La lettre juridique n°241 du 21 décembre 2006 : Entreprises en difficulté

[Chronique] La chronique mensuelle de Pierre-Michel Le Corre

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N4237A9S

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le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Se trouvent, au premier plan de cette actualité, l'aménagement de la compétence territoriale pour connaître d'une procédure collective, ainsi que la sanction de la règle de l'interdiction du cours des inscriptions et, enfin, la preuve de l'identité du déclarant en l'absence de signature de la déclaration de créance.
  • L'aménagement de la compétence territoriale, un mécanisme pour tourner l'obstacle tiré d'une double ouverture de procédure collective (Cass. com., 3 octobre 2006, n° 05-12.834, F-D N° Lexbase : A7766DR3)

L'effet universel de la faillite, que la jurisprudence a illustré en matière internationale, existe a fortiori en droit interne. La combinaison de ce principe avec la règle de l'unité du patrimoine emporte cette conséquence de l'impossibilité d'ouverture de deux procédures contre un même débiteur. En liquidation judiciaire, il a justement été observé qu'un obstacle technique s'ajoute, en outre, à la justification théorique, pour poser la règle : il ne peut y avoir qu'une seule procédure de distribution (Ph. Froehlich et M. Sénéchal, De l'ouverture et du déroulement de la liquidation judiciaire, LPA n° sp. 9 février 2006, n° 29, p. 4 et s., sp. p. 5).

Cette solution, d'abord jurisprudentielle, a été, ensuite, énoncée par la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845, 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), notamment à l'article L. 620-2, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L4126HBG).

La longueur de certaines procédures, combinée avec un déménagement du débiteur, permet d'apercevoir, parfois, cette ouverture consécutive de deux procédures, alors que la première n'est pas encore clôturée. Pourtant, les deux procédures ne peuvent coexister. Comment faire pour sortir de cette impasse ? Telle est la problématique qui se pose ici.

En l'espèce, une société est mise en liquidation judiciaire sur déclaration de cessation des paiements par le tribunal de commerce de Toulon. Puis, sur assignation d'un créancier, cette même société est placée cinq mois plus tard en redressement puis en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Cannes. Le dirigeant de cette société est poursuivi en paiement des dettes sociales. Désireux d'éviter sa condamnation, il soulève un moyen procédural tendant à l'annulation des deux décisions, à savoir, l'article 618 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2874ADS), en saisissant, à cette fin, la Cour de cassation. Cependant, dans l'intervalle, le premier président de la cour d'appel, saisi par le ministère public, avait rendu une ordonnance prévoyant que la poursuite serait exclusivement poursuivie par le tribunal de commerce de Toulon. L'annulation des deux jugements d'ouverture était-elle alors encore concevable ? C'est à cette question que répond l'arrêt commenté, en énonçant que, "aux termes de l'article 3, alinéa 4, du décret du 27 décembre 1985 (N° Lexbase : L5312A4I), la décision par laquelle le premier président d'une cour d'appel désigne la juridiction chargée de connaître de la procédure collective d'un débiteur s'impose à la juridiction désignée et aux parties ; que cette décision met fin, par elle-même, à la contrariété existante entre les différents jugements d'ouverture en emportant caducité de plein droit des décisions prononçant le redressement ou la liquidation judiciaire du même débiteur rendu par toutes juridictions autres que celles désignées par le premier président ; que dès lors, le pourvoi formé par M. A. sur le fondement de l'article 618 du Nouveau Code de procédure civile est sans objet".

On comprend bien la logique procédurale qui animait le dirigeant social. S'il parvenait à faire annuler les deux jugements d'ouverture, sa condamnation devenait évidemment impossible, puisqu'une condamnation à combler le passif doit nécessairement avoir pour support un jugement d'ouverture de procédure collective à l'encontre de la personne morale dirigée. Observons, toutefois, qu'il s'agissait d'une vision courte car rien n'interdirait, après l'annulation, au tribunal d'ouvrir une nouvelle procédure, au cours de laquelle l'action en comblement de passif pourrait à nouveau prospérer. La prescription n'aurait pas joué, celle-ci ne courant, en effet, que du jour du jugement d'ouverture, l'annulation des précédents jugements d'ouverture n'ayant aucun effet sur la prescription de l'action.

L'article 618 du Nouveau Code de procédure civile semblait bien, pour ce dirigeant, constituer le texte adapté pour trouver remède au caractère inconciliable des deux décisions d'ouverture. Selon ce texte, lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort et dont aucune n'est susceptible d'un recours ordinaire, sont inconciliables, elles peuvent être frappées d'un pourvoi unique. Il y a alors lieu d'annuler l'une des deux décisions ou les deux. En matière de procédure collective, l'annulation d'une seule des deux décisions s'imposera. Il pourra s'agir de la première (Cass. com., 10 mars 2004, n° 02-15.220, F-D N° Lexbase : A6216DBT).

Mais, pour faire l'économie d'un pourvoi en cassation, il existe une autre technique, ainsi que nous l'enseigne l'arrêt de la Cour de cassation ici rapporté. En application de l'article 3, alinéa 1er, du décret du 27 décembre 1985, "lorsque les intérêts en présence justifient le renvoi de l'affaire devant une autre juridiction en application du troisième alinéa de l'article 7 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ([LXB=L6706AHT ]), le président du tribunal transmet immédiatement le dossier par ordonnance motivée au premier président de la cour d'appel ou, s'il estime que l'affaire relève d'une juridiction du ressort d'une autre cour d'appel, au premier président de la Cour de cassation". Ce texte a été repris par la loi de sauvegarde pour devenir l'article L. 662-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L4179HBE), de sorte que les observations qui suivent conservent, sous l'empire de la législation nouvelle, toute leur actualité.

Par l'ordonnance du premier président de la cour d'appel, il était mis fin à la dualité des jugements d'ouverture, la décision rendue par le tribunal de commerce de Cannes devenant caduque. La Cour de cassation en tire logiquement la conséquence que le recours à l'article 618 du Nouveau Code de procédure civile est devenu inutile et que le pourvoi en cassation formé par le dirigeant social poursuivi en paiement des dettes sociales sur le fondement de ce texte est corrélativement devenu sans objet.

  • La sanction de la règle de l'interdiction du cours des inscriptions après jugement d'ouverture (Cass. com., 7 novembre 2006, n° 05-11.551, F-D N° Lexbase : A2976DSZ)

La règle dite de l'arrêt du cours des inscriptions ne fait guère l'objet de contentieux et n'est, par conséquent, l'objet que de peu de commentaires. L'arrêt ici commenté n'en est que plus intéressant, alors, surtout, qu'il conserve toute son actualité sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises.

L'article L. 621-50, alinéa 1, du Code de commerce, issu de la loi du 25 janvier 1985 (N° Lexbase : L6902AIH), dispose que "les hypothèques, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire". La solution est reproduite, sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, par l'article L. 622-30, alinéa 1, du même code (N° Lexbase : L3750HBI) et est donc, désormais, applicable non seulement en redressement ou en liquidation judiciaire, mais encore dans la procédure de sauvegarde. Mais le mutisme complet est observé par ces textes sur la sanction applicable lorsque l'inscription intervient après jugement d'ouverture. Faut-il y voir une nullité ? Faut-il y voir une inopposabilité ? C'est à cette question que répond l'arrêt rapporté.

En l'espèce, une banque accorde un prêt à une personne physique destinée l'acquisition d'un fonds de commerce. En garantie du prêt, les parents de l'emprunteur promettent d'affecter un immeuble en garantie hypothécaire. Cependant, dès avant la constitution de l'hypothèque, le père du débiteur principal décède. Le débiteur principal est déclaré en liquidation judiciaire et, quelques mois plus tard, la banque inscrit sur l'immeuble, dont l'affectation hypothécaire était promise, une hypothèque provisoire. La banque déclare sa créance à titre hypothécaire et l'immeuble est vendu dans la liquidation judiciaire. L'état de collocation établi par le liquidateur ne fait pas mention de la banque. La question qui se pose est de savoir si inscription d'hypothèque dans ce contexte était efficace.

Non, répond la Cour de cassation : "après avoir relevé que la procédure collective de M. M. avait été ouverte le 17 septembre 1996, tandis que l'hypothèque provisoire avait été inscrite le 17 janvier 1997, l'arrêt retient exactement, par motifs propres et adoptés, qu'est inopposable à la procédure collective toute inscription d'hypothèque effectuée après le jugement d'ouverture".

Le premier intérêt de l'arrêt, ici, commenté est de préciser la sanction attachée à la violation de l'interdiction de l'inscription, après jugement d'ouverture, sur un bien du débiteur, d'un privilège, d'un nantissement ou, en l'espèce, d'une hypothèque. Il a été soutenu qu'il ne pouvait être question que d'une nullité (F. Macorig-Venier, Les sûretés sans dépossession dans le redressement et la liquidation judiciaires des entreprises, thèse, Toulouse, 1992, n° 153 à 156), au demeurant absolue (J.-J. Fremont, Les nouvelles procédures de règlement collectif au regard de la publicité foncière, JCP éd. N, 1997, p. 1 et s., n° 77 ; C. Saint-Alary-Houin et F. Macorig-Venier, J.-CL. com., fasc. 2365, n° 7). N'est-ce pas, en effet, la sanction classique d'un acte interdit ? Il pouvait, de cette analyse, être tirée la conséquence que les organes de la procédure ne pouvaient y renoncer (Kornmann, Procédures collectives, publicité foncière et sûretés immobilières - A propos de l'article 57 de la loi de 1985, LPA 1990, n° 92-9) et que tout intéressé pouvait se prévaloir de la nullité (Ripert et Roblot, par Ph. Delebecque et M. Germain, Traité de droit commercial, t. II, 17ème éd., LGDJ, 2004, n° 2977). Des juridictions du fond avaient, cependant, opté pour l'inopposabilité de l'inscription à la procédure (CA Colmar, 1ère civ., sect. 2, 16 mars 1998, Rev. proc. coll. civ. 2001, p. 249, n° 5, obs. F. Macorig-Venier ; T. com. Paris, 2 avril 1998, Rev. proc. coll. 2000, 15, n° 12, obs. F. Macorig-Venier). Cette solution est celle retenue par la Cour de cassation, dans l'arrêt commenté, qui énonce que l'inscription d'hypothèque effectuée après le jugement d'ouverture est inopposable à la procédure collective.

La différence entre la nullité et l'inopposabilité à la procédure collective n'est guère perceptible en cas de liquidation judiciaire, dans la mesure où le bien grevé sera vendu, ce qui emportera, par voie de conséquence, disparition de la sûreté, sans prise en compte des droits du créancier inscrit. En revanche, si après l'inscription intervenue en période d'observation, le débiteur obtient un plan de continuation, de sauvegarde ou de redressement, l'inscription reste efficace à l'égard du débiteur. En cas de résolution de ce même plan, l'inscription inopposable à la première procédure collective ne le sera pas à la seconde procédure ouverte à la suite de la résolution du plan.

La difficulté, en l'espèce, pouvait tenir au fait que l'immeuble, objet de l'inscription d'hypothèque, n'appartenait pas en propre au débiteur au jour de l'ouverture de sa procédure collective. L'immeuble était un bien indivis entre la mère du débiteur et ce dernier, du fait du décès de son père. C'est en cela que l'inscription d'hypothèque a pu être considérée prise du chef du débiteur. Si l'hypothèque avait également été prise du chef de la mère du débiteur, elle aurait été efficace de ce chef, mais n'aurait alors pu porter que sur la quote-part de ce constituant in bonis. En ce qu'elle a été inscrite du chef du débiteur principal après son jugement d'ouverture, l'hypothèque était nécessairement inefficace dans sa procédure collective. Le créancier ne pouvait être admis à titre hypothécaire et, par voie de conséquence, ne pouvait être colloqué à titre hypothécaire dans la distribution du prix de vente.

Il convient de remarquer que le liquidateur ne pouvait faire vendre l'immeuble qu'après une licitation-partage. L'indivision était, en effet, apparue avant l'ouverture de la procédure et s'imposait donc à la procédure. La mère, propriétaire indivis de l'immeuble, a, en cette qualité, vocation à percevoir sa quote-part du prix de vente.

Quelle eut été la situation si l'hypothèque avait été inscrite du chef du débiteur principal, mais aussi du chef de sa mère, propriétaire indivis de l'immeuble ? Le créancier inscrit aurait alors pu, en présence d'une indivision antérieure à l'ouverture de la procédure, saisir l'immeuble et le faire vendre, avant tout partage, en appréhendant ainsi, à concurrence de sa créance, le prix de vente (sur cette solution, Cass. com., 22 avril 1997, n° 94-19.420, Madame Rey, ès qualités de liquidateur de Monsieur Pécaud c/ Banque La Hénin, P N° Lexbase : A1544AC8, Bull. civ. IV, n° 99 ; Defrénois 1997, art. 36703, n° 165, obs. L. Aynès ; JCP éd. E, 1997, I, 681, n° 15, obs. P. Pétel ; D. 1998, somm. p. 106, obs. S. Piedelièvre ; Dr. et patr. septembre 1997, p. 13, obs. M.-H. Monsérié ; Dr. et patr. janvier 1998, p. 38, note F. Vauvillé ; Cass. com., 6 juillet 1999, n° 97-14.096, M. Sutter c/ Société Citibank international PLC N° Lexbase : A3403AUL, Defrenois 2000, 42, note J.-P. Sénéchal ; Rev. proc. coll. civ. et com. 2001, 8, n° 1, obs. F. Macorig-Venier ; Cass. civ. 1, 14 juin 2000, n° 98-10.577, Société Abbey national France c/ Société civile professionnelle Laureau-Jeannerot, ès qualités d'administrateur judiciaire de Mme Bouaniga et autres, P N° Lexbase : A3573AUU, Bull. civ. I, n° 182 ; D. Affaires 2000, 318, obs. A. Lienhard ; Rev. proc. coll. civ. et com. 2001, 8, n° 1, obs. F. Macorig-Venier ; Defrénois 2001, p. 368, note J.-P. Sénéchal ; Cass. com., 19 décembre 2000, n° 97-17.728, M. Biard c/ Comptoir des entrepreneurs, P N° Lexbase : A2137CIY, Bull. civ. IV, n° 202 ; Rev. proc. coll. civ. et com. 2001, 8, n° 1, obs. F. Macorig-Venier ; Defrénois 2001, p. 943, obs. P. Théry ; Cass. civ. 1, 28 juin 2005, n° 02-20.452, FP+B N° Lexbase : A8415DII, RJPF 2005/9, p. 30, obs. F. Vauvillé ; RD bancaire et fin. 2005/6, p. 24, obs. S. Piédelèvre). Pour cela, il faut, cependant, être créancier de tous les indivisaires (Cass. com., 11 décembre 2001, n° 98-15.022, FS-D N° Lexbase : A6414AXT, RJDA 2002/4, n° 415, p. 353 ; Act. proc. coll. 2002/4, n° 52), ce que la pratique désigne sous l'expression "créancier de l'indivision", concept juridiquement inadapté, faute pour l'indivision d'avoir la personnalité morale. La solution aurait alors été aux antipodes de celle qui s'impose à lui dans la procédure collective.

  • En l'absence de signature de la déclaration de créance, la preuve de l'identité du déclarant peut résulter de la simple mention dactylographiée du nom d'une personne habilitée à déclarer (Cass. com., 21 novembre 2006, n° 05-17.008, FS-P+B+I+R N° Lexbase : A4873DSB)

La déclaration de créance est une source inépuisable de contentieux d'un grand intérêt pratique. Au rang des innombrables arrêts relatifs à cette question, se trouve, désormais, un nouvel arrêt capital si l'on en juge les lettres suivant sa numérotation (FS-P+B+I+R). Il a trait à la preuve de l'identité du signataire de la déclaration de créance en l'absence de signature de celle-ci.

En l'espèce, une société financière avait déclaré ses créances au passif de son débiteur mis en redressement judiciaire. La caution, assignée en exécution de ses engagements, avait opposé au créancier une irrégularité des déclarations de créance. En effet, celles-ci n'étaient pas signées et portaient simplement la mention dactylographiée du nom d'un préposé du créancier qui occupait un emploi de directeur adjoint au sein de l'établissement financier. La cour d'appel (Besançon, 29 mars 2005) n'ayant pas fait droit à l'argumentation de la caution, cette dernière s'est pourvue en cassation. Par l'arrêt rapporté, la Cour rejette le pourvoi, considérant que, "après avoir constaté que les déclarations de créances initiales faites en avril 1997 portaient la mention dactylographiée du nom de Geneviève Froger et relevé que celle-ci occupait un emploi de directeur adjoint au sein de CGLE-Crédit général industriel, l'arrêt retient qu'il résulte de ces éléments que les déclarations peuvent être attribuées à Mme Froger ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision". Cet arrêt, salvateur pour le créancier, marque un revirement par rapport à la position adoptée antérieurement par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Dans une espèce analogue ayant donné lieu à un arrêt rendu le 16 juin 2004 (Cass. com., 16 juin 2004, n° 02-20.152, F-D N° Lexbase : A7370DCX), la déclaration de créances ne portait pas de signature mais simplement la mention de deux signataires dont un avait reçu pouvoir du président du conseil d'administration, avec faculté de subdélégation, de déclarer les créances. La Cour de cassation cassa alors l'arrêt d'appel qui avait considéré que la créance litigieuse avait été déclarée par une personne habilitée et jugea "qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir quel était le signataire de la déclaration de créance [...] la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision". Dans le même sens, avait également été rendu un arrêt considérant que n'était pas rapportée la preuve que la déclaration de créances avait été établie par une personne habilitée lorsqu'elle comportait l'indication "je certifie sincère et véritable", suivie du nom du délégataire de pouvoir, alors qu'elle n'était pas signée (Cass. com., 15 février 2005, n° 02-16.600, Société BTP Retraite (section CNRO et CNPO) c/ Société à responsabilité limitée Euromaçonnerie Corse (Euromac), F-D N° Lexbase : A0955DHT).

Mettant un terme à cette jurisprudence, la Cour de cassation considère au contraire, aujourd'hui, que, la preuve de l'identité du déclarant -laquelle peut être faite par tout moyen jusqu'au jour où le juge statue-, peut résulter de la simple mention dactylographiée du nom d'une personne habilitée à déclarer la créance. Cette position, qui n'est au demeurant pas celle de la doctrine (v. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action 2006-2007, n° 662.42), n'est pas à l'abri de toute critique et peut emporter des conséquences pour le moins singulières. On sait, en effet, que, lorsque la déclaration de créance a été signée, en cas de contestation de l'identité du signataire de la déclaration de créance, le juge doit vérifier que la signature émane bien du préposé titulaire de la délégation de pouvoir (Cass. com., 6 mars 2001, n° 98-15.630, Caisse mutuelle de dépôts et de prêts de Besançon Saint-Claude c/ Mme Françoise Le Gallic N° Lexbase : A4793ARX, Act. proc. coll. 2001/9, n° 108). Voici, cependant, que la Cour de cassation rend en quelque sorte facultative la signature de la déclaration de créances dès lors que le nom de celui qui aurait dû en être le signataire figure sur la déclaration. Puisque, désormais, la preuve de l'identité du déclarant peut résulter de la simple mention dactylographiée du nom de la personne habilitée à déclarer la créance, on pourrait presque conseiller aux créanciers de se garder de faire apposer une signature aux côtés du nom du préposé déclarant leur créance, ce qui couperait court à toute discussion à propos de la concordance entre le nom du déclarant et la signature apposée sur la déclaration...

Pierre-Michel Le Corre
Professeur agrégé, Directeur du Master droit de la Banque de la faculté de droit de Toulon
Emmanuelle Le Corre-Broly
Maître de conférences des Universités
Enseignante du Master Droit de la banque de la faculté de droit de Toulon et du Var

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