La lettre juridique n°238 du 30 novembre 2006 : Éditorial

En matière de publicité comparative, il faut savoir raison garder

Lecture: 4 min

N2567A9X

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

En matière de publicité comparative, il faut savoir raison garder. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208728-en-matiere-de-publicite-comparative-il-faut-savoir-raison-garder
Copier

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


Il est bien loin le temps où les "Pères de la Nation" pouvaient, sans mégarde, dire que "l'unique garantie des citoyens contre l'arbitraire, c'est la publicité" (Benjamin Constant, Observations sur le discours prononcé par S.E. le ministre de l'intérieur - 20 août 1814), ou que, "dans la presse, seules les publicités disent la vérité" (Thomas Jefferson). On se souvient des débats qui avaient précédé l'introduction en France de la publicité comparative, lors du vote de la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992. Ce "nouveau genre" publicitaire était, pour le moins, mal perçu par une grande partie des entreprises qui considérait que, s'il s'agissait là d'un avatar de la libre concurrence, les dérives y associées ne manqueraient pas de surgir au détriment de l'information loyale et non trompeuse. C'est pourquoi de sévères gardes-fous ont balisé le cadre de la publicité comparative, et la transposition de la Directive de 1997, par l'ordonnance du 23 août 2001, n'est venue que renforcer l'exigence de "loyalisme" de la publicité comparative, afin de l'associer à la libre concurrence, en évitant que le terrain publicitaire ne devienne un far-west. Aux termes de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, la publicité comparative n'est licite que si elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ; si elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ; et si elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives des biens ou services sur lesquels elle porte. Par ailleurs, la publicité comparative ne peut tirer indûment profit de la notoriété attachée à une marque, à un nom commercial, à d'autres signes distinctifs d'un concurrent ou à l'appellation d'origine ainsi qu'à l'indication géographique protégée d'un produit concurrent ; elle ne peut entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques, ni présenter des biens ou services comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service bénéficiant d'une marque ou d'un nom commercial protégé. Enfin, la publicité comparative ne peut engendrer de confusion entre l'annonceur et un concurrent. Reste au juge à apprécier, au cas par cas, si la publicité comparative qui lui est soumise est bien de nature à informer le plus justement possible les consommateurs. Et force est de constater que, 15 ans après son adoubement en France, la publicité comparative n'a pas bonne presse. S'orienter sur le chemin de la publicité comparative ressemblerait même au "vol d'Icare", tant il est facile de s'y brûler les ailes. On se souvient, récemment, de la fermeture d'un site faisant de la publicité comparative jugée illicite par le tribunal de commerce de Paris. Le tribunal avait été saisi par les hypermarchés Carrefour France, contestant l'objectivité du panel de prix proposé. Pour retenir la publicité comparative illicite, les juges avaient mis en cause l'objectivité du "comparateur de prix", en soulignant le caractère non vérifiable des informations mises en ligne. De plus, le slogan mis en avant par le groupe Leclerc avait été jugé trompeur car d'une très grande généralité. Le président du groupe Leclerc avait indiqué qu'il ferait appel de ce jugement et qu'il réouvrirait son site en se conformant aux injonctions des juges. Hasard du calendrier, le site de Michel-Edouard Leclerc annonçait la réouverture de son "comparateur de prix" (Quiestlemoinscher.com), le 17 novembre dernier, à grand renfort de méthodologie visant à garantir l'objectivité et la fiabilité des résultats et à répondre ainsi aux canons légaux et jurisprudentiels. Parallèlement, le 31 octobre dernier, la Chambre commerciale de la Cour de cassation condamnait la société Leclerc pour avoir manqué aux obligations imposées par la loi sur la publicité comparative. Rapidement, la Haute juridiction approuvait les juges d'appel d'avoir caractérisé une publicité comparative illicite, en relevant que les panneaux publicitaires litigieux ne permettaient pas de s'assurer que les produits répondaient à un même besoin ; que le consommateur ne pouvait pas avoir connaissance des caractéristiques propres à justifier les différences de prix ; que la société requérante avait entrepris une démarche consistant à rechercher des prix inférieurs pratiqués par son enseigne par rapport à ceux de la société concurrente alors que l'exigence d'objectivité aurait impliqué de sélectionner préalablement un panel représentatif des produits couramment consommés, puis d'en faire ensuite la comparaison ; que la publicité en cause manquait d'objectivité dès lors qu'elle ne faisait apparaître pour chacun des produits ni le poids ni le volume. Enfin, sur la méthode, il est précisé que la seule production des tickets de caisse n'était pas suffisamment probante, les relevés effectués sur la base desquels la publicité comparative a été élaborée, pouvant cacher un ajustement provisoire de certains prix et ce pour les seuls besoins de la cause. Une nouvelle preuve, si besoin en était, que "n'importe quelle publicité [n'] est [pas] une bonne publicité", n'en déplaise à Andy Warhol. Sur cette décision ayant fait l'objet d'une publication au Bulletin, les éditions juridiques Lexbase vous invitent à lire les observations de Romain Bourgade, Avocat à la Cour, Le critère de l'objectivité dans la publicité comparative du prix des produits.

newsid:262567