La lettre juridique n°238 du 30 novembre 2006 : Marchés publics

[Textes] Obligation de décoration des constructions publiques

Réf. : Circulaire du 16 août 2006, relative à l'application du décret n° 2002-677 du 29 avril 2002 relatif à l'obligation de décoration des constructions publiques (N° Lexbase : L2525HSC)

Lecture: 7 min

N5112ALW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Textes] Obligation de décoration des constructions publiques. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208725-textes-obligation-de-decoration-des-constructions-publiques
Copier

le 07 Octobre 2010

Le décret du 29 avril 2002, modifié par le décret du 4 février 2005 (1), régit l'obligation de décoration des constructions publiques, dite "du 1 %". Lors de certaines constructions publiques, 1 % de leur coût doit être consacré à la réalisation d'une ou de plusieurs oeuvres d'art originales d'artistes vivants. Ces oeuvres sont destinées à s'insérer dans l'espace public. Par une circulaire du 16 août 2006, le ministre de la Culture et de la Communication commente le nouveau régime applicable. I. Le champ d'application de l'obligation

a. Les opérations immobilières concernées

Toute opération immobilière publique ne se trouve pas soumise à la même obligation selon la personne morale concernée et la nature de l'opération.

L'Etat, ses établissements publics et leurs mandataires. La construction et l'extension de bâtiments publics par l'Etat et les établissements publics sous sa tutelle (hors EPIC) constituent le principal du champ d'application. Les travaux de réhabilitation de tels bâtiments se trouvent également concernés lorsqu'ils donnent lieu à un changement d'affectation, d'usage ou de destination des bâtiments. La réhabilitation exclut l'entretien courant et la maintenance mais s'entend comme la "profonde remise en état d'un bâtiment existant".

Cette obligation s'impose aussi aux mandataires de ces personnes publiques ou aux personnes agissant pour leur compte. Les opérations réalisées par le ministre de la Santé et ses services déconcentrés pour leurs besoins entrent dans le champ d'application, de même que celles réalisées par les trois établissements nationaux de santé.

Les collectivités territoriales et leurs groupements. L'obligation ne trouve à s'appliquer que dans le cadre des compétences transférées par les lois de décentralisation. Elle est limitée aux seules constructions neuves des collectivités qui faisaient l'objet, au 23 juillet 1983, de la même obligation à la charge de l'Etat (2).

De même s'applique-t-elle lorsque l'Etat confie par convention aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, la maîtrise d'ouvrage de construction de bâtiments ou leur extension (tels certains établissements d'enseignement supérieur).

b. Les opérations immobilières exclues

Par leur nature, certaines opérations immobilières de l'Etat et de ses établissements publics ne justifient pas la présence d'une réalisation artistique. Des arrêtés précisent ces exclusions (3) qui ne concernent que des bâtiments militaires ou civils résolument hors du champ public ou tenus secret. Les bâtiments militaires "plus courants" ainsi que les établissements pénitentiaires sont soumis au 1 %.

c. Les opérations incluses volontairement

Les collectivités territoriales et leurs groupements, leurs établissements publics à caractère industriel ou commercial et les sociétés qui dépendent d'eux, peuvent spontanément décider d'une procédure "1 %". Il en est de même pour les établissements publics de santé autres que nationaux.

Même si la somme dégagée pour des interventions artistiques n'atteint pas 1 % du montant des travaux, la circulaire recommande d'appliquer la procédure réglementaire particulière.

d. Mode de calcul du "1 %"

L'assiette est le coût des travaux, hors taxes, exprimé de manière prévisionnelle à la remise de l'avant-projet définitif. Elle exclut les dépenses de voirie, de réseau ou d'équipement mobilier. Sont aussi exclues les dépenses relatives aux études de géomètre et de sondage, mais non les dépenses relatives aux fondations spéciales. Le montant total ne peut excéder deux millions d'euros.

II. Les prestations réalisables

a. Nature des prestations : la diversité de la création plastique

Tous les artistes professionnels sont éligibles, sans condition de nationalité, dès lors que les obligations sociales et fiscales sont respectées. Les oeuvres d'art commandées doivent être originales au sens du Code de la propriété intellectuelle, ce qui inclut toute la diversité de la création plastique.

Les oeuvres peuvent aussi inclure les nouvelles technologies ou faire appel à d'autres disciplines artistiques (traitement des abords, aménagements paysagers, mobilier original ou signalétique particulière). La combinaison d'interventions est possible. Les oeuvres éphémères sont déconseillées.

b. Le comité artistique pour les commandes de 30 000 euros

Ce comité est l'instance de droit commun d'examen des dossiers de décoration (le dispositif simplifié a supprimé la commission artistique régionale). Il intervient pour toutes les commandes supérieures ou égales à 30 000 euros hors taxes.

Présidé par le maître d'ouvrage, ce comité est composé de sept membres : quatre représentant le maître d'ouvrage (le président, le maître d'oeuvre, un utilisateur du bâtiment et une personnalité qualifiée), le directeur régional des affaires culturelles et deux personnalités qualifiées. Le maître d'ouvrage et le directeur de la DRAC nomment chacun une personnalité, de manière discrétionnaire, parmi des professionnels de la création. Le directeur de la DRAC nomme une seconde personnalité sur une liste établie par les organisations professionnelles d'artistes. Le maître d'ouvrage prend en charge le défraiement des personnalités nommées (transport, repas). La circulaire incite à inviter à siéger au sein du comité un conseiller de la commune d'implantation de l'ouvrage.

La composition du comité est particulière pour les projets situés à l'étranger (maître d'ouvrage, ambassadeur, maître d'oeuvre, délégué aux arts plastiques et deux personnalités qualifiées).

Le comité devrait être constitué dès approbation de l'avant-projet sommaire. Il élabore un programme de la commande artistique (nature et emplacement de la réalisation, enjeux et attentes de la commande), approuvé par le maître d'ouvrage et communiqué aux artistes. Il arrête son choix le plus en amont possible de la construction.

c. Le rapporteur

La DRAC est rapporteur des projets : elle présente les artistes candidats et leurs références ; elle présente les projets artistiques proposés par les artistes consultés. Le préfet de région peut nommer un rapporteur adjoint aux côtés de la DRAC.

d. La commission nationale

Lorsque l'envergure, les critères financiers et d'innovation esthétique le justifient, le maître d'ouvrage peut renvoyer à la commission nationale en concertation avec le préfet de région. Des grands projets d'aménagement territoriaux, des projets conduits par des établissements publics d'aménagement urbain peuvent être concernés.

III. Les projets inférieurs à 30 000 euros HT

Le maître d'ouvrage peut acheter une oeuvre ou la commander à un artiste lorsque le projet artistique est d'un coût inférieur à 30 000 euros hors taxes.

a. La procédure d'achat

Une procédure de consultation restreinte. Le maître d'ouvrage choisit une ou plusieurs oeuvres après consultation du maître d'oeuvre, l'utilisateur du bâtiment et le directeur de la DRAC. Rien n'empêche l'opérateur de constituer néanmoins un comité artistique.

Des mesures de publicité sont recommandées, par tout moyen approprié, bien que l'achat d'oeuvres d'art existantes ne soit pas soumis au Code des marchés publics.

b. La commande

La procédure de consultation de droit commun. Le maître d'ouvrage choisit après avis du comité artistique.

IV. Transparence de la commande

a. L'obligation de publicité préalable

Quel que soit le montant de la commande artistique, le maître d'ouvrage a l'obligation de rendre public le programme établi avec le comité artistique (C. marchés publ., article 71 N° Lexbase : L2731HPT). Pour le respect des principes de l'article 1er du Code des marchés publics (N° Lexbase : L2661HPA), il lui est recommandé d'indiquer dans son avis les conditions applicables aux candidatures : délais et documents à remettre. Il sera également précisé le nombre d'artistes consultés à l'issue des candidatures. Ces artistes produiront un pré-projet, indemnisé sauf insuffisance manifeste.

Les frais de publicité sont inclus dans le budget du "1 %". Le maître d'ouvrage doit choisir un type de publicité "adaptée, permettant une information suffisante des artistes en fonction de la nature et du montant de la commande" (4).

L'information sur les sites internet (maître d'ouvrage ou sites professionnels) est souhaitée mais non suffisante : elle doit être complétée par l'information traditionnelle (affichage, bulletins, presse spécialisée ou générale...). Le ministère de la Culture et de la Communication accueille gratuitement les avis de publicité sur son site internet. Quant aux commandes relevant de l'Etat, elles sont disponibles sur le portail interministériel des marchés publics (5).

Quand la commande ne peut être confiée qu'à un prestataire déterminé pour raisons techniques, artistiques ou de droits exclusifs, le marché est passé sans publicité et mise en concurrence préalables. La circonstance est exceptionnelle et les conditions restrictives.

b. L'information et la motivation du choix

Le maître d'ouvrage arrête son choix par une décision motivée et en informe l'ensemble des candidats. Il ne peut refuser d'exposer les motivations aux candidats évincés, s'ils le lui demandent (spécification du "1 %", attentes du maître d'ouvrage).

L'avis d'attribution doit être communiqué à l'office de publication de l'Union européenne pour les commandes de plus de 230 000 euros HT, mais il est préconisé de prévoir la communication d'un avis d'attribution dès 210 000 euros HT.

V. Obligations du maître d'ouvrage

a. L'obligation d'un contrat de commande

Il doit être passé entre le maître d'ouvrage et l'artiste pour déterminer les conditions de réalisation, d'installation de l'oeuvre et de rémunération de l'artiste. La cession des droits (reproduction et représentation) est recommandée dans la mesure nécessaire à une utilisation raisonnable de l'oeuvre (communication institutionnelle). De même devraient être inscrites les spécifications techniques pour l'entretien, la maintenance, la restauration ou le déplacement de l'oeuvre. Une durée minimum de présence dans l'espace public peut également être prévue.

b. Les obligations sociales

Le maître d'ouvrage doit verser la contribution du "1 %" diffuseur aux organismes agréés de perception des cotisations sociales des artistes auteurs. Son montant s'impute sur l'enveloppe du 1 %. Sauf dispense de précompte produite par l'artiste, le maître d'ouvrage prélève sur sa rémunération les cotisations maladies, veuvage, CSG, CRDS au taux de droit commun.

c. L'obligation de restauration de l'oeuvre

Le propriétaire ou la personne responsable de l'entretien de l'ouvrage doit assumer ces travaux, en sollicitant éventuellement un mécénat public ou privé. L'opération de restauration ne peut être financée dans le cadre d'une nouvelle procédure de "1 %". Une surveillance et un entretien rigoureux sont préférables à une restauration onéreuse. Les maquettes et esquisses de l'artiste doivent être conservées comme documents pour une éventuelle restauration.

Nicolas Wismer
Collaborateur juridique à des associations de collectivités territoriales
Chargé d'enseignement en droit public à l'IEP de Lyon


(1) Décret n° 2005-90 du 4 février 2005 (N° Lexbase : L5180G7Y), modifiant le décret n° 2002-677 du 29 avril 2002, relatif à l'obligation de décoration des constructions publiques et précisant les conditions de passation des marchés ayant pour objet de satisfaire à cette obligation (N° Lexbase : L7931DN3), JORF du février 2005.
(2) CGCT, art. L. 1616-1 (N° Lexbase : L8167AAQ).
(3) Arrêté du 22 mars 2005 du ministre de la Défense et du ministre de la Culture et de la Communication (N° Lexbase : L1489G8N). Arrêté du 30 septembre 2003 du ministre de l'Intérieur et du ministre de la Culture et de la Communication (N° Lexbase : L4960HTU).
(4) Article 8 du décret du 29 avril 2002 modifié.
(5) www.marches-publics.gouv.fr.

newsid:95112