Réf. : Directive 2006/68 du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006, modifiant la Directive 77/91/CEE du Conseil en ce qui concerne la constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital (N° Lexbase : L2062HS8)
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N2609A9I
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le 07 Octobre 2010
La prohibition de l'assistance financière par la Directive de 1977 : raisons et applications. L'assistance financière consiste pour une société à "avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions par un tiers" (2). L'objectif de la Directive de 1977 étant de "préserver le capital, gage des créanciers, notamment en[...] limitant la possibilité pour une société d'acquérir ses propres actions" (3), la prohibition de l'assistance financière doit être considérée comme le corollaire de l'encadrement du rachat par la société de ses propres actions. En effet, si la société peut faire crédit (de décaissement ou par signature) (4) à un tiers pour financer l'acquisition de ses propres actions, le contournement des restrictions posées pour le rachat d'actions est aisé et le risque d'un capital social fictif élevé.
Cette prohibition a été appliquée inégalement par les Etats membres : certains l'ont restreint à quelques formes particulières de société (5) et d'autres ont inclus des exceptions dont la conformité à la Directive de 1977 est douteuse (6). La France a opté pour une position rigoureuse (7). La prohibition s'applique, en effet, aux sociétés anonymes (8) conformément à l'article 1er de la Directive mais aussi aux autres sociétés par actions (9), et les exceptions prévues concernent seulement "les opérations courantes des entreprises de crédit [et] les opérations effectuées en vue de l'acquisition par les salariés d'actions de la société" (10).
Les raisons de la réforme opérée par la Directive de 2006. La prohibition de l'assistance financière est un obstacle à de nombreuses opérations en droit des sociétés qui interviennent principalement dans le cadre de rachat de sociétés par effet de levier (Leverage Buy-Out LBO) (11). Le véhicule d'acquisition, fortement endetté, doit rembourser ses créanciers grâce aux flux financiers générés par la société cible. Toutes les techniques de remontée de ces flux (distribution ordinaire ou extraordinaire massive de dividendes, fusion rapide (12), debt push down, cash pooling, etc.) présentent divers risques juridiques ou fiscaux : violation de l'intérêt social mais aussi fraude à la prohibition de l'assistance financière (13). Financièrement, il ne fait cependant guère de doute que les dettes permettant l'acquisition de la société cible seront remboursées grâce aux flux financiers générés par les actifs de cette dernière. La prohibition de l'assistance financière ou la notion d'intérêt social sont ainsi des limites à l'utilisation considérée comme abusive des actifs de la société rachetée.
Il s'avère en pratique qu'il est parfois légitime pour la société d'aider financièrement un tiers à acquérir ses propres actions. Cette situation peut, notamment, se présenter lors de la formation d'un partenariat entre deux PME, de la transmission d'une entreprise ou encore de la réalisation de certains LBO (14). Si l'intérêt pour le bénéficiaire de l'aide consiste évidemment en une source de financement à un coût plus avantageux que celui pratiqué par le système bancaire, l'intérêt pour la société réside dans son développement et sa pérennité. Ainsi, pour prendre en compte tant les exceptions déjà prévues par des législations nationales (15) que des besoins pratiques, la Directive de 2006 revient-elle sur le caractère quasiment absolu de la prohibition de l'assistance financière en prévoyant les conditions pour y déroger.
Les nouvelles conditions de la prohibition prévues par la Directive de 2006. Le 1er paragraphe de l'article 23 reprend le principe de la prohibition de l'assistance financière (116) en précisant, cependant, qu'elle ne doit pas être contournée par l'intervention d'un intermédiaire. C'est le sens qu'il faut donner à l'ajout des adverbes "directement ou indirectement" (17). La détermination du champ d'application de l'article L. 225-216 du Code de commerce (N° Lexbase : L8274GQI) nécessitait de concilier le principe d'interprétation stricte en raison de la sanction pénale encourue en cas de violation et la théorie générale de l'interposition de personne (18). Avec la précision apportée par la Directive de 2006, les doutes qui pouvaient subsister sur la prohibition de l'assistance financière accordée par une filiale à un tiers pour l'acquisition des actions de la société mère sont dissipés (19). Une telle opération consiste bien à faire indirectement crédit à un tiers à hauteur d'une partie de la valeur des titres de la filiale immobilisés au bilan de la société mère pour acquérir ses actions. L'adverbe "indirectement" devrait donc être interprété comme une extension du principe de la prohibition, en général, et notamment une confirmation de la prohibition de l'assistance financière par l'intermédiaire d'une filiale, en particulier. En revanche, cette modification ne revient pas sur la position justifiée de la Cour de cassation qui admet le nantissement des actions acquises par le véhicule d'acquisition au bénéfice d'un de ses prêteurs (20).
Une faculté pour les Etats membres. L'insertion dans la législation nationale d'une dérogation à la prohibition de l'assistance financière n'est pas obligatoire. En revanche, si l'Etat membre souhaite y déroger, l'opération d'assistance financière doit respecter les conditions figurant dans la Directive de 2006. La France a réagi avec prudence, voire frilosité, à cette faculté en arguant du risque d'abus sanctionné pénalement (21).
Les limites financières. Les dérogations à l'assistance financière supposent deux conditions financières. Il s'agit en premier lieu de limiter le montant total de l'aide qui peut être accordée à des tiers au montant des réserves distribuables. Ce plafond est abaissé du montant des rachats par la société de ses propres actions (22), l'application cumulative de l'assistance financière et du rachat d'actions ne devant pas conduire à une réduction potentielle du capital social. En second lieu, les réserves distribuables à hauteur du montant de l'aide financière totale deviennent indisponibles. Une société ne peut logiquement pas faire crédit à un tiers à hauteur de ses réserves distribuables, puis les distribuer, ce qui reviendrait à rendre l'actif net inférieur au capital social. Ainsi, la multiplicité des opérations ne permet-elle pas de contourner la limite des réserves distribuables.
Toutes ces conditions financières aboutissent paradoxalement à considérer le capital social comme le plancher du gage des créanciers au moment même où les réflexions s'accordent sur la pertinence moindre de cette notion et la nécessité d'une approche nouvelle (23). Il n'est, en effet, pas rare qu'une société, à la suite d'opérations financières, ait un capital social faible mais des réserves colossales.
Les conditions de cession des actions propres ou de souscription d'actions nouvellement émises. La Directive encadre les conditions financières d'émission d'actions nouvelles ou de cession d'actions propres. Si l'assistance financière permet à un tiers d'acquérir des actions provenant soit d'une augmentation de capital de la société soit d'une cession des actions détenues par elle, alors la souscription ou la cession doit s'effectuer "à un juste prix". Outre la question de la détermination du juste prix, cette disposition vise principalement la situation d'un prix trop bas. Il résulterait en effet d'un prix trop faible une dilution excessive des actionnaires suffisamment minoritaires pour ne pas avoir pu s'opposer au vote du projet d'assistance lors de l'assemblée générale (24). Cette hypothèse n'est en effet que partiellement couverte par d'autres protections notamment celle du droit préférentiel de souscription accordé aux actionnaires en cas d'augmentation du capital en numéraire (25). La situation inverse d'un prix trop élevé est moins problématique dans la mesure où ce n'est pas forcément la cession par le tiers des actions ainsi achetées qui doit permettre le remboursement de l'aide financière.
Une opération sous la responsabilité de l'organe d'administration ou de direction. L'organe d'administration ou de direction a l'initiative d'étudier le recours à l'assistance financière dans la mesure où c'est lui qui soumet l'opération à l'accord préalable de l'assemblée générale des actionnaires.
Lors de la préparation de son projet, l'organe d'administration ou de direction engage sa responsabilité s'il n'a pas veillé (i) à ce que les opérations aient lieu "à de justes conditions de marché" et (ii) examiné dûment "la situation financière du tiers".
L'obligation d'examiner dûment la "situation financière du tiers" bénéficiaire de l'assistance, sur une durée non limitée, peut s'avérer être une tâche très délicate notamment dans une opération de LBO où ce tiers est un véhicule d'acquisition dont la liquidité et la solvabilité reposent sur un certain nombre d'hypothèses fiscales ou financières que les dirigeants ne maîtrisent pas forcément. Dans la procédure anglaise de "whitewash", l'attestation fournie par les dirigeants ne porte pas sur la situation financière du bénéficiaire mais sur la capacité de leur société, la société cible, à honorer ses engagements pendant l'année qui suit la mise en oeuvre de l'assistance financière. Cette approche serait plus raisonnable.
Lors de la transposition de la Directive de 2006, l'examen réalisé par les dirigeants devrait s'accompagner, comme dans la procédure anglaise actuelle, de l'obligation d'obtenir l'avis de commissaires aux comptes. Cet avis limitera la responsabilité des dirigeants qui auront fait mener les investigations nécessaires par des auditeurs professionnels.
Une décision de l'assemblée générale extraordinaire. L'opération est décidée par l'assemblée générale statuant soit à la majorité des "deux tiers des voix afférentes aux titres représentés" soit, si l'Etat membre le décide, à la majorité simple mais à la condition que la moitié du capital souscrit soit représenté (26). Les risques liés à l'opération d'assistance financière étant considérés comme élevés, ce sont les règles de l'assemblée générale extraordinaire qui s'appliquent (27).
Le choix de l'assemblée générale extraordinaire est pourtant discutable dans la mesure où l'opération d'assistance financière ne peut engager un montant supérieur aux réserves distribuables. Or, la formation ordinaire de l'assemblée générale est, par exemple, suffisante pour décider la distribution des réserves libres. Il faut, par ailleurs, noter que le vote d'une résolution autorisant pour une période donnée les dirigeants à réaliser une telle opération d'assistance n'est pas concevable.
Un rapport écrit de l'organe d'administration ou de direction est mis à la disposition des actionnaires et communiqué au registre du commerce et des sociétés. Il contient les informations nécessaires pour lui permettre de statuer sur le projet d'assistance financière de manière éclairée : "motifs de l'opération", intérêt pour la société, conditions de réalisation et "prix auquel le tiers est censé acquérir les actions".
L'articulation des deux paragraphes relatifs à la réalisation des opérations sous la responsabilité de l'organe d'administration ou de direction et à l'approbation préalable de l'assemblée générale ne permet pas de déterminer précisément le régime de la responsabilité. Il est a priori paradoxal de faire peser la responsabilité des opérations sur l'organe d'administration ou de direction et de faire prendre la décision par l'assemblée générale des actionnaires. Le droit français connaît, cependant, quelques infractions similaires, notamment celle de la distribution de dividendes fictifs (28). Si le législateur français ne décide pas de dépénaliser ce sujet (29) et instaure un mécanisme suivant une même logique, les dirigeants resteront pénalement responsables (30) en cas d'assistance financière accordée à un tiers sans s'être conformés à la procédure, notamment sans avoir effectué les diligences requises, soumis préalablement le projet à l'assemblée générale ou respecté les modalités du projet approuvé. Comme pour d'autres infractions (31), le vote, même à l'unanimité (32), du projet d'assistance financière par l'assemblée générale ne devrait pas suffire à écarter la mise en jeu de la responsabilité pénale des dirigeants. Ces derniers devraient aussi être civilement responsables (33). Quant à la mise en jeu de la responsabilité relative à la décision d'assister financièrement un tiers, des actionnaires minoritaires pourront seulement la contester sur le fondement de l'abus de majorité.
La conformité à l'intérêt social. Lorsque les tiers bénéficiaires de l'assistance financière sont des dirigeants de la société, une société-mère ou ses dirigeants ou encore des personnes agissant pour leurs comptes, il existe un conflit d'intérêts : le bénéficiaire détient le pouvoir de biaiser en sa faveur l'économie de l'assistance financière envisagée. La Directive de 2006 prévoit donc l'obligation pour les Etats membres de veiller, "par des garanties adéquates, à ce que cette opération ne soit pas contraire aux intérêts de la société". Sur le fondement de cette disposition, les Etats membres pourront durcir dans ces cas de figure les règles dérogatoires à la prohibition de l'assistance financière en abaissant, par exemple, le montant maximum de l'aide ou en spécifiant que l'aide ne finance que partiellement les actions acquises ou encore en prévoyant le recours obligatoire à une expertise indépendante.
La réforme de l'assistance financière autorise une dérogation souhaitable à la prohibition stricte prévue par la Directive de 1977. Les conditions de mise en oeuvre de la dérogation sont, cependant, peu précises. L'assouplissement des principes pourrait aussi se heurter à une complexité pratique dissuasive.
IV - Réduction du capital (modification de l'article 32)
Le maintien des principes de la Directive de 1977. Le capital social a actuellement pour fonction principale de représenter pour les créanciers l'assiette de leur droit de gage général (34). Or, la réduction du capital non motivée par des pertes constitue un remboursement des capitaux investis par les actionnaires, c'est-à-dire d'investisseurs subordonnés à tous les créanciers. Il en résulte pour ces derniers le droit de s'opposer à ces réductions qui se traduisent par une dévalorisation de l'assiette de leur gage.
Le premier paragraphe de l'article 32 de la Directive de 1977 relatif au droit d'opposition n'a pas été modifié dans sa substance par la Directive de 2006. Conformément à la fonction dévolue au capital social, il prévoit que : "en cas de réduction du capital souscrit, au minimum les créanciers dont les créances sont nées avant la publication de la décision de réduction ont au moins le droit d'obtenir une sûreté pour les créances non encore échues au moment de cette publication". Le champ d'application de ce droit est ainsi délimité : il s'exerce seulement en cas de réduction du capital souscrit à l'exclusion des distributions de réserves ou de primes ; seuls les créanciers antérieurs à la décision de réduction sont concernés car leur décision de prêter à la société s'est prise en considération du capital social de la société antérieur à cette décision ; les créances échues sont exclues. Enfin, ce droit est écarté "si le créancier dispose de garanties adéquates ou si ces garanties ne sont pas nécessaires compte tenu du patrimoine de la société".
Ces dispositions sont transposées en droit français à l'article L. 225-205 du Code de commerce (N° Lexbase : L8296GQC). Le droit d'opposition est légèrement plus restreint puisque les créances antérieures sont celles nées avant le dépôt au greffe du procès-verbal de délibération de l'assemblée ayant approuvé le projet de réduction du capital et non pas avant la publication effective.
Les modifications apportées par la Directive de 2006. La Directive de 2006 (35) ajoute un second paragraphe qui impose aux Etats membres de prévoir un recours judiciaire pour les créanciers dont les intérêts n'auraient pas été pris en compte. Toutefois, afin de ne pas permettre aux créanciers de bloquer de manière déraisonnable ou dilatoire les opérations de réduction du capital, leur action en justice n'est ouverte qu'à condition d'être crédible.
Ces nouvelles exigences du droit européen entraîneront-elles une modification des textes français ? (36) Certes, le droit d'opposition s'exerce déjà par voie d'assignation devant le tribunal de commerce dans un délai de vingt jours à compter du dépôt au greffe du procès-verbal de délibération de l'assemblée générale qui a décidé ou autorisé la réduction du capital (37). Cependant, contrairement à la règle classique de la procédure civile (38), la charge de la preuve ne semble pas peser sur le demandeur. En effet, le créancier, auteur de l'opposition, n'a pas à démontrer qu'il a contracté sur la foi du capital initial et a subi un préjudice (39), mais il peut justifier son opposition en soulignant les conséquences potentiellement négatives de la réduction sur le remboursement de son prêt. Or, ce mécanisme n'est pas exactement identique à celui prévu par la Directive de 2006, qui impose une condition de crédibilité, non pas sur le succès de l'opposition, mais sur l'étape en amont : l'autorisation de saisir la juridiction. En l'état actuel du droit français, l'effet dilatoire, que la Directive de 2006 a pour objectif de supprimer, existe dans la mesure où l'opération de réduction du capital ne peut commencer avant que le juge ait statué en première instance (40). La transposition de ces nouvelles exigences du droit européen pourrait donc limiter davantage le droit d'opposition en restreignant la recevabilité du recours formé devant le tribunal de commerce et en exigeant des créanciers de démontrer, "de manière crédible, que [la] réduction du capital souscrit compromet leur désintéressement et que la société ne leur a pas fourni de garanties adéquates". La démonstration de l'incertitude pesant sur leur remboursement et de l'absence de garanties adéquates est bien sûr cumulative. Cependant, la mise en conformité du droit français avec cette interprétation plus rigoureuse de la Directive ne semble pas représenter actuellement un enjeu pratique prioritaire si on en juge par le nombre réduit de contentieux en la matière.
Les autres précisions à apporter au texte français. La question de l'exercice du droit d'opposition s'est récemment posée à la suite de l'ordonnance relative aux valeurs mobilières (41) qui introduit les actions de préférence en droit français (42). Un des droits particuliers assortis à ces actions pourrait consister en la faculté pour leur détenteur d'en exiger le rachat par la société sous certaines conditions, ces actions rachetables (43) étant ensuite annulées. Faut-il alors consentir aux créanciers un droit d'opposition au moment du rachat (44) ? La Directive contient des éléments de réponse. Tout d'abord, les actions rachetables peuvent être introduites par les Etats membres, ce qui pose le principe de leur compatibilité avec les autres dispositions de la Directive (45). Ensuite, la rédaction de l'article 32 de la Directive (droit d'opposition des créanciers) ne semble pas devoir s'appliquer dans ce cas de figure. D'une part, il ne vise que les créanciers antérieurs à la décision de réduction du capital qu'on peut considérer comme prise simultanément à la décision d'augmentation du capital, étant donné le fonctionnement même des actions rachetables (46). Les créanciers antérieurs à l'émission des actions rachetables ne devraient pas, quant à eux, bénéficier du droit d'opposition dans la mesure où ils se sont engagés en considération du capital social tel que formé avant cette émission. D'autre part, l'article 39 de la Directive (actions rachetables) prévoit une protection particulière consistant en la création d'une réserve non distribuable à hauteur du montant du nominal des actions rachetables rachetées et annulées (47). Ces éléments plaident en faveur de l'exclusion du droit d'opposition des créanciers en l'état actuel du droit (48). Il serait, néanmoins, opportun que le législateur apporte les précisions nécessaires lors de la transposition de la Directive de 2006 afin de clarifier le régime des actions rachetables en droit français.
Conclusion. Si la Directive de 2006 répond aux besoins d'assouplissement des règles régissant certaines opérations sur le capital social, le législateur devra faire preuve de tout le doigté nécessaire pour éviter les pièges de l'exercice délicat de transposition. A négliger les opportunités offertes, les sociétés soumises au droit français s'en trouveraient désavantagées. A proposer des procédures trop complexes, elles en deviendraient dissuasives et l'effort de flexibilité serait vain. A ces questions d'ajustement, certains esprits retors préféreront peut-être attendre le débat de fond portant sur l'adoption d'un mécanisme alternatif au capital social.
Nicolas Spitz
Avocat au Barreau de Paris
Jean-Baptiste Poulle
Avocat au Barreau de Paris
(1) Directive 2006/68/CE, publiée au JOCE du 25 septembre 2006.
(2) L'article L. 225-216 du Code de commerce (N° Lexbase : L8274GQI) reprenant exactement l'article 23 de la Directive de 1977.
(3) Quatrième considérant de la Directive.
(4) Pour que cette opération entre dans l'exception au monopole bancaire de l'article L. 511-7 I. 3° du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6371DIS), elle doit s'effectuer "avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l'une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres". La Directive de 2006 ne mentionnant pas cette condition de contrôle, l'introduction de l'assistance financière en droit français aboutira implicitement à autoriser une nouvelle exception au monopole bancaire. Sur l'exception de l'article L. 511-7 I. 3°, v. T. Bonneau, Droit bancaire, Montchrestien, 2003, n° 213, p. 136.
(5) Il s'agit principalement de pays du nord de l'Europe (par opposition à la France, l'Italie ou l'Espagne) : en Allemagne, la prohibition n'est absolue que pour les Aktiengesellschaft (A.G.) et non pour les Gesellschaft mit beschränkter Haftung (GmbH) ; au Pays-Bas, les Belsoten Vennootschap (B.V.) peuvent aussi pratiquer l'assistance financière sous certaines conditions à l'inverse des Naamlzoe Vennootschap (N.V.).
(6) Procédure de whitewash au Royaume-Uni : sections 151 à 158 du Companies Act 1985 spécialement sections 155 à 158. Voir F. Basdevant, J.-J. Daigre, La participation d'une société cible à son rachat : la procédure anglaise dite de "Whitewash", Actes Pratiques - Sociétés, juillet-août 2004, p. 3. Cette procédure a certainement été une source d'inspiration pour la présente réforme. Le Companies Act 2006, dont la publication est attendue pour le début du mois de décembre 2006, devrait supprimer, pour les sociétés non cotées et uniquement pour elles, la prohibition de l'assistance financière ainsi que ses exceptions notamment la procédure de whitewash. Cette réforme ne semble a priori pas conforme à la Directive de 2006 qui ne distingue pas les sociétés cotées des sociétés non cotées. En revanche, elle reprend les réponses adressées par les praticiens au gouvernement anglais lors d'une consultation relative à la proposition de Directive de 2006 ; v. DTI, European Company Law and corporate governance, septembre 2005, p. 38. Voir également : Practical Law Company, Financial assistance : Companies Bill, Reference n°2-202-4475.
(7) A. Viandier, L'article 217-9 de la loi du 24 juillet 1966 et les rachats d'entreprise, JCP éd. G, I. n° 3476, 1990, p. 47 ; H. Le Nabasque, A propos de l'article 217-9..., op. cit.. Sur l'interprétation de cette règle, voir, notamment, Cass. com., 15 novembre 1994, n° 92-19.302, Epoux Petit c/ Caisse centrale des banques populaires et autres (N° Lexbase : A3950ACB) : M. Jeantin, Revue des Sociétés, n° 1, janvier-mars 1995, p. 66 ; Y. Guyon, JCP éd. E, n° 15, 673 ; A. Couret, Bull. Joly, 1995, p. 67 ; D. Vidal, Droit des sociétés, 1995, comm. n° 20 ; J. Mestre, RTDCiv., 1995, p. 357 ; P. Merle, Bull. CNCC, 1995, n° 97, p. 87.
(8) C. com., art. L. 225-216, alinéa 1.
(9) Pour la société par actions simplifiée, l'article L. 227-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L6156AIT) n'exclut pas l'application de l'article L. 225-216 du Code de commerce. Il en est de même pour les sociétés en commandite par actions (C. com., art. L. 226-1N° Lexbase : L6142AIC).
(10) L'article L. 225-216, alinéa 2, du Code de commerce qui reprend une exception prévue par la Directive à l'article 23, paragraphe 2. Contrairement à ce paragraphe de la Directive, la disposition française ne précise pas que l'aide accordée dans le cadre de ces exceptions ne doit pas excéder les réserves distribuables de la société. De plus, l'exception française porte sur les "salariés", une catégorie plus restreinte que le "personnel de la société" visé par la Directive.
(11) P. Quiry, Y. Le Fur, Pourquoi tant de LBO ?, La lettre Vernimmen.net, n° 13, octobre 2002.
(12) A. Sorensen, La fusion rapide en question, Bull. Joly Sociétés, n° 3, 1er mars 2001, p. 325 ; J.-J. Uettwiller, Les risques liés aux LBO, Revue des Sociétés, n° 4, octobre-décembre 1996.
(13) C. Motol, LBO: quand la cible aide son acquisition, Option Finance, n° 899, 25 septembre 2006, p. 24.
(14) D. Kling, op. cit., p. 40.
(15) La Directive de 2006 s'inspire de la procédure de whitewash instaurée au Royaume-Uni par le Companies Act 1985. Les conditions ne sont cependant pas identiques : en particulier, la procédure anglaise n'est ouverte qu'aux sociétés non cotées ; elle impose l'intervention d'auditeurs ; elle prévoit des exceptions à l'approbation de l'opération par l'assemblée générale, etc.
(16) La Directive de 2006 n'apporte aucun changement permettant de trancher les débats relatifs à l'interprétation au champ d'application de la prohibition notamment sur le point de savoir si l'expression "en vue de", lue strictement, conduit à exclure l'aide apportée à un tiers postérieurement à l'acquisition des actions. V. H. Le Nabasque, A propos de l'article 217-9..., op. cit., n° 12.
(17) Ces adverbes figuraient déjà dans la transposition de la Directive effectuée au Royaume-Uni (article 151 (1) du Companies Act 1985).
(18) A. Pietrancosta, Actions : souscription, achat et prise en gage de ses actions par la société, op. cit., spéc. n° 69.
(19) Cass. com., 19 décembre 2000, n° 97-11.502, M. Louis Séchet c/ Société Crédit industriel de l'Ouest (N° Lexbase : A3361AUZ) : A. Constantin, Bull. Joly Sociétés, n° 4, avril 2001, p. 379, spéc. n° 8. N. Bichot, Assistance financière et opérations de LBO, Revue de droit bancaire et financier, n° 3, mai-juin 2002, p. 171 ; ANSA, Application de l'article 217-9 - filiale octroyant un prêt à ses salariés pour l'acquisition d'actions de la société mère, n° 3 010, Comité juridique du 3 février 1999, juillet-août 1999 ; H. Le Nabasque, A propos de l'article 217-9..., op. cit., n° 20.
(20) Cass. com., 19 décembre 2000, précité : A. Constantin, op. cit., spéc. n° 6 et 7.
(21) Rapport de la délégation du parlement français, op. cit..
(22) Article 19 paragraphe 1 b) de la Directive.
(23) Cf. supra, n° 6. Adde., A. Pietrancosta, Capital zéro ou zéro capital, dans Quel avenir pour le capital social, Dalloz, 2004, p. 127.
(24) L'article 23, alinéa 3, de la Directive prévoit que le rapport écrit transmis à l'assemblée générale statuant sur l'assistance financière mentionne "le prix auquel le tiers est censé acquérir les actions". Il s'ensuit que la majorité des actionnaires aura accepté les conditions de leur dilution.
(25) C. com., art. L. 225-132.
(26) Article 40 de la Directive.
(27) C. com. Art. L. 225-96. Dans la procédure anglaise actuelle de whitewash, les actionnaires détenant plus de 10 % du capital de la société qui n'ont pas approuvé le projet d'assistance financière peuvent s'y opposer en justice dans le délai de quatre semaines suivant le vote de l'assemblée générale. L'article 23 bis du projet de Directive présenté par la Commission le 21 septembre 2004, qui reprenait ce mécanisme, n'a pas été retenu dans la Directive de 2006.
(28) C. com., art. L. 242-6 1° (N° Lexbase : L6420AIM). Voir G. Ripert, R. Roblot, Traité de droit commercial, Tome 1, Volume 2, 18ème édition, 2002, spéc. n° 1911.
(29) Voir, notamment, M. Haschke-Dournaux, Les voies de la réforme du droit pénal des sociétés, Bull. Joly Sociétés, avril 2003, n° 4, p. 377.
(30) L'article L. 242-24, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L6438AIB) sanctionne la violation de l'article L. 225-216 par une amende de 9 000 euros.
(31) En ce qui concerne le versement de dividendes fictifs, voir W. Jeandidier, Délit de distribution de dividendes fictifs, JurisClasseur Sociétés, Fasc. 147-60, octobre 2005, spéc. n° 19.
(32) En ce qui concerne l'abus de biens sociaux, voir par exemple Cass. crim. 5 novembre 1963, n° 62-90643, publié au bulletin (N° Lexbase : A2334CGK), Bull. Crim., 1963, n° 307.
(33) C. com., art. L. 225-251 et suivants (N° Lexbase : L6122AIL). Pour des développements relatifs au versement de dividendes fictifs, voir W. Jeandidier, Délit de distribution de dividendes fictifs, op. cit., spéc. n° 31 à 35.
(34) 4ème considérant de la Directive.
(35) Les modifications apportées par la Directive de 2006 à l'article 32 sont quasiment identiques à celles figurant dans la proposition de Directive du 21 septembre 2004.
(36) Pour un avis négatif, voir D. Kling, CCIP, op. cit., p. 38.
(37) C. com., art. L. 225-205 et article 180 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967 (N° Lexbase : L0729AYN).
(38) NCPC, art. 9 (N° Lexbase : L3201ADW): "Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention".
(39) M.-L. Coquelet, Réduction du capital social, JurisClasseur Sociétés, Fasc. 159-10, janvier 2004, spéc. n° 53 ; J. Hémard, F. Terré, P. Mabilat, Sociétés Commerciales, Dalloz, tome II, 1974, n° 694, p. 566.
(40) C. com., art. L. 225-205, alinéa 3.
(41) Ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 (N° Lexbase : L5052DZ7).
(42) C. com., art. L. 228-11 et suivants (N° Lexbase : L8368GQY) V. T. Bonneau, F. Drummond, Droit des marchés financiers, Economica, 2005, §99, p. 95.
(43) R. Mortier, Rachat d'actions et actions rachetables, Revue des Sociétés, 2004, p. 639 ; N. Spitz, Les actions rachetables, Jurisclasseurs Sociétés Formulaire, Fasc. K-63, 2006.
(44) Pour l'exclusion du droit d'opposition, v. A. Viandier, Les actions de préférence, JCP éd. E, 2004, p. 1598. N. Spitz, op. cit., n° 49 ; contra v. R. Mortier, op cit., p. 653.
(45) Article 39 de la Directive.
(46) L'article L. 225-205 du Code de commerce dispose que l'assemblée des actionnaires se prononce sur un "projet" de réduction du capital et l'article 180 du décret du 23 mars 1967 (N° Lexbase : L2496AHW) prévoit que cette assemblée peut "décider ou autoriser" la réduction.
(47) Cette réserve semble une protection suffisante des créanciers antérieurs à l'émission des actions rachetables dans l'hypothèse où la valeur de rachat est supérieure à celle d'émission.
(48) Pour une opinion favorable à l'insertion de cette précision à l'article 32 de la Directive v. D. Kling, CCIP, op. cit., p. 38.
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