant à limiter les licenciements des salariés de plus de 50 ans N° Lexbase : L9759HHW) a étendu le champ d'application de la contribution à feu les conventions de conversion et aux refus de convention de préretraite AS-FNE. En dernier lieu, la loi du 21 août 2003 (préc.) a élargi l'un de ces cas d'exonération (prévu au 7° de l'article L. 321-3 du Code du travail N° Lexbase : L8925G7P), relatif à la rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus de 50 ans à la date de son embauche et inscrit, à cette date, depuis plus de 3 mois comme demandeur d'emploi.
La loi du 21 août 2003 a ramené de 50 à 45 ans l'âge du salarié, lors de son embauche, ouvrant droit à une telle exonération (avec pour objectif de favoriser l'accès à l'emploi des salariés en seconde partie de carrière et supprimer la condition d'inscription comme demandeur d'emploi). On le voit, le régime de la contribution est d'une redoutable complexité.
Les nombreux travaux qui ont été consacrés à la contribution Delalande ne permettent pas de dégager une ligne directrice claire, au regard d'un bilan que l'on pourrait dresser (4). Selon les économistes, l'effet sur les licenciements est plus faible ou difficile à mettre en évidence : les décisions de licenciement des entreprises seraient peu sensibles aux fortes variations du barème de la contribution Delalande. Un sénateur (L. Souvet) estimait que, "s'il est douteux qu'elle [la contribution Delalande] contribue à diminuer les licenciements des salariés de plus de 50 ans, il est certain que l'augmentation et l'extension de la contribution Delalande n'incitera pas à la création d'emplois" (5).
De fait, le durcissement progressif de la contribution Delalande ne se serait pas traduit par une limitation des licenciements des salariés âgés ou par une augmentation effective de leur taux d'emploi. L'Unedic estime, ainsi, que les deux tiers des ruptures de contrats de travail d'un salarié de plus de 50 ans ne sont pas soumises à la contribution, compte tenu des très nombreux cas d'exonérations. Loin d'être dissuasive, elle semblerait, en revanche, constituer un obstacle à l'embauche des salariés âgés. Les salariés de plus de 50 ans ne seraient pas épargnés par les licenciements économiques (le taux des licenciements des salariés âgés de plus de 50 ans reste proche de 30 %) et le taux de reprise d'emploi serait de 3 % pour les chômeurs de 50 ans et plus, contre 7,2 % pour l'ensemble des demandeurs d'emploi.
L'Assemblée générale de la Chambre de commerce de Paris a adopté un rapport, présenté par P. Gassmann le 12 avril 2001 ("Pour la suppression de la Contribution Delalande"). Ce rapport estime que l'instauration de la contribution Delalande n'a pas eu le caractère dissuasif que ses promoteurs espéraient. Le système aurait généré des effets pervers, en ce que les entreprises, dans la crainte d'être pénalisées si elles doivent se séparer de leurs salariés âgés, ont cessé en majorité de recruter des chômeurs âgés : la contribution Delalande aurait constitué un véritable frein à l'emploi, notamment, pour les salariés âgés de 45 à 50 ans. Le second objectif, inciter les entreprises à recourir aux préretraites du FNE afin de préserver les finances de l'Unedic (assurer la prise en charge des demandeurs d'emploi âgés jusqu'à leur retraite), aurait, lui aussi, été un échec. Depuis la loi de finances pour 2001 (loi n° 2000-1352, du 30 décembre 2000 N° Lexbase : L1398AX3), l'Etat prélève sur les sommes qu'il avance à l'Unédic (au titre des préretraites FNE), en remboursement des allocations AS-FNE versées par le régime d'assurance chômage, pour le compte de l'Etat, une somme égale à 50 % des recettes annuelles.
La loi aménage de nombreuses dérogations à la sanction frappant l'employeur au titre de la contribution Delalande.
La cotisation n'est pas due dans les cas suivants :
- 1° : licenciement pour faute grave ou lourde ;
- 1° bis : licenciement en cas de refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail consécutive à une réduction de la durée du travail organisée par une convention ou un accord collectif ;
- 2° : licenciement résultant d'une cessation d'activité de l'employeur, pour raison de santé ou de départ en retraite, qui entraîne la fermeture définitive de l'entreprise ;
- 3° : rupture du contrat de travail, par un particulier, d'un employé de maison ;
- 4° : licenciement visé à l'article L. 321-12 du Code du travail (N° Lexbase : L6125ACT) ;
- 5° : démission trouvant son origine dans un déplacement de la résidence du conjoint, résultant d'un changement d'emploi de ce dernier ou du départ en retraite du conjoint ;
- 6° : rupture du contrat de travail due à la force majeure ;
- 7° : rupture du contrat de travail d'un salarié qui était, lors de son embauche, âgé de plus de 50 ans et inscrit depuis plus de 3 mois comme demandeur d'emploi, lorsque l'embauche est intervenue après le 9 juin 1992 et avant le 28 mai 2003 ;
- 7° bis : rupture du contrat de travail d'un salarié qui était, lors de son embauche, âgé de plus de 45 ans, lorsque l'embauche est intervenue au plus tôt le 28 mai 2003 ;
- 8° : première rupture d'un contrat de travail intervenant au cours d'une même période de 12 mois dans une entreprise employant habituellement moins de 20 salariés ;
- 9° : licenciement pour inaptitude lorsque l'employeur justifie, par écrit, de l'impossibilité où il se trouve de donner suite aux propositions de reclassement du médecin du travail ou lorsque l'inaptitude à tout poste dans l'entreprise a été constatée par le médecin du travail ;
- 10° : rupture du contrat de travail d'un salarié dont l'embauche est intervenue après la date de publication de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006. Cette cotisation n'est pas due dans le cas où le salarié bénéficie des allocations spéciales prévues par le 2° de l'article L. 322-4 du Code du travail (N° Lexbase : L6519DIB).
En octobre 2005, le rapport de l'Igas (6) montrait que 10,5 % des plus de 55 ans pris en charge par l'assurance chômage en 2003 l'ont été à la suite d'un licenciement pour faute grave (cas d'exonération), contre 6,3 % des moins de 50 ans, sans qu'il existe de motif évident pour lequel les salariés les plus expérimentés commettraient plus de fautes professionnelles. De même, les licenciements pour faute grave de seniors donnent quatre fois plus souvent lieu au versement d'indemnités conventionnelles de la part de l'employeur que ceux des salariés moins âgés (étant rappelé que la faute grave exclut généralement de telles indemnités). Les contournements par recours à la notion de faute grave sont estimés à, au moins, entre 3 000 et 5 000 cas douteux -soit plus de 10 % des cas annuels de contribution.
L'assiette de la contribution est étroite : il y a eu 27 600 départs assujettis en 2004, pour 137 000 cas potentiellement concernés (ruptures de contrats à durée indéterminée de seniors) et 230 000 nouvelles prises en charge par l'assurance chômage de salariés de plus de 50 ans.
2. L'extinction de la contribution Delalande
2.1. Une extinction programmée, prévisible mais non progressive
Dès juin 2005, des parlementaires avaient déposé des propositions de loi en vue de sa suppression (7). Cette mesure s'étant avérée désincitative en ce qui concerne l'embauche des salariés seniors, la loi du 21 août 2003, portant réforme des retraites, a introduit un principe d'exonération concernant les salariés embauchés après 45 ans. Selon ces parlementaires, il conviendrait d'aller plus loin et de rompre totalement avec cette mesure qui constitue toujours un frein à l'emploi des salariés concernés et les pénalise lourdement dans la perspective d'une réinsertion professionnelle (8).
Une suppression progressive présente deux avantages : conserver, pour un temps, la ressource que constitue la contribution pour l'assurance chômage ; éviter une éventuelle augmentation brutale des licenciements de salariés âgés (9). Dans le cadre de l'accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005, les partenaires sociaux, conscients des problèmes posés par la contribution Delalande mais divisés sur la question, ont demandé aux pouvoirs publics d'assumer leurs responsabilités en apportant à celle-ci, sur la base d'une étude, après consultation des partenaires sociaux, les correctifs éventuels qui pourraient favoriser l'emploi des seniors (article 23 de l'accord). Le Gouvernement a inscrit la suppression de la contribution dans le plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors (action n° 19).
Le projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social (débouchant sur la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006) proposait, conformément au plan national d'action, l'option progressive. Dans un premier temps, la contribution ne s'appliquerait plus aux salariés nouvellement embauchés, ce qui présente l'avantage de lever immédiatement l'obstacle au recrutement qu'elle peut représenter. L'article 27, alinéa 2, du projet de loi complétait donc la liste des cas d'exonération déjà prévus à l'article L. 321-13 du Code du travail (N° Lexbase : L9591GQB) en y ajoutant toute rupture du contrat de travail d'un salarié embauché après la date de publication de la présente loi. En 2010, elle sera totalement supprimée.
En seconde lecture, les sénateurs ont modifié la période de transition dans la suppression de la contribution Delalande, pourtant retenue par les députés (10). Ayant toujours porté une appréciation très mitigée sur la philosophie et le régime de la contribution Delalande, la commission des affaires sociales du Sénat a proposé, en conséquence, par amendement, d'avancer de 2 ans, au 1er janvier 2008, la date prévue de sa suppression. De fait, le durcissement progressif, depuis 1987, de la contribution Delalande ne s'est pas traduit par une réelle limitation des licenciements des salariés âgés ou par une augmentation effective de leur taux d'emploi. Loin d'être dissuasive, elle semble avoir, en revanche, pour effet pervers de constituer un obstacle non négligeable à l'embauche des salariés âgés.
La commission s'est félicitée de la décision du Gouvernement de mettre en extinction rapide la contribution Delalande, ce qui contribuera de façon significative aux efforts visant à accroître le taux d'emploi des seniors. Elle s'était d'ailleurs prononcée en ce sens, en 2006, à l'occasion de l'adoption du rapport de D. Leclerc sur la branche vieillesse du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006.
2.2. Mise en oeuvre de l`extinction de la contribution Delalande
La circulaire Unedic (circulaire Unedic, n° 2007-05, du 14 février 2007, abrogation de l'article L. 321-13 du Code du travail à compter du 1er janvier 2008 relaif à la contribution supplémentaire N° Lexbase : L4507HUH) précise que la date qui sera prise en compte pour déterminer si l'appel de la contribution Delalande doit être mis en oeuvre, sera celle correspondant à l'effectivité de la rupture du contrat de travail et non celle de la notification de cette rupture.
Par lettre en date du 25 janvier 2007, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle indique que la date qui sera prise en compte pour déterminer si l'appel de la contribution Delalande doit être mise en oeuvre sera celle correspondant à l'effectivité de la rupture du contrat de travail et non celle de la notification de cette rupture.
Selon l'Unedic, toute rupture dont l'effectivité sera constatée au-delà de la date du 31 décembre 2007 n'entraînera donc pas l'appel de la contribution. Ainsi, dans le cas de rupture entraînant une période de préavis, la date à prendre en compte sera celle de la fin du préavis, quand bien même celui-ci aura été suspendu par un éventuel congé du type du congé de reclassement. Par exemple, un licenciement notifié le 15 décembre 2007, ouvrant un préavis de 2 mois, entraînera une rupture effective du contrat de travail au 15 février 2008, et ne pourra donc déclencher l'appel de la contribution Delalande.
Christophe Willmann
Professeur à l'Université de Rouen
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